Eric Zemmour, le grand déclassement – Par Driss Ajbali

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Paris le 9 avril 2022 - une affiche de campagne couverte de graffitis appelant à faire virer l’extrême droite et Macron) représentant le chef de parti du mouvement de gauche français La France Insoumise (LFI), député et candidat à l'élection présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon au milieu d’un cœur dessiné par un supporteur. (Photo : JOEL SAGET / AFP)

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En novembre 2021, alors qu’il était à son zénith, j’écrivais qu’Éric Zemmour serait l’homme du dernier trimestre de l’année. En aucun cas celui de l’année 2022. Nous y voilà. Je savoure.

Quelle humiliation. C’est qu’il est tout de même saugrenu de voir l’homme qui voulait défendre la France éternelle se faire démocratiquement chasser, comme un mal propre, par le peuple qu’il eut l’arrogante prétention de protéger contre la submersion migratoire, la musulmane toute particulièrement. Plus dramatique et en même temps jubilatoire, Zemmour l’anti musulman déclaré, s’est fait tout bonnement rabattre le caquet par l’impérial Mélenchon qu’il tenait pour l’islamo-gauchiste du casting. Et ça, c’est jouissif jusqu’à l’extase. 

On ne sait toujours pas quelle mouche a piqué Zemmour pour quitter son confortable statut d’intellectuel médiatique pour une incertaine équipée politique. Il rêva, un instant, d’un destin à la Trump. Force est de reconnaitre qu’il s’est lourdement « trumpé » de pays, de peuple, de mode scrutin et de culture politique. Il s’est trompé sur Marine Le Pen qu’il méprise et dont il a tenté de détrousser les cadres, les uns plus vils et plus traitres que les autres. Il s’est trompé sur Macron, « un type qui n’est pas fini » selon lui. Comme il s’est souvent trompé comme analyste politique. N’avait-il pas prévu la réélection de Trump ? N’avait-il pas écrit en 2008 que François Hollande, le renard, ne battra jamais Sarkozy le caïman. Ce que démentira la victoire du premier sur le second en 2012. Mais la plus grande erreur de Zemmour, c’est probablement d’avoir cru qu’en faisant des bestsellers, il pourrait concourir en politique, cet autre univers. C’est oublier que les lecteurs ne font pas nécessairement des électeurs.

Eric Zemmour sur CNews : La chaîne d'information déprogramme en urgence "Elysée  2022 : Demandez le programme". - Allo Trends

Eric Zemmour, il a oublié que les lecteurs ne font pas nécessairement des électeurs.

La véritable passion de Zemmour, c’est le combat des idées. Il s’est converti pour cela à la pensée gramscienne qui enseigne que nulle victoire politique ne peut être possible sans une préalable victoire culturelle. En ce sens, il aura pastiché les islamistes qui partagent la même conviction. Devenu idéologue organique de l’extrême droite, il aurait pu se contenter de ce statut. Pris d’arrogance, bouffi de certitudes, sans sur-moi et suivant les conseils de Patrick Buisson, « le maurassien » et de Philippe de Villiers, « le rien », Zemmour s’est engagé dans les marécages politiciens avec une prédilection pour les eaux fétides. Son pari pour l’extrémisme le plus outrancier, ses coups médiatiques devant le Bataclan ou son discours au Trocadéro, cette place devenue maudite pour les candidats à la présidentielle, où il a laissé la foule vociférer « Macron assassin », ses SMS à la communauté juive pour la mobiliser contre la « racaille » ou sa tentative de faire de Jérémy Cohen un nouveau papy Voise** ont révélé en quoi ce personnage n’a aucun scrupule. Menteur, falsificateur, manipulateur, les français ont intuitivement douté de sa sincérité notamment sur sa mythologie de « juif berbère ».  Monomaniaque, il a usé et abusé de tous les ressorts de la manipulation médiatique. L’histoire retiendra qu’il fut l’homme d’une seule idée. Le grand remplacement. Il est désormais menacé de grand déclassement. Sa radicalité, tant elle fut excessive, a tourné à la parodie.

« Faute de grives, on mange des merles » dit l’adage. Si la plaie subie par Zemmour est corrodante, il l’allège en se rassurant comme il peut. Lui qui pensait qu’un vote caché allait le promouvoir au second tour et pourquoi pas battre Emmanuel Macron, se contente désormais de sa victoire sur Valérie Pécresse. Son nouvel horizon, une circonscription pour finir comme un député pour entretenir ses convictions. Il a, pour ainsi dire, mangé son pain blanc. Il lui reste à avoir la force d'ingurgiter son pain noir. Il a joué son va-tout. Il a perdu. L’intellectuel puissant qu’il fut ne pourra plus retrouver ce statut confortable qui lui servait d’airbag protecteur. Le chemin politique qu’il aspirait emprunter s’ouvre désormais sur un corridor jonché d’épines et de ronces.

Il faut toutefois être lucide. L’échec d’Éric Zemmour ne signifie nullement la disparition des problèmes sur lesquels il a machiavéliquement surfés. Ceux-là demeurent des défis. 

Enfin et pour finir, une interminable dédicace à Cnews, à Bolloré, à Cyril Hanouna, à Mathieu Bock-Côté, à Pascal Praud, à William Goldanel, à Élisabeth Lévy, à Charlotte d’Ornellas, à Geoffroy Le Jeune, à Causeur et à Valeurs actuelles.

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* ERIC ZEMMOUR, UN OUTRAGE FRANÇAIS - en coédition La CROISEE DES CHEMINS (MAROC - FRANCE), EDITIONS FRANZ FANON (ALGERIE) et NIRVANA (TUNISIE)

** Du nom d’un fait divers qui en 2002 a symbolisé la prégnance du thème de l’insécurité.