Élections communales : Le Royaume-Uni à l’heure des grandes mutations politiques - Par Abdelghani AOUIFIA

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Le parti britannique anti-immigration Reform UK cherche à prouver qu'il est une force électorale crédible aux locales de cette semaine, qui mettront à l'épreuve la popularité du premier ministre travailliste Keir Starmer. La droite dure de Nigel Farage cherche à obtenir des dizaines de sièges de conseillers municipaux et de maires, ainsi qu'un siège de député, en vue d’organiser une contestation sérieuse aux prochaines élections générales. (Photo by Oli SCARFF / AFP) /

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À la veille des élections communales en Angleterre, le Royaume-Uni s’apprête à vivre une mutation politique profonde. Porté par la montée fulgurante de Reform UK et l’érosion des grands partis traditionnels, le scrutin de ce jeudi pourrait marquer la fin d’un ordre politique vieux de cent ans, écrit Abdelghani Aouifia, correpondant permanent de MAP - Londres.

Par Abdelghani Aouifia

Londres - Les électeurs anglais sont appelés, jeudi, aux urnes à l’occasion d’élections communales marquant le test le plus sérieux pour les travaillistes et les conservateurs, qui dominent la scène politique du pays depuis des décennies.

Une percée inédite de Reform UK sur fond de mécontentement populaire 

Qui va remporter ces élections, qui concerneront 23 conseils communaux et six mairies en Angleterre ? C’est pour la première fois que la réponse à cette question risque de sortir du duo travailliste-conservateur. Une troisième formation, en l’occurrence le parti Reform UK, s’invite sur la scène politique, bousculant l’ordre établi.

Les yeux des Anglais et au-delà de tous les Britanniques sont donc rivés sur ce parti d’extrême droite, dirigé par le très controversé Nigel Farage, qui continue de percer dans les sondages d’opinion. Une récente étude a montré que Reform UK se classe premier dans les intentions de vote, même devant le labour aux commandes du gouvernement.

Avec un discours souvent taxé de populiste surfant sur les sentiments nationalistes au sujet de questions fondamentales dont l’immigration et la dégradation des services publics, Reform UK ne cache plus son ultime objectif : la conquête du palais de Westminster, qui abrite le parlement britannique, lors des élections législatives de 2029.

Farage veut faire du scrutin de jeudi une sorte d’« échauffement » en préparation pour les prochaines législatives, indiquent les analystes. « La route vers Westminster passe par les conseils communaux », a indiqué Farage lors d’une rencontre avec la direction de sa formation, qui a mis en course le plus grand nombre de candidats pour les élections de jeudi.

Le parti semble jouir d’un fort soutien, en particulier dans le nord et l’est de l’Angleterre, fief de la droite. 

Conservateurs et travaillistes sous pression

Le parti conservateur, principale formation d’opposition dans l’actuel parlement, sera, selon les analystes, « la grande victime » de la montée en puissance de Reform UK. Le parti devra perdre jusqu’à 500 sièges, selon certaines estimations.

Les Tories, qui ont essuyé un sérieux revers lors des législatives de 2024 remportées haut la main par le parti travailliste, risquent d’être contraints d’envisager une alliance avec Reform UK dans les futurs conseils communaux.

Kemi Badenoch, la cheffe des conservateurs, continue, cependant, d’écarter tout pacte avec la formation de Farage au parlement.

Le parti travailliste continue, quant à lui, à miser sur son programme de changement pour leurrer les votants, en dépit d’une perte de vitesse visible depuis son retour au pouvoir l’été dernier après 14 ans dans l’opposition.

Lors d’un récent rassemblement, le Premier ministre travailliste, Keir Starmer a indiqué que les élus locaux de son parti « travaillent main dans la main » avec le gouvernement pour la concrétisation du plan de changement au niveau local.

Reconnaissant les difficultés auxquelles les Britanniques se heurtent notamment le coût de la vie élevé, Starmer rassure que son gouvernement œuvre pour « renverser la situation », citant certains mesures prises dont l’augmentation du salaire minimum, la réduction des listes d’attente dans les hôpitaux et la réduction des taxes sur les carburants.

« L’année dernière, les élections générales ont été l’occasion de voter pour le changement dans le pays. Cette année, les élections locales sont l’occasion de voter pour le changement dans vos communautés », a-t-il dit.

Vers une recomposition historique de la scène politique britannique 

Cependant, au moment où Reform UK représente une menace sérieuse pour les conservateurs, d’autres partis de centre, en particulier les libéraux-démocrates et les Verts, semblent bien partis, à en croire certaines analyses, pour grignoter des points aux dépens du parti du Labour.

John Curtice, un vétéran de l’analyse électorale en Grande-Bretagne, souligne que le scrutin de jeudi marquera un changement de paradigme jamais vu sur la scène politique du pays depuis 100 ans.

L’ancien clivage gauche-droite ne sous-tend plus la politique britannique et les questions culturelles seront désormais un facteur clé, a dit l’expert dans des déclarations largement relayées par les médias.

Les conditions sont réunies pour la plus grande remise en question de la scène politique britannique depuis les années 1920, estime-t-il.

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