HASSAN II AURAIT-IL TWEETÉ ? Par Mustapha Sehimi

5437685854_d630fceaff_b-

Le défunt Roi du Maroc Hassan II avec le défi-un président français Charles de Gaulle.

1
Partager :

Les tweets et la communication politique : une équation devenue essentielle avec les réseaux sociaux. Twitter illustre bien ce phénomène qui permet aux politiques, aux partis et à tant d'autres acteurs d'interagir directement avec le public. Dans cette chronique, Mustapha Sehimi évoque cette question avec Hassan II, Mohammed VI, Donald Trump et Emmanuel Macron. 

Les tweets ? 1l faut en parler, ils sont de plus en plus prégnants dans les multiples aspects de la vie sociale. Quels traits les distinguent par rapport aux vecteurs de la communication traditionnelle ? Le premier est l'instantanéité et la portée couplées à la personnalisation et à la proximité. Il faut y ajouter autre chose : la réactivité qui peut influencer l'agenda médiatique et politique, les interactions et des échanges directs avec les citoyens, sans oublier les risques de manipulation et de désinformation les rendant vulnérables à certaines pratiques (fakes news...). 

L'on se propose pour commencer une première approche anachronique : Hassan II aurait-il tweeté ? Le défunt Souverain a fait montre d'une grande sagacité dans le contrôle des médias traditionnels (radio et télévision) et ce pour asseoir et consolider son statut et son image mais également pour le renom du Royaume à l'international. Ses discours étaient un élément clé de sa communication politique. Il utilisait un "mix", pourrait-on dire, des éléments traditionnels et religieux ; la monarchie était ainsi un pouvoir quasi-divin en mettant en relief sa légitimité historique. Ses discours étaient des moments importants pour éclairer sa vision politique ainsi que sa conception de l'unité nationale, de l'indépendance, de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la démocratie. Son périmètre couvrait également les réformes économiques, la justice sociale, la défense et illustration de l'Islam marocain du " juste milieu", la lutte contre le terrorisme, etc. La presse écrite était contrôlée de manière sourcilleuse. Il a réussi ainsi à construire au fil des décennies, une image particulière : celle d'un dirigeant autoritaire- autocrate même ? - respecté, à la hauteur des défis au dedans et au dehors. Une combinaison de modernité par certains aspects - avec des technologies de communication - mais aussi de respect des traditions. Au final, cette préoccupation : une image de stabilité et de légitimité. Hassan Il aurait-il tweeté ? Non, comme un politique contemporain. Peut-être qu'en 2025, il aurait trouvé une façon "hassanienne" d'utiliser Twitter. Sobre et rare. Percutante aussi. 

Hassan II, comme De Gaulle... 

Le parallèle avec le général De Gaulle s'impose à l’évidence : le verbe solennel, incarnant une certaine idée de l'Etat et du Maroc. A l'inverse, le tweet est bref, instantané, parfois impulsif même : il veut capter l'attention immédiate dans le flux numérique. Hassan II n’aurait probablement pas tweeté - du moins pas comme Trump ou Macron... C'était un Roi dans la verticalité ; il incarnait un statut et une fonction de registre pratiquement transcendant qui n'a rien à voir avec Twetter qui suppose une forme de proximité, voire de banalisation de la parole royale. 

Dans cette même ligne, il faut évoquer la communication de Mohammed VI. Le Roi n'utilise pas directement Twetter ou d'autres réseaux sociaux pour communiquer. Sa communication passe par des canaux officiels (Cabinet Royal ministère de la Maison Royale, du Protocole et de la Chancellerie, discours officiels au Maroc (Fête du Trône le 30 juillet, ouverture de la session d'automne du Parlement en octobre et la commémoration de la Marche Verte le 6 novembre) ainsi qu’à l'occasion de ses visites et voyages à l'étranger ; il faut ajouter les communiqués aux messages de félicitations, de condoléances ou de solidarité. 

Contrairement à certains chefs d'Etat, Mohammed VI n'a pas de compte Twitter ou Instagram officiel vérifié à son nom. Des monarques, en Espagne, au Royaume-Uni ou ailleurs ont, eux, des comptes officiels sur X ( ex-Twitter): le Roi d'Espagne Felipe VI @alasareal, le Roi Charles III du Royaume-Uni @Royal Family, etc.. 

Avec le nouveau locataire de la Maison Blanche, la communication par tweet a pris une grande dimension. Tout un nouveau style de communication : direct et percutant, langage simple et familier, usage de surnoms moqueurs pour ses adversaires ("Sleepy Joe", Crooked Hillary"...), ton conflictuel ou provocateur. Il entend contourner les médias traditionnels, fixer l'agenda médiatique avec des tweets devenant des sujets d'actualité en eux-mêmes, mobiliser ses partisans, décrédibiliser ses opposants (médias, démocrates, justice, FBI...). Des thématiques sont récurrentes : patriotisme, grandeur de l'Amérique – "Make America Great Again", immigration, sécurité des frontières, économie et emploi, médias et dénonciation des "Fake news", élections et fraude électorale surtout après 2020. L'impact politique et médiatique est important ; la polarisation est accrue, et l'instrumentalisation de Twitter est optimisée comme outil de gouvernance. Banni de Twetter en janvier 2021, après l'assaut du Capitole, il a créé sa propre plateforme, Truth Social - il a opéré son retour sur X (ex-Twetter) depuis janvier 2025. 

Le chef d'Etat français utilise lui aussi Twitter. C'est un canal direct : annonce de mesures ou de décisions gouvernementales, échanges avec des chefs d'Etat, réactions rapides, adresse directe aux citoyens ou à l'international. Le ton est présidentiel, sobre, mesuré, des images et des vidéos courtes aussi. Il entend donner une image moderne de l'autorité – un président connecté, réactif ; il recourt à des formules virales ou à des phrases qui font le buzz (" Emmerdez les non vaccinés"," Traverser la rue pour trouver un emploi " etc. Il a un compte officiel @EmmanuelMacron sur X ( ex-Twitter) et un autre d'utilisateur sur Instagram @emmanuelmacron.

lire aussi