Politique
Je vote, donc je suis
Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient. Non pas que les politiques sont forcément des menteurs, mais pour avancer il faut vendre du rêve
C’est ce vendredi soir, en principe, au plus tard samedi, que l’on saura. Que l’on saura qui a gagné, qui a perdu, qui a avancé, qui a reculé. Ce soir il y aura des heureux et des malheureux à la tête des partis où l’on retrouve ceux qui ont de fortes chances de devenir ou de redevenir ministre, d’occuper les avant-postes de l’Etat, c’est-à-dire de leurs ministres pour les servir et se servir. Et il y aura des heureux et des malheureux au sein d’une même formation politique. Ceux qui ont acquis l’honneur et l’honorabilité de la représentation populaire, ainsi que l’immunité parlementaire soit dit en passant. Et ceux qui ont tant espéré, mais ce n’est que partie remise, ce sera pour une autre fois, puis tous les autres qui ont figuré, c’est le terme idoine, sur les listes des candidats dans des positions inéligibles, juste pour les compléter, un acte militant, une sorte de répétition pour le prochain acte de la pièce. Tout au plus, pour certains, la perspective de se retrouver dans un cabinet ministériel ou d’occuper un poste de consultant auprès du groupe parlementaire de leur parti. De toute façon chacun obtiendra ce qu’il mérite selon son grade, la puissance du clan axquel il appartient ou le degré de son introduction dans le réseau auquel il est adossé. La politique c’est comme le reste de la vie, pas d’intérêt pas d’action. Ceux qui ne s’y retrouvent pas, font comme les petites marionnettes, trois p’tits tours et puis s’en vont.
Un génial homme politique de ma connaissance interrogea un jour sa cour : « Qu’est-ce qu’un parti politique ? » Les interpelés répondirent, chacun avec ses mots, comme s’il s’agissait d’une évidence, c’est une structure qui regroupe des militants agissant pour la victoire de leur noble cause, militant pour le bien être du peuple, combattant pour l’égalité entre les gens, s’engageant pour que chacun ait sa chance d’aller à l’école, luttant pour le droit de tous aux soins etc. etc. etc. Mon génial homme politique leur répondit : « Non, un parti est un ensemble d’intérêts que nous partageons, une ambition personnelle que chacun de nous cherche à réaliser en la mettant au service d’une collectivité ». Et il n’y a pas de mal à avoir de l’ambition à condition de la mettre au service d’un projet de société. De le réaliser autant que faire se peut. Maintenant qu’est terminée la campagne, on peut dire les choses crûment : Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient. Non pas que les politiques sont forcément des menteurs, mais pour avancer il faut vendre du rêve. Pour le reste, il y a les aléas, les contingences, les contraintes, les prix du pétrole qui flambent, la pluie qui ne tombe pas et ainsi de suite. Oui, pour faire de la politique, il ne faut pas seulement, comme dirait Coluche, « trois années de droit et tout le reste de travers », mais aussi, en plus de l’ambition, beaucoup de cynisme et un peu de résilience. En dépit de ce beau tableau, ce vendredi je me rends sans rien perdre de ma lucidité aux urnes. Pour une simple raison : Je vote, donc je suis. Et peu importe que vous rameniez le « je suis » au verbe suivre ou au verbe être, les deux ne sont pas inconciliables.