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ONU SAHARA MAROCAIN : DE MISTURA, LA LARME A L'ŒIL... Par Mustapha Sehimi

Aux faits, De Mistura regarde a préféré faire état de " nombreuses expressions poignantes d'impatience et de douleur’’, une Sensiblerie d'affichage
L'autre facette de l'actuel envoyé personnel du Secrétaire général de 1'ONU, Staffan de Mistura. Une longue carrière diplomatique notamment comme émissaire onusien au Liban, en Irak, en Afghanistan et en Syrie puis aujourd'hui dans la région. A-t-il imprimé durant les décennies écoulées ? Pas vraiment : depuis sa nomination en a octobre 2021, il n'a enregistré aucune avancée. Il se distingue par une sensiblerie de mauvais aloi. Mustapha Sehimi explique.
Staffan Mistura, envoyé personnel, a donc tout faux! Avait-il une méthode conséquente de nature à renouer les liens entre les quatre parties (Maroc, Algérie, Mauritanie et "Polisario") ? Échec: le format de négociation des tables rondes de décembre 2018 et de mars 2019 en Suisse de son prédécesseur, Horst Köhler, n'a pas pu se poursuivre: tant s'en faut. L'Algérie et le mouvement séparatiste s'y opposent encore. Pas de cohérence donc du côté du pays voisin : aux deux rencontres précitées, ce pays avait pourtant été représenté à un haut niveau avec le ministre des Affaires étrangères en personne, Abdelkader Messahel puis Ramtane Lamamra. Comprenne qui pourra ! Sauf à y voir l'expression d'une diplomatie passablement erratique. Quant au mouvement séparatiste, il a décidé depuis novembre 2020 de ne pas respecter le cessez-le-feu instauré par la résolution 690 du Conseil de sécurité d'avril 1991 et appliqué depuis septembre de cette même année.
Faux pas et partialité
De Mistura a, par ailleurs, fait un faux pas en se rendant, le 31 janvier 2024 à Prétoria, pour rencontrer officiellement la ministre des Affaires étrangères de l'Afrique du Sud, Naledi Pandor. Dans quel but ? Que pouvait bien avancer de nouveau ce pays dont l'hostilité à l'endroit de la question nationale est établie depuis des lustres ? Le porte-parole du Secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujartics, embarrassé, a expliqué alors que cette visite relevait de la "diplomatie secrète". Il en a pourtant informé l'Algérie et le "Polisario", pas le Maroc !
En octobre dernier, le voilà qui franchit un grand pas dans cette voie en recyclant la proposition d'une partition du Sahara marocain entre le Royaume et le mouvement séparatiste laquelle avait été soumise par le président algérien Bouteflika à James Baker, alors envoyé personnel de Kofi A. Annan, lors d'une visite à Houston en novembre 2001. Aujourd'hui, toutes les cartes sont rebattues avec la réunion à huis clos du Conseil de sécurité du lundi 14 avril courant : réaffirmation du soutien de Washington et de Paris, exclusivité du plan marocain d'autonomie comme seule base de négociation, resserrement de l'agenda des négociations dans les trois mois à venir, prorogation du mandat de l'envoyé personnel jusqu'à la fin 2026. Une nouvelle approche qui doit donner des résultats, l'administration Trump étant décidée à prendre les choses en mains en 2025.
Sensiblerie d'affichage
Cet historique devait être fait pour mettre en relief cet aspect particulier: De Mistura n'est plus qu'un accompagnateur d'un processus qui lui échappe. Il était d'ailleurs question de la fin de sa mission, lui- même ayant indiqué en octobre dernier qu'il se donnait six mois jusqu'à ce mois d'avril 2025 pour voir si sa mission présentait vraiment quelque utilité. Mais ce qui frappe dans son rapport fait cette semaine au Conseil de sécurité, ce sont les développements consacrés à la crise humanitaire dans les camps de Tindouf et à la réduction des rations alimentaires. L'aide alimentaire provient de 1' Union européenne, du Programme alimentaire mondial (PAM), des ONG et de pays donateurs. Or, un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) de 2015 a mis en lumière des pratiques systématiques de détournement de cette aide depuis plusieurs années : revente sur des marchés noirs, notamment en Algérie, au Mali en Mauritanie) ; surévaluations de la population pour avoir davantage de ressources que nécessaire ; implication de certains officiels algériens et du "Polisario".
Sur tous ces points, De Mistura regarde ailleurs. Il a préféré faire état de " nombreuses expressions poignantes d'impatience et de douleur, notamment de la part de la nouvelle génération de réfugiés sahraouis". Il a même fait état, dans cette même ligne, de son émoi en reprenant la détresse d'une jeune fille née dans les camps "et qui n'a" connu que cette réalité toute sa vie... " Comme officiel onusien, l'on attendait autre chose de sa part: qu'il explique pourquoi a été suspendu l'échange de familles entre les camps de Tindouf et les provinces sahariennes récupérées; qu'il dénonce la répression sévissant avec des règlements de comptes intertribaux et leur cortège d'arbitraire, de violence et même de morts; qu'il mette en cause le sort des 4.000 enfants soldats embrigadés dans les milices armées du mouvement séparatiste; qu'il dénonce aussi le refus de l'Algérie d'opérer le recensement des réfugiés pourtant recommandé par le Conseil de sécurité depuis des années les privant ainsi du statut et des protections du droit humanitaire national.
C'est dire que De Mistura ne fait pas le "job". La compassion de commande et la sensibilité d'affichage dont il s'échine à faire montre sont déplacées : elles ne trompent personne...