chroniques
Requiem
Boucha?b n??tait qu?un homme parmi les hommes, humble, juste, int?gre, droit, mais fragile, comme tous les hommes, d?muni et seul devant l?absurdit? du monde
Pourquoi, ? l?annonce du d?c?s de mon ami Boucha?b Benhamida, le souvenir de mes lectures du Livre de JOB et surtout des versets coraniques ?voquant le proph?te AYOUB, et la relation des ?preuves, des malheurs et des souffrances qui se sont abattus sur lui, se sont impos?s ? moi comme une ?vidence?? JOB ? AYOUB ?tait proph?te et pouvait ?tre le jouet du conflit entre le Mal et la Foi, qui transcende le savoir humain. Il est surtout le symbole du triomphe de la vraie Foi sur les agissements du d?mon. Boucha?b n??tait qu?un homme parmi les hommes, humble, juste, int?gre, droit, mais fragile, comme tous les hommes, d?muni et seul devant l?absurdit? du monde. Il n?aurait voulu ?tre le symbole de rien. Peut-?tre, pour moi s?identifierait-il ? l?impuissance de l?homme devant le d?ferlement impr?vu des trag?dies. Seul, il le devient, lui qui ?tait entour? de tant de gens qui l?aimaient. Parce que d?s que lui parvint la terrible nouvelle de l?accident a?rien o? cinq des siens (sa fille, son gendre et trois de ses petits enfants) disparurent il n??tait plus des n?tres. Il ?tait entr? dans un monde que personne d?entre nous ne pouvait pr?tendre conna?tre, ni avoir connu. Un monde de d?sesp?rance absolue, un monde d?absolu d?senchantement du monde. Mais le Mal, aberrant, incoh?rent et illogique, le frappera une seconde fois avec une r?gularit? ?tonnante (dans le sens premier du mot qui vient de tonner et de tonnerre) et Boucha?b s?est enfonc? encore plus au loin dans ce monde o? seul il avait p?n?tr?, insensible aux mots de r?confort, inop?rants et forc?ment inadapt?s, que nous cherchions et que nous ne trouvions pas dans les dictionnaires appauvris par tant de souffrances et que notre imagination attrist?e s??puisait ? inventer, mais n?y arrivait pas devant le r?tr?cissement subit de l?univers. Il faillait, j?en ?tais persuad?, garder le silence quand on lui rendait visite. Le silence dans son intensit? est souvent ?loquent et peut ?tre assourdissant. Il appr?ciait. On le savait malade, d?une maladie qui le minait et l?affaiblissait inexorablement dans ses malheurs. Et il disait?: ??il est temps pour moi de partir??. Se le confiait-il ? lui-m?me. Nous le disait-il ? nous, ses amis. Etait-ce une pri?re ? Dieu?? Pour moi, il ?tait d?j? parti, et l?autre jour?; dans ce cimeti?re Arrahma, espace serein entour? de laides habitations, moins sereines, la foule assistait comme m?dus?e ? un autre d?part, ? une seconde mort.
A Dieu, mon ami, mon fr?re.
Si j?avais ?t? romancier, j?aurais ?crit ??Le Roman de Boucha?b?? ou po?te, une muse inconsolable m?aurait inspir? un ?loge fun?bre simplement intitul?e B.
Mais je ne suis ni romancier ni po?te. Je n?ai pu ?crire que ce court requiem tant les mots ont d?sert? mon vocabulaire comme tu as d?sert? cette vie incons?quente et injuste. Et laiss? notre amiti? ? jamais orpheline de ta discr?te mani?re d??tre sur cette terre.
??Il en est ainsi??, disait Cl?op?tre qui s?y connaissait en heurs et malheurs ? propos de l?infatigable et stupide fatalit? dont le destin accable souvent les hommes et femmes de bonne volont?.
Pourquoi faillait-il qu?il en soit ainsi??