Politique
Le miracle marocain
D’habitude, une majorité sortante, quand elle a la possibilité électoralement de revenir aux affaires, elle le fait sans coup férir. C’est le principe d’on ne change pas une équipe qui gagne. Mais le chef du gouvernement n’entend rien à cette saine logique
Jamais formation d’un gouvernement n’a pris autant de temps. Au point que nos amis algériens parlent de crise politique. Si ça les arrangent, pourquoi pas. Mais ils exagèrent un peu. Sans l’impact que pourrait avoir ce retard, s’il persiste, sur les investissements publics, le blocage que rencontre la constitution d’un nouveau gouvernement pourrait durer indéfiniment sans que cela se remarque dans la vie de tous les jours. C’est ça un peu le miracle marocain. Le Roi est sur le pont tout à son chantier africain, périple après périple. Les ministres restés en place pour prendre en charge les affaires courantes font leur boulot. D’ailleurs la plupart d’entre eux accompagne le Souverain dans ses déplacements et la technostructure fait bien son job sans que personne ne trouve à redire. La mise en place d’un nouveau gouvernement ne semble intéresser que la sphère politico-médiatique tandis que Abdalilah Benkirane, chargé de former le nouveau cabinet, se déclare bien peinard dans son coin et n’est préoccupé, il l’a dit à la jeunesse de son parti, que par l’intérêt que lui portent les pauvres citoyens des fonds des bourgades et des hauts des montagnes. Tant que ceux-ci interrogent les militants du PJD sur la santé du secrétaire général des islamistes gouvernementaux, tout est bien dans le meilleur des mondes. C’est aussi mon cas, mais en aval des préoccupations du chef du gouvernement : Tant que Abdalilah Benkirane se sent bien dans sa peau, il ne risque pas sa crise, habituelle et fréquente, d’urticaire et subséquemment je suis tranquille pour l’avenir du pays. Pour le reste vogue la galère !
D’habitude, une majorité sortante, quand elle a la possibilité électoralement de revenir aux affaires, elle le fait sans coup férir. C’est le principe d’on ne change pas une équipe qui gagne. Mais le chef du gouvernement n’entend rien à cette saine logique. Il est compréhensible que par loyauté, Benkirane tienne à reconduire le PPS. Le parti de Nabil Benabdellah n’a-t-il pas tout renié, sa sphère idéologique et ses accointances historiques, pour rester au gouvernement ? Mais quid de l’Istiqlal ? Le parti de Hamid Chabat a tout fait pour briser l’échine du chef du gouvernement et faire imploser sa majorité. N’eut-été le RNI, sur commande ou pas, peu importe, qui a volé à son secours, son gouvernement n’aurait pas tenu une seconde. Or le voilà qu’il veut sacrifier le RNI sur l’autel du rapatriement de l’Istiqlal qui l’a traité de Daech et d’agent du Mossad. Il construit ainsi une presque majorité et demande aux autres, pas nombreux, puisque selon cette logique arithmétique il ne lui manque que moins d’une vingtaine de députés, de le rejoindre à ses conditions. Et s’étonne ensuite, en les accusant de chantage, que ses partenaires d’hier qu’il a laissés en rade, procèdent de la même façon en constituant des contre-alliances. A ce stade, on n’est plus dans la politique, mais ailleurs. Légitime dès lors de se demander pourquoi le chef du gouvernement désigné tient-il tant à l’Istiqlal ? Pour une proximité idéologique (douteuse) et pour sa légitimité historique (éculée) ? Rien n’est moins vrai. En Fait, Benkirane qui croit fermement que la « trahison » de l’Istiqlal, en quittant le gouvernement en 2013, est une manipulation de ses adversaires de l’ombre, brandit le retournement de l’Istiqlal comme une prise de guerre sur l’ennemi. Sa vengeance et sa revanche. Soit. Mais avec pareille psychologie, on quitte le cénacle des hommes d’Etat pour tomber dans le cercle malfamé des caïds anthropométriqués de quartier.