Environnement
L'arganeraie marocaine : sentinelle verte face au changement climatique

Sur les 830.000 hectares que couvre la réserve de biosphère de l'arganeraie, l'impact de l'arganier est double : écologique et humain.
Quid avec MAP
À l'heure où la planète s'interroge sur ses modèles de développement, l'arganeraie du Maroc s'impose comme un exemple vivant de résilience, de durabilité et de richesse partagée. Entre valorisation économique, patrimoine culturel et réponse écologique, cet écosystème unique au monde est aujourd'hui à la croisée des chemins. Pour y palleir, Agadir a abrité une rencontre scientifique pour partager les avancées issues du programme DARED
Un patrimoine vivant menacé par les bouleversements climatiques
Nicheé au pied de l'Anti-Atlas, dans des zones où le climat oscille entre semi-aride et aride, l'arganier est bien plus qu'un arbre. Symbole de la biodiversité marocaine, cette essence endémique est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. Véritable rempart naturel contre la dégradation des terres, il joue un rôle de bouclier face aux extrêmes climatiques.
Mais les menaces se multiplient. Latifa Yaakoubi, directrice générale de l'ANDZOA, souligne l'effet combiné des pressions anthropiques et du changement climatique : sécheresse répétée, déficit hydrique, surexploitation des sols... L'arganier réagit en ralentissant sa fructification et en renforçant ses mécanismes de survie, au prix d'une réduction dramatique de sa productivité.
Le chercheur Abdelaziz Mimouni alerte sur un dessèchement à grande échelle. Les arbres survivants peinent à reprendre leur végétation malgré les dernières pluies. La situation est critique dans de nombreuses zones, notamment celles à pratiques agricoles peu durables.
Un écosystème au service de la biodiversité et des populations rurales
Sur les 830.000 hectares que couvre la réserve de biosphère de l'arganeraie, l'impact de l'arganier est double : écologique et humain. En enracinant les sols, il limite l'érosion jusqu'à 75 %, régule les flux hydriques et capture en moyenne 2,5 tonnes de CO2 par hectare et par an. Ce rôle climatique justifie pleinement le thème 2025 de la Journée internationale de l'arganier : "levier pour atténuer les effets du changement climatique".
Mais c'est aussi un vecteur puissant de développement local. L'arganier fait vivre près de 4 millions de Marocains, en majorité des femmes engagées dans 1.000 coopératives et 900 PME. Le savoir-faire ancestral autour de l'huile d'argane, transmis de génération en génération, permet non seulement de créer des emplois, mais aussi de freiner l'exode rural.
Les politiques publiques ont accompagné cette dynamique, notamment via "Génération Green 2020-2030" et "Forêts du Maroc 2020-2030", réhabilitant 246.000 hectares et plantant 10.000 hectares d'arganiculture climato-résiliente.
Entre recherche, engagement local et coopération internationale : un modèle à amplifier
Les efforts se poursuivent à tous les niveaux. L'ANDZOA et ses partenaires (INRA, ADA, Fonds Vert pour le Climat) ont organisé à Agadir une rencontre scientifique pour partager les avancées issues du programme DARED. Irrigation solaire, bioindicateurs de santé des sols, séquestration du carbone… les pistes ne manquent pas.
Latifa Yaakoubi plaide pour une structuration renforcée de la filière : accès aux financements, professionnalisation des coopératives, modélisation économique, digitalisation, formation de la jeunesse... autant d'axes pour ancrer l'arganiculture dans une économie verte.
Le volet pédagogique n'est pas en reste : des concours dans les écoles, des ateliers de sensibilisation, et même un semi-marathon de l'arganier sont prévus pour mobiliser la société autour de ce patrimoine vivant.
Agadir accueille aussi le "Souss Gastro Festival", où chefs internationaux mettent à l'honneur l'huile d'argane dans une symphonie de saveurs. Culture, sport, gastronomie, science : la fête de l'arganier est à l'image de ce qu'il représente, un modèle d'harmonie entre traditions et avenir.