Le Brief sur le Sahara :  De Mistura se recentre sur l’autonomie, mais commet des erreurs et des omissions – Par Hassan Abdelkhalek 

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M. De Mistura n’a pas fidèlement retransmis au Conseil de sécurité la position américaine soutenant la marocanité du Sahara. Il a sélectionné deux paragraphes du communiqué officiel du Département d'État américain relatif à la réunion entre Rubio et Bourita, qu’il a sortis de leur contexte

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Dans son brief devant le Conseil de sécurité, l’envoyé de l’ONU, Staffan de Mistura, écarte enfin toute alternative à l’Initiative marocaine d’autonomie, souligne le rôle central de l’Algérie dans le conflit, et appelle à un nouvel élan diplomatique pour avancer vers une solution durable dans le respect de la souveraineté du Maroc. Il a toutefois commis des erreurs et des omissions. Le recadrage de Hassan Abdelkhalek, ancien ambassadeur en Jordanie et en Algérie

L’Organisation des Nations Unies, par la voix de son envoyé personnel Staffan de Mistura, a placé, dans son brief semestriel qu’il a présenté lundi 14 avril devant le Conseil de sécurité, le régime algérien et les séparatistes du Polisario, qui sont sous ses ordres, face à la responsabilité de s'engager dans la prochaine phase de la dynamique de recherche d’une solution au conflit régional autour du Sahara, dans le cadre exclusif de l’Initiative d’autonomie, excluant toute discussion sur une autre approche prétendument en cours de promotion pour une pseudo solution.

Enterrement du plan de règlement et de la proposition de partition

Dans ce brief, l’envoyé onusien n’a pas évoqué le plan de règlement de 1990, que les Nations Unies elles-mêmes ont enterré depuis un quart de siècle, alors que le régime algérien tente encore, en vain, de le ressusciter pour poursuivre sa politique hostile à l’unité territoriale du Maroc.

De même, il s’est gardé de relancer la proposition de partition du Sahara qu’il avait présentée en octobre dernier, en avançant alors que « la partition pourrait permettre la création d’un État indépendant dans la partie sud, et d’autre part, l’intégration du reste du territoire au Maroc, avec une reconnaissance internationale de sa souveraineté ». Cette proposition visait à servir l’objectif algérien d’ecercler le Maroc, de l’amputer de son prolongement africain, et d’obtenir un accès à l’océan Atlantique.

Souhaitant recentrer l’attention sur l’importance de se concentrer exclusivement sur l’option de l’autonomie, De Mistura a évoqué deux événements récents qui, selon lui, pourraient avoir un impact significatif sur les efforts visant à apaiser les tensions dans la région et à faciliter une issue convenue au conflit artificiel autour du Sahara. Il s’agit, d’une part, de la réception par les plus hautes autorités algériennes (le président Tebboune et le ministre des Affaires étrangères Attaf) du ministre français des Affaires étrangères, après la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, et d’autre part, de la réaffirmation par l’administration américaine, lors de la rencontre entre le secrétaire d'État Marco Rubio et son homologue marocain Nasser Bourita, de son soutien à l’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine.

Ce que De Mistura n’a pas dit de la position américaine soutenant la marocanité du Sahara

Il est à noter à ce sujet que M. De Mistura n’a pas fidèlement retransmis au Conseil de sécurité la position américaine soutenant la marocanité du Sahara. Il a sélectionné deux paragraphes du communiqué officiel du Département d'État américain relatif à la réunion entre Rubio et Bourita, qu’il a sortis de leur contexte. Il a mentionné : « Le secrétaire d'État Rubio a réaffirmé la conviction de son gouvernement en une véritable autonomie » et « l’insistance du président Trump sur une solution convenue entre les parties », alors que le communiqué américain avait réaffirmé la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara et le soutien des États-Unis à « la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste comme seule base d’une solution juste et durable à ce conflit ». Il soulignait aussi que « le président Donald Trump appelle les parties à s’engager sans délai dans des négociations sur la base de la proposition marocaine d’autonomie comme cadre unique de négociation d’une solution acceptable », ajoutant que « les États-Unis œuvreront pour faciliter des progrès vers cet objectif ».

L’envoyé onusien a également mentionné trois messages supplémentaires qu’il dit avoir reçus des autorités américaines à l’occasion de la visite du ministre Bourita à Washington, dont le premier affirme que « l’autonomie doit être authentique », ce qui reflète sa foi et sa demande d’une explication plus détaillée de l’initiative marocaine d’autonomie, notamment quant aux prérogatives revenant à la région saharienne dotée de ce statut ».

Confirmer l’unicité de l’initiative d’autonomie avant d’en discuter les détails

Or, la demande de clarification préalable de l’initiative marocaine d’autonomie avant d’engager des négociations n’a pas de fondement solide. Il appartient aux Nations Unies, à travers le Conseil de sécurité, de confirmer l’unicité de l’option de l’autonomie pour résoudre la question du Sahara, et de réunir les parties concernées afin de négocier les détails de cette initiative dans le cadre de la souveraineté marocaine. L’initiative marocaine d’autonomie, présentée au Secrétaire général des Nations Unies le 11 avril 2007, comporte d’ailleurs déjà des éléments négociables visant à permettre aux populations locales de gérer leurs affaires elles-mêmes à travers des institutions législatives, exécutives et judiciaires, dans le respect de la souveraineté nationale.

Il est donc tout à fait légitime que notre pays ne voie aucun intérêt à fournir davantage de détails sur une initiative qui bénéficie d’un large soutien international, tant que les autres parties ne sont pas contraintes d’accepter de ne négocier que sur l’autonomie.

 L’autonomie garantit le droit à l’autodétermination

De Mistura reconnaît dans son exposé que l’autonomie garantit le droit à l’autodétermination, à rebours des allégations des adversaires du Maroc. Il mentionne en effet que le deuxième message reçu est « lié à une solution acceptable par les parties, ce qui nous rappelle que des négociations réelles entre les parties concernées sont nécessaires pour parvenir à une solution, laquelle comprendra en temps voulu une formule crédible d’autodétermination ». Il est utile de rappeler ici que l’initiative marocaine précise dans son article 27 que « le régime d’autonomie de la région fera l’objet de négociations et sera soumis à la population concernée par voie de référendum libre, dans le cadre d’une consultation démocratique. Ce référendum, conformément à la légalité internationale, à la Charte des Nations Unies et aux résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, constituera un exercice libre par cette population de son droit à l’autodétermination ».

L’Algérie, partie principale au conflit artificiel

De Mistura a évoqué, dans le troisième message, l’intention de la nouvelle administration américaine de s’impliquer directement pour faciliter une solution convenue entre les parties. Il a appelé à soutenir un tel engagement et à insister sur sa nécessité, afin de contribuer à l’apaisement de la situation dans la région, tout en poursuivant en parallèle la recherche d’une solution à la question du Sahara.

De Mistura souligne clairement, dans son exposé, que l’Algérie est une partie essentielle dans le conflit artificiel, en affirmant que l’engagement diplomatique des États-Unis et de la France, membres permanents du Conseil de sécurité, reflète un regain d’intérêt pour les perspectives de règlement, tout en mettant en lumière les risques actuels, liés à « l’absence de toute amélioration des relations algéro-marocaines – bien au contraire ». Il a souligné qu’« une telle amélioration constitue une condition nécessaire pour éviter le risque d’un conflit régional, compte tenu des tensions persistantes, de l’absence de contacts diplomatiques, de la fermeture des frontières et de l’augmentation massive des achats d’armement militaire sophistiqué et des dépenses qui y sont associées ».

Il est à noter que le brief ne mentionne aucun rôle des milices du Polisario dans l’apaisement, sachant que tout le monde  conscients qu’elles exécutent les ordres du régime algérien et que la rupture du cessez-le-feu depuis novembre 2020 n’a, selon les propres déclarations du chef de la MINURSO, Alexander Ivanko, récemment devant le Conseil de sécurité, rien changé à la situation sur le terrain.

À travers cette analyse, il apparaît, au cas où quelqu’un ne l’aurait pas compris, que l’Algérie est, et demeure, la partie qui a déclenché le conflit autour de la question du Sahara et continue de l’alimenter, notamment par un armement excessif, comme en témoigne l’allocation de 25 milliards de dollars au budget de la Défense pour cette année. Ce comportement traduit la doctrine hégémonique du régime algérien et sa volonté d’entraîner la région dans davantage de tensions et de troubles. C’est pourquoi l’envoyé onusien estime que « les trois prochains mois représentent une opportunité pour évaluer comment une nouvelle dynamique, fondée sur un engagement actif et renouvelé de certains membres du Conseil de sécurité, y compris les membres permanents, peut contribuer à une désescalade régionale et, dans le même temps, au lancement d’une nouvelle feuille de route vers une solution définitive au conflit du Sahara ».

Le Maroc a inscrit la question du Sahara en 1963

De Mistura persiste à commettre des erreurs ou des omissions notamment lorsqu’il a indiqué que l’année 2025 représentait le cinquantième anniversaire de l’inscription de la question du Sahara à l’ordre du jour des Nations Unies, oubliant que c’est le Maroc, confronté après son indépendance en 1956 aux manœuvres de l’Espagne et à son refus de se retirer du Sahara pour le restituer à la mère patrie, qui a été à l’origine de l’inscription de cette question à l’ONU en 1963, soit plus d’une décennie avant que le régime algérien ne brandisse la carte du séparatisme sous la bannière du Polisario pour contrer le droit du Maroc à son intégrité territoriale.

Néanmoins et en dépit de quelques erreurs et omissions constatées dans son exposé, il convient de saluer le fait que M. De Mistura n’y a proposé aucune approche vouée à l’échec pour résoudre le conflit régional, appelant les Nations Unies et les parties concernées à explorer une nouvelle feuille de route fondée sur l’autonomie convenue, et rien d’autre, dans le cadre de la souveraineté marocaine.

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