Politique
L’arrestation de Boualem Sansal et la farce de la ''république du Rif'' - Par Hatim Betioui
Boualem Sansal a appuyé là où ça fait mal en soulignant que la France n’a pas pu instaurer un colonialisme de peuplement au Maroc, car ce dernier était un grand et ancien État. Il a expliqué qu’il est facile de coloniser de petites entités sans profondeur historique, une allusion à l’Algérie, qui a provoqué l’ire des autorités et abouti à arrestation à la première occasion
Entre le 16 et le 23 novembre courant, deux événements importants ont occupé l'Algérie, nécessitant une attention particulière. Le premier est l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à son arrivée à l’aéroport Houari Boumediene, et le second est l’organisation de ce que la presse locale a appelé « la première édition de la Journée du Rif » (région située dans le nord du Maroc).
Des pavés dans la marre
Boualem Sansal avait fait des déclarations en France dérangeantes pour Alger, affirmant que le Maroc est le plus ancien pays au monde, avec une histoire remontant à 12 siècles, tandis que la France n’a qu’un millénaire d’existence. Il a ajouté que le Maroc est un État ancien et puissant qui a presque entièrement contrôlé l’Afrique du Nord.
Sansal est allé encore plus loin en déclarant : « Lorsque la France a colonisé l’Algérie, la partie occidentale de celle-ci faisait partie du Maroc », faisant référence à des régions telles que Tlemcen, Oran et même Mascara.
Cependant, il encore plus agacé les autorités algériennes lorsqu’il a affirmé : « Pendant la colonisation française de l’Algérie, la France a arbitrairement décidé d’annexer l’est du Maroc à l’Algérie. » L’une dans l’autre, ces déclarations ont conduit à son arrestation pour « atteinte à l’unité nationale ». L’agence de presse algérienne l’a même accusé de remettre en question « l’existence, l’indépendance, l’histoire, la souveraineté et les frontières de l’Algérie ».
Une entité dans profondeur historique
La France n’a pas pratiqué au Maroc un colonialisme de peuplement au Maroc, contrairement à ce qu’elle a fait en Algérie. Une raison à cela : elle croyait fermement à l’époque que l’Algérie serait pour toujours un département français. Elle s’est toutefois étendue sur les terres marocaines jusqu’à l’océan Atlantique, avant de s’arrêter pour des raisons géopolitiques qu’il n’est pas pertinent de s’étendre ici.
La colonisation française de l’Algérie a duré 132 ans (1830-1962), après que la France ait hérité ce territoire des Ottomans, tandis que la colonisation du Maroc, sous le régime du protectorat, n’a duré que de 1912 à 1956.
Boualem Sansal a appuyé là où ça fait mal en soulignant que la France n’a pas pu instaurer un colonialisme de peuplement au Maroc, car ce dernier était un grand et ancien État. Il a expliqué qu’il est facile de coloniser de petites entités sans profondeur historique, une allusion à l’Algérie, qui a provoqué l’ire des autorités et son arrestation.
Pour l’Algérie, le concept d’« unité nationale et territoriale » semble ne valoir que pour elle-même. Elle ne s’est pas contentée de contester l’intégrité territoriale du Maroc depuis que celui-ci a récupéré son Sahara en 1975 en le libérant du colonisateur espagnol par une grandiose Marche Verte pacifique.
L’année prochaine marquera un demi-siècle d’engagement de l’Algérie dans une entreprise de déstabilisation du Maroc. Bien plus si l’on compte l’usage qu’elle avait fait auparavant d’une partie de l’opposition radicale au Royaume pour affaiblir la monarchie marocaine. Elle a ainsi mené une série de tentatives pour porter atteinte à son intégrité territoriale, sans pour autant arriver de résultats notables, hormis de mettre des bâtons dans les roues du Maroc pour freiner, vainement d’ailleurs son développement et sa prospérité. Car pendant ce temps, le Maroc n’est pas seulement resté déterminé à défendre ses terres, mais a poursuivi son chemin vers la modernisation et le progrès.
Un régime d’incohérences
Dimanche dernier, le journal algérien El Khabar a publié en une deux titres oxymoriques : le premier annonçait « La république du Rif sur le point de récupérer son indépendance », tandis que le second proclamait : « Notre unité territoriale est une ligne rouge… et la liberté d’expression s’arrête là », dans le cadre d’une dénonciation des propos de l’écrivain Sansal.
Et peu importait au journal, porte-voix du pouvoir de son pays, ce que proclamer la préservation de l’unité nationale en Algérie légitime, et illégitime celle de ses voisins, notamment le Maroc, a d’incohérent et d’indéfendable.
En alimentant un nouveau tapage autour de la « République du Rif imaginaire », l’Algérie semble chercher une alternative au conflit artificiel autour du Sahara, après avoir essuyé une série de revers, comme le soutien de la France et de l’Espagne à la marocanité du Sahara et leur reconnaissance que l’autonomie proposée par le Maroc constitue la seule base d’un règlement définitif de ce différend prolongé. Ces deux pays, qui ont colonisé le Maroc, connaissent bien les réalités historiques sur les amputations de son territoire.
Auparavant, en 2020, c’était le président américain Donald Trump qui reconnaissait la souveraineté du Maroc sur le Sahara. De nombreuses nations ont par ailleurs renoncé à la reconnaissance d’une « république sahraoui » qui n’a d’existence que dans les mirages du désert.
Autant d’éléments qui ont poussé les dirigeants algériens à persévérer dans leur obsession marocaine. Alors qu’ils considéraient autrefois le Sahara comme un cheval de Troie pour réaliser leurs ambitions régionales, ils cherchent aujourd’hui un nouvelle cinquième colonne pour compenser leurs échecs de ces soixante dernières années, initiant ainsi une nouvelle stratégie hasardeuse dont seul Dieu, et les esprit éveillés, connaissent les conséquences sur la région maghrébine.
L’Algérie a qualifié le Sahara marocain de « dernière colonie en Afrique », et aujourd’hui, elle cherche à placer la « région du Rif marocain » dans le même panier, investissant avec acharnement dans davantage de fragmentation et d’ingérence dans les affaires intérieures du Maroc. Elle semble cependant ignorer qu’elle-même est un État fragile, comparable à un château de sable. Tout en elle laisse entrevoir une possibilité de désintégration, comme en témoignent les aspirations de la région de Kabylie à l’indépendance, les revendications des Touaregs dans le sud, ainsi que les tensions confessionnelles des ibadites à Ghardaïa.
L’Algérie oublie que si le feu du séparatisme se déclare chez ses voisins, il finira inévitablement par se propager chez elle. Une vague de séparatisme, si elle s’aggrave, ne laissera rien ni personne indemne.