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Un pape noir pour succéder à François ? La potentielle candidature de Peter Turkson relance le débat

Photo diffusée le 16 juin 2014 par le bureau de presse du Vatican montre le pape François (G) serrant la main du cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson alors qu'il rencontre les participants d'une conférence organisée par le Conseil pontifical Justice et Paix « Investir pour les pauvres » au Vatican. (AFP)
Alors que le conclave approche, le nom du cardinal ghanéen Peter Turkson s’impose parmi les favoris. Figure modérée et voix africaine influente, il incarne l’espoir d’un changement historique pour une Église en quête d’universalité, sur fond de fractures ethniques, de conservatisme doctrinal et de rêves d’inclusion.
En 2010, le cardinal Peter Turkson déclarait ne pas se sentir prêt à devenir pape, ajoutant que l'Église catholique ne l'était pas non plus. Quinze ans plus tard, cette figure influente de l’Église africaine est pourtant l’un des favoris du prochain conclave.
« Ce n’est pas notre ambition d’avoir un premier pape noir. C’est une chose difficile », affirmait-il à l’époque. Mais depuis la mort du pape François, son nom revient régulièrement dans les analyses et spéculations.
Turkson n’est pas le seul Africain mentionné parmi les potentiels successeurs. L’histoire rappelle qu’un pape d’origine nord-africaine, Victor Ier, a dirigé l’Église entre 189 et 199. Et aujourd’hui, alors que la part des fidèles africains augmente face à une Europe plus sécularisée, la question revient avec insistance : l’Église est-elle prête pour son premier pape noir ?
Une autorité mondiale pour une Église mondiale
« Il est de plus en plus admis que si le pape doit incarner une autorité universelle, alors il doit représenter l’Église universelle », souligne Miles Pattenden, historien du catholicisme.
Né au Ghana dans une famille modeste de dix enfants, Turkson fut le premier Ghanéen nommé cardinal, en 2003. En 2008, il a joué le rôle de médiateur lors d’une crise électorale dans son pays. Il a également occupé des postes clés au sein de la curie romaine.
Connu pour sa position nuancée sur les droits LGBTQIA+, Turkson a notamment critiqué les discours affirmant que les relations homosexuelles seraient « étrangères à l’Afrique ». En 2023, il déclarait à la BBC : « Les personnes LGBTQIA+ ne devraient pas être criminalisées, elles n’ont commis aucun crime ».
Une alternative aux conservateurs
Cette posture modérée contraste avec celle du cardinal guinéen Robert Sarah, figure très prisée des courants conservateurs, qui a par le passé comparé l’homosexualité et l’avortement à une idéologie « aussi destructrice que le nazisme ». Un autre prétendant africain, le cardinal Fridolin Ambongo (RDC), a également exprimé des réticences sur la reconnaissance des droits LGBTQIA+, malgré les appels du pape François à plus de tolérance.
Bien que progressiste dans le ton, François n’a pas modifié plusieurs positions traditionnelles de l’Église sur le mariage homosexuel ou l’avortement. Cet équilibre entre ouverture et continuité pourrait favoriser des candidats africains perçus comme conservateurs sur certains points, selon Cristina Traina, professeure en études religieuses à l’université Fordham à New York.
Un conclave sous-représentatif de l’Afrique
Le cardinal Jorge Bergoglio avait brisé la tradition eurocentrique en devenant le premier pape latino-américain. Il s’est efforcé de faire évoluer la composition du collège cardinalice : 12 % des cardinaux électeurs sont aujourd’hui Africains, contre 8 % auparavant. Pourtant, ce chiffre reste faible, alors que l’Afrique abrite 20 % des 1,4 milliard de catholiques du monde.
« Il est difficile d’imaginer que le successeur de François soit un Africain », reconnaît Traina. Un prêtre congolais, resté anonyme, ajoute : « S’il n’y a pas eu de pape africain en 1 500 ans, c’est aussi à cause d’une discrimination implicite enracinée dans nos sociétés ».
« Nous rêvons souvent d’avoir un pape africain », confie le père Paul Maji, prêtre à Abuja. Mais il affirme ne pas nourrir d’attentes personnelles : « C’est entre les mains de Dieu ».
Même position pour le professeur Sylvain Badibanga, de la Faculté de théologie de l’Université catholique du Congo : « Nous ne devons pas penser que cela nous est dû. C’est Dieu qui décidera ».
Le cardinal Turkson lui-même s’était exprimé en ce sens en 2013 : « Si Dieu le veut, je serai pape. Sinon, ce n’est pas ma voie ». (Quid avec AFP)