Déconfinement Vs confinement : les risques du risque zéro

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On peut tous, sans peine se mettre d’accord que l’objectif final face à cette pandémie est de rester en vie et pour certains de sauver des vies. 

Face à la crise, la réactivité et la fermeté ont été de mise. Comme suite logique à cela, le confinement décidé par les autorités sanitaires a déposé sur nos épaules un châle de réconfort mâtiné de résignation. Et pour cause : On tendait l’oreille et l’on entendait les gémissements des Italiens suivis des Espagnols et des Français qui submergeaient les capacités de réanimation de leurs hôpitaux. Aucune puissance ne pouvait être à la taille de cette pandémie inédite 

 Nous nous sommes tous rendu compte après cela que les systèmes de santé dans le monde étaient les parents pauvres des budgets d’État. Les suites logiques pouvaient être catastrophiques pour le système s’il bascule en débordement de ses capacités de réanimation du fait de la vitesse de contagion du virus.

Il est devenu insupportable autant pour le médecin qui doit prendre la décision que pour l’opinion publique, que par faute de place dans les unités de soins intensifs on doive débrancher un patient pour donner sa place à un autre qui aurait plus de chance de survivre. L’arbitrage pourtant nécessaire peut sembler criminel.

Le confinement a permis indéniablement de freiner des quatre fers la vitesse de contagion du virus, et d’éviter cet effleurement sournois de la vie et de la mort.

Le risque pandémique : partie intégrante de l’évolution du monde 

Les dernières déclarations de nos responsables sanitaires et leur illustration par la fameuse  danse  (un pas en avant deux pas en arrière) nous font penser qu’ils se trouvent sous le joug de l’incertitude. Il semblerait en effet que cette appétence idéologique pour risque zéro les cadenasse mentalement.

Aurait-on tendance à oublier que si le Covid 19 a été à l’origine de près de 280 000 morts dans le monde, la grippe saisonnière en tue sans esclandre plus de 500 000 par an et les maladies respiratoires sont responsables de la mort de plus de 6 millions de personnes chaque année ?

Il y a une cinquantaine d’années, la grippe de Hong Kong a tué plus d’un million de personnes dans le monde dont trente-cinq mille en France. Même si elle a marqué l’histoire, elle n’a malheureusement pas prédit l’avenir. On s’en souvient mais on oublie vite.

Si en plus nous affinons le raisonnement en comparant  les chiffres des grandes pandémies connues dans l’histoire, rapportées à l’évolution de la démographie mondiale, on se rend compte  que l’émotion l’a emporté sur la raison 

Sans prétendre recouvrir mes propos d’un vernis  philosophique la mort n’est elle pas une partie intégrante de la vie ?

Cependant, cette vision si elle emprunte uniquement les lunettes du sanitaire ne pourra pas faire l’impasse de l’indéboulonnable dimension socioéconomique. En imposant l’urgence sanitaire, certes nécessaire, nous confinons l’économie aussi car si la mondialisation a fait voler en éclat beaucoup de frontières, le confinement les a rétablies à la porte de nos maisons. 

Toutefois, heureusement, la courbe de mortalité au Maroc est décroissante de jour en jour. De plus, si on doit analyser les capacités sanitaires qui constituent le goulot d’étranglement de la crise, on se rend compte que les unités de soins intensifs ne sont occupées qu’à hauteur de 4%. Si le niveau de la maladie n’est pas aussi critique, on en tire le constat que cette pandémie frappe en priorité les pays riches et vieillissants. Et c’est là l’ironie du sort : la richesse  leur permet une plus grande espérance de vie mais cette dernière tranche d’âge en fait une cible privilégiée  

Sans devoir m’attarder sur les énormes dégâts collatéraux en passant de l’économique au psychologique, convenons tous que si la décision sanitaire est indispensable, elle se doit de prendre en considération le possible effet domino du tissu économique avec toute la fragilité du château de cartes. Autant dire que gouverner, ce sera moins de diriger que de se diriger dans un ensemble de contraintes.

L’incertitude reine des batailles 

Évidemment, le déconfinement n’est pas une sortie du tunnel et peut devenir l’antichambre d’une autre crise sanitaire dont les effets secondaires, comme   la crise économique, s’ils sont pressentis, ne sont pas tous connus. La décision responsable   fait donc partie de cette liste des ingrédients dans laquelle le savant dosage assure la saveur de la recette.

Le risque zéro n’existe pas. On ne peut gouverner uniquement par des certitudes. Pour étayer cela, nous solliciterons Edgar Morin qui nous énonce pour l’occasion que « si l’ignorance de l’incertitude conduit à l’erreur, la certitude de l’incertitude conduit à la stratégie » 

Et c’est bien de cela dont nous avons besoin : De stratégie qui prennent en considération les leçons de la crise mais qui sache les transformer en véritable atout partagé. Il n’y a pas d’intérêt à recenser les recettes du passé. A conditions nouvelles solutions nouvelles : les conditions du patient sanitaire permettent actuellement à ce que notre attention se porte sur le patient économique.

Les remèdes amers sont parfois les plus efficaces : Il faudra ressouder les rangs, mobiliser tous les moyens tant internes qu’externes et surtout adapter notre offre exportable ou la créer pour faire de cette crise une opportunité d’avenir. Les grandes entreprises devront diversifier leurs produits pour s’adapter aux nouvelles occasions et jouer leur rôle social de locomotive du développement pour lequel elles sont attendues. Malgré les différents points de vue sur la relocalisation, Il faudra beaucoup d’années pour remplacer totalement la Chine comme « usine du monde ». Hormis certains produits stratégiques directement rattachés à la vie, les autres produits suivront la logique du cout optimisé et les avantages comparatifs des États finiront par primer.

Les places sont à prendre et la nature a horreur du vide. Tout ceci me pousse à vouloir paraphraser Richelieu lorsqu’il disait « il ne faut pas tout craindre, mais il faut tout préparer ».

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