Le discours de la Marche verte a-t-il précipité la nomination d’un nouveau Premier ministre en Algérie - Par Bilal TALIDI

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Proche du président Tebboune, Nadir Larbaoui, qui s’est frotté au représentant permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, est aux yeux du président algérien le mieux placé pour anticiper le déploiement diplomatique et économique du Maroc

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Il y a moins d’une semaine, le président algérien Abdelmajid Tebboune limogeait son chef de gouvernement Aymane Ben Abderrahmane pour nommer à sa place le chef du cabinet présidentiel Nadir Larbaoui. Les raisons de cette décision n’ont pas été indiquées pour savoir si elle a été motivée par le conflit interne au pouvoir, ou par des considérations liées aux indicateurs économiques du pays, ou encore par la gestion des questions régionales, particulièrement avec le Maroc.

Trois atouts ont favorisé la nomination de M. Larbaoui à ce poste. Sa proximité avec le président Tebboune, pour avoir officié en tant que chef du cabinet présidentiel depuis mars dernier, a certainement été pour beaucoup dans sa promotion. Son expérience diplomatique ensuite - représentant permanent de l’Algérie aux Nations-Unies, ambassadeur au Caire, délégué permanent auprès de la Ligue arabe, représentant de son pays au Secrétariat général de l’Union du Maghreb arabe (UMA) - a certainement joué en sa faveur. Last but not least, son background économique - 15 ans à de hautes fonctions au ministère de l’Industrie, directeur des affaires économiques aux Affaires étrangères – a consolidé ses chances.

Sa proximité avec le président Tebboune, laisse supposer que sa nomination n’est pas étrangère à la guerre des clans et traduit dans le même temps la volonté du président Tebboune de placer sous contrôle l’ensemble de l’appareil exécutif pour capitaliser les politiques et les réalisations à venir dans sa prochaine bataille électorale pour un nouveau mandat.

Toutefois, son pedigree diplomatique laisse supposer que la nomination de M. Larbaoui intervient également en réponse à la gestion du conflit régional et ambitionne de mettre l’action du gouvernement au service d’un nouveau repositionnement de l’Algérie en vue d’enrayer le déploiement de la diplomatie marocaine. Son expérience diplomatique, affutée surtout par son passage aux Nations-Unies, lui permet d’être plus sensible aux orientations que devraient prendre les politiques du gouvernement pour appuyer et soutenir la diplomatie algérienne dans sa bataille contre son homologue marocaine.

Mais certainement que Abdelmadjid Tebboune en sortant ce joker compte le déployer pour redorer le blason d’un exécutif exsangue par la faiblesse des indicateurs économiques que cachent mal les sorties fantasques et populistes du chef de l’Etat et révèle, et mis à mal par son incapacité suivre le dynamisme d’une économie marocaine qui, malgré toutes les difficultés (Covid, sécheresse, séisme…) surprend par sa résilience et ses initiatives.

M. Tebboune a déjà eu l’occasion d’apporter une évaluation mi-figue mi-raisin sur le gouvernement Ben Abderrahmane en indiquant qu’il y avait des choses à son avantage et d’autres en sa défaveur, une manière à peine enveloppée d’exprimer son mécontentement. Mais celui-ci ne laissait nullement présager un limogeage d’autant plus qu’en séance plénière du Parlement, M. Ben Abderrahmane a défendu, sans grande contestation, son bilan et les réalisations de son cabinet sur les perspectives prometteuses des exportations hors hydrocarbures et les taux de croissance prévus. 

Ce qu’il faut donc relever, c’est que le limogeage de M. Ben Abderrahmane a coïncidé avec le discours du Roi Mohammed VI à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, dans lequel le Souverain a sorti une nouvelle carte dans la gestion du conflit autour de la marocanité du Sahara : la dimension atlantique des provinces du Sud. M. Larbaoui a été nommé, le 11 novembre, soit cinq jours après le discours royal que la présidence algérienne et l’ensemble de ses services diplomatiques, sécuritaires et de renseignements ont dû analyser, disséquer, et interpréter, pour en identifier les enjeux et la portée. Certes, la dimension atlantique du Maroc et de son Sahara n’est pas nouvelle dans la vision que le Roi a du rapport du Royaume à son prolongement continentale. Mais c’était la première fois qu’il a publiquement et d’une façon circonstanciée décliné l’enjeu atlantique pour s’adresser à la région sahélo-saharienne et à la communauté internationale, proposant à cette effet une démarche pratique et concrète devant faire mieux que résoudre définitivement le problème : Crée une aire de prospérité partagée.

Que l’Algérie perçoit cette nouvelle démarche du Maroc avec beaucoup de suspicion n’est pas nouvelle, elle qui, en raison de sa géographie et de la richesse de son sous-sol, n’a pas cessé de se revendiquer comme ‘’l’Etat pivot’’ de la région et en conséquence la partie la mieux habilitée pour le leadership du Maghreb et pour le rôle central dans la recherche d’une solution politique dans la région sahélo-saharienne. 

Mais dans la pratique, en dépit des frontières qu’elle partage avec de nombreux pays du Maghreb et du Sahel, Alger n’a réussi ni à imposer sa vision en Afrique du Nord, ni au Sahel. Partout il est en panne sèche : que ce soit en Libye, voire en Tunisie où, pourtant, il a trouvé une oreille attentive, ou encore au Mali et plus récemment au Niger, qu’il perçoit comme le chemin le plus court pour faire arriver sur son sol le projet de gazoduc transsaharien (NIGAL), c’est la circonspection que le pouvoir algérien rencontre .

L’Algérie a pressenti dans cette démarche marocaine un double danger. Le premier est que le Maroc jouerait un rôle croissant dans la zone sahélo-saharienne où il fait intervenir de nouvelles cartes beaucoup plus puissantes et qui n’étaient jamais  venues auparavant sur la table, une approche à ses yeux susceptible de réduire son rôle. Pour le Palais El Mouradia, la démarche du Maroc est de nature de séduire les grandes puissances (USA, Chine et  Russie) de la pertinence de cette politique qui présente l’avantage de mettre de coté l’engagement militaire et sécuritaire au profit de la mise en place d’une saine concurrence entre les acteurs pour un développement de la région qui s’ouvre à toute  la façade atlantique. De ce fait, Rabat ne propose pas uniquement une sortie des crises, mais met son environnement et ses infrastructures à disposition pour servir de leviers au service du co-développement.

Dans cette dynamique vertueuse, ce que craint le plus Alger, c’est l’extraction et l’exploitation des ressources naturelles maritimes. Vu d’Alger, Rabat serait en train de passer à la vitesse supérieure dans sa gestion du conflit du Sahara marocain, en entraînant la communauté internationale, de manière sereine et intelligente, vers ce que le pouvoir algérien craint le plus : l’usage de la carte atlantique, à laquelle il associe les pays de la région sahélo-saharienne, comme un prélude à l’exploitation des ressources maritimes au large du Sahara marocain, ce qui ruinerait toute son entreprise et son ambition pour lesquelles le il a créé et soutenu à bout de bras le Polisario depuis près de cinquante ans.

Tout donc porte à croire que la gestion du conflit régional avec le Maroc a été un facteur essentiel dans le limogeage rapide de Ben Abderrahmane et son remplacement pas nomination de Nadir Larbaoui. Cet homme, proche du président Tebboune, qui s’est frotté à l’ambassadeur représentant permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, est aux yeux du président algérien le mieux placé pour anticiper le déploiement diplomatique et économique du Maroc. Sa connaissance des dossiers économique en a fait non seulement le candidat idéal pour assumer sa mission, au vu des exigences que requiert une candidature pour un second mandat de M. Tebboune, mais aussi pour faite face aux projets du Maroc. 

 

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