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Trump dans le Golfe: économie en vedette, géopolitique en embuscade

Le président américain Donald Trump et le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed Bin Salman (R) arrivent pour une réunion sur « l'économie mondiale » lors du sommet du G20 à Osaka, le 28 juin 2019. (Photo AFP)
Donald Trump entame une tournée dans le Golfe placée sous le signe du business XXL, des alliances de circonstance et des calculs diplomatiques. Si les contrats seront largement médiatisés, les enjeux géopolitiques — Iran, Gaza, Syrie — s’inviteront en coulisses d’un voyage où la realpolitik l’emporte sur les grands principes.
Donald Trump s'envole ce lundi pour l'Arabie saoudite, puis le Qatar et les Emirats arabes unis, une tournée qu'il espère riche en gargantuesques contrats économiques mais pendant laquelle il ne pourra évacuer les conflits et tensions au Moyen-Orient au sens large.
Le président américain "se rend dans le Golfe parce qu'il s'y sent bien. (Ses hôtes) vont le flatter, s'abstenir de le critiquer et ils traiteront les membres de sa famille comme des relations d'affaires", eu égard aux nombreux intérêts privés du clan Trump dans la région, anticipe Jon Alterman, directeur du programme Moyen-Orient au Center for Strategic and International Studies.
Pendant son premier mandat, le milliardaire républicain avait réservé en 2017 son premier déplacement international à l'Arabie saoudite, plutôt qu'à des alliés traditionnels tels que le Canada ou le Royaume-Uni.
Huit ans plus tard, il voulait faire de même, avant que les funérailles du pape François ne le conduisent à effectuer d'abord un aller-retour à Rome.
Sa porte-parole Karoline Leavitt a évoqué vendredi un "retour historique" dans la région pour promouvoir une vision "où l'extrémisme est éliminé au profit de relations commerciales et culturelles".
Elle a précisé que le républicain se rendrait auprès de soldats américains sur une base au Qatar.
Pas d'étape en Israël
Contrairement à sa tournée de mai 2017, il n'ira pas en Israël, une omission qui pour nombre de chercheurs confirme des tensions.
L'ancien promoteur immobilier "espère décrocher des promesses d'investissement", analyse Anna Jacobs, chercheuse du Arab Gulf States Institute à Washington, à un moment où sa politique protectionniste déstabilise l'économie américaine et inquiète l'opinion publique.
Ryad, Doha et Abou Dhabi déploieront tout leur faste pour un dirigeant très sensible à la pompe monarchique, en plus d'annoncer d'énormes contrats et commandes, qui pourraient aller de la défense à l'aviation en passant par l'énergie ou l'intelligence artificielle.
L'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont aussi décidé, avec les autres pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+), d'augmenter fortement leur offre de pétrole. De quoi mettre Donald Trump, que toute baisse du cours du brut enchante, dans les meilleures dispositions.
"Ce voyage est d'abord économique, mais il sera impossible d'éviter les sujets géopolitiques", souligne toutefois Steven Cook, expert du Council on Foreign Relations.
Le président américain rencontrera à Ryad les dirigeants des six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahreïn, Qatar, Koweït et Oman), dont l'influence diplomatique ne cesse de croître, comme en témoigne le rôle de médiation joué par certains d'entre eux dans la guerre en Ukraine ou le conflit à Gaza.
Iran, Yémen, Gaza, Syrie
Face à cet interlocuteur, ces Etats chercheront à comprendre voire influencer la position de Donald Trump sur les grands sujets régionaux.
C'est-à-dire: les discussions entre Etats-Unis et Iran sur le nucléaire, dont une nouvelle session est prévue dimanche à Oman ; les attaques des Houthis du Yémen, avec lesquels Washington vient de conclure un cessez-le-feu ; mais aussi la Syrie et bien sûr Gaza, où les Américains ont annoncé une initiative humanitaire.
"Les pays du Golfe jouent un rôle très important" dans les pourparlers sur le nucléaire iranien, qu'ils voient d'un meilleur oeil que lors du premier mandat de Donald Trump, relève Andreas Krieg, spécialiste du Moyen-Orient au King's College de Londres.
Les spécialistes de la région jugent par contre qu'une normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël, projet un temps cher à Donald Trump, n'est plus d'actualité à l'heure où la bande de Gaza, assiégée et pilonnée par les forces israéliennes, vit une catastrophe humanitaire.
Certains experts imaginent plutôt des tractations américano-saoudiennes dans lesquelles Israël serait laissé de côté, par exemple sur le nucléaire civil.
Le sujet des droits de l'homme, qui avait causé des frictions entre Ryad et le précédent président démocrate Joe Biden, ne devrait cette fois guère troubler le déplacement.
L'une des inconnues du voyage concerne une éventuelle décision du président américain sur la manière dont les Etats-Unis désignent le Golfe.
Des articles de presse lui prêtent l'intention de le désigner comme "Golfe d'Arabie" ou "Golfe arabique", et non plus "Golfe Persique", au risque de braquer les Iraniens. (Quid avec AFP)