Lecture Ouvrage Abderrazzak El Hannouchi : ''Parlement et Droits Humains'' - Par Rajeb Souad

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Sur le bilan de la pratique parlementaire en matière de droits humains, (la dixième législature 2016-2021) Abderrazzak El Hannouchi (Photo) a pris le risque d’entreprendre cet honorable travail de mémoire. Il a eu le grand mérite de faire voyager le lecteur dans les méandres des tractations, compétitions et arbitrages de la dixième législature.

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Très honorée de participer à la lecture de l’ouvrage de Abderrazzak El Hannouchi  qui est parallèlement, grand défenseur,  expert, praticien des Droits Humains,   acteur associatif , chargé des études au parlement et journaliste. 

Abderrazzak El Hannouchi vient de publier son nouveau livre intitulé : “Parlement et Droits Humains”.

Il s’agit d’une problématique traitée pour la première fois dans un ouvrage destiné à la fois aux chercheurs et au grand public. 

“Parlement et Droits Humains” est un ouvrage perpétuellement travaillé par des combinaisons harmonieuses entre variables hétérogènes que l’auteur a, subtilement, réussi à faire cohabiter. 

L'auteur entreprend de restituer l’expérience de la dixième législature par l’articulation entre données qualitatives et quantitatives. Celle-ci s’avère ultérieurement indispensable à l’aune de la marge de manœuvre relative à une lecture binaire convoquant dimensions politiques et dimensions juridiques.  

La 1ère dimension réfère à un ordre politique et idéologique qui régule la compétition et les conflits politiques entre les acteurs politiques et une autre juridique qui réfère à un ordre juridique fait de codes permettant aux individus et aux groupes de mener à bien leurs interactions. 

Dans notre document de lecture nous allons entreprendre dans un premier temps de synthétiser le travail de Hannouchi sur le bilan de la pratique parlementaire en matière de droits humains durant la dixième législature ; en deuxième temps nous aborderons notre vision d’une appropriation nationale des droits humains au Royaume du Maroc qui passe inévitablement par le concours d’un parlement investi.

Le livre renseigne sur le bilan de la pratique parlementaire en matière des Droits Humains durant la dixième législature

Ce livre de 285 pages (éditions Al Manahil), renseigne sur le bilan de la pratique parlementaire en matière des droits humains durant la dixième législature (2016-2021) . 

Pour l’auteur, l'expérience de la dixième législature représente un processus façonné par l’articulation de logiques politiques voir idéologiques différentes œuvrant sur des collaborations, qui font la ressource du processus législatif de la période.

Ce travail, commence par un passage en revue des principaux textes de référence en la matière. 

Sur le bilan de la pratique parlementaire en matière de droits humains, (la dixième législature 2016-2021) Abderrazzak El Hannouchi a pris le risque d’entreprendre cet honorable travail de mémoire. Il  a eu le grand mérite de faire voyager le lecteur dans les méandres des tractations, compétitions et arbitrages de la dixième législature.

Nous espérons vivement qu’ Abderrazzak El Hannouchi accepte de déplacer le curseur de la prise de risque en s’engageant dans une « oeuvre encyclopédique » entretenant la mémoire des différentes  législatures du parlement depuis l’indépendance du Royaume du Maroc. 

L’auteur, au-delà de la capitalisation sur la boîte à outil de son œuvre fondatrice compte à son actif une faculté entrepreneuriale qui le stimule vers l’exploration de nouvelles opportunités de réflexion – sur le terrain des Droits Humains (DH) en lien avec le parlement. Grâce à son panier d’idées innovantes, l’auteur ne se contente guère d’exploiter l’existant sur le marché des réflexions.

Cet ouvrage dédié  à l'ancien président du CNDH, Driss El Yazami, en signe de gratitude et de reconnaissance pour sa contribution au mouvement des droits de l’homme à l’échelon national et international, préfacé par l'enseignante-chercheure khadija Marouazi, et présenté par l'ancien secrétaire général du conseil constitutionnel, Mohamed Bouaziz, est réparti en quatre chapitres.

Les deux premiers chapitres de l'ouvrage font un rappel aux principaux instruments et mécanismes du système des Droits Humains tant au niveau international qu’au niveau national. 

Il questionne, également, le référentiel de l’intervention des parlements en matière des Droits Humains. 

Ensuite, il analyse cette implication relativement récente qui a pu se développer grâce, notamment, aux efforts du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) et de l’union interparlementaire (UIP).

Dans un autre stade, l’auteur met en lumière les obligations contractées par l’Etat marocain au titre des instruments internationaux et régionaux. 

L'auteur analyse l’action de l’institution législative en matière de suivi de la pratique conventionnelle du Maroc, de propositions et projets de loi dans le domaine des droits de l’homme, aux côtés des questions écrites et orales liées aux Droits Humains présentées au gouvernement.

 L’objectif étant de situer et d’exposer les missions du parlement en tant qu’institution de défense de promotion et de protection des droits humains.  

Dans ce cadre, le parlement est renseigné, en terme qualitatif et quantitatif, à travers son rôle de gardien des droits de l’homme sensé répondre à certains critères et présenter certaines garanties. 

Dans ce sens l’auteur interpelle des questions en liens avec l’élaboration des lois, l’adoption du budget et le contrôle de l’exécutif sur tout le spectre des droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels, et qui ont un impact immédiat sur la jouissance des Droits Humains. 

Le livre traite également la mise en place des principes de Belgrade dans la pratique parlementaire marocaine, suite à la signature d’un mémorandum entre les deux chambres du parlement et le conseil national des droits de l'homme (CNDH) le 10 décembre 2014.

L’action internationale du parlement dans ce domaine est aussi évoquée à plusieurs reprises, citant à titre illustratif la relation avec l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe (APCE), qui a octroyé au Maroc le statut de partenaire pour la démocratie, ainsi que la participation aux grands événements accueillis par le royaume, à l'instar du forum mondial des droits de l’homme (2014) et la cop22 (2016).

Le livre s’achève par quelques recommandations de l’auteur dont la création au sein de chaque chambre d’une commission des droits de l’homme conformément aux recommandations conjointes du HCDH et de l’UIP, le renforcement des partenariats avec les instances constitutionnelles et la mobilisation de leurs compétences pour l’évaluation des politiques publiques, l’institutionnalisation des liens avec la société civile, etc.

Vers un processus rationnel d’appropriation des Droits humains, par l’action législative:

L’ouvrage de Hannouchi communique une grammaire basée sur une cartographie complète des liens qu’a entretenus la dixième législature avec les droits humains. La force de cette grammaire c’est qu’elle chemine sur l'identification des stratégies d'intervention les plus pertinentes (chiffre à l’appui) pour répondre à des problématiques liés aux difficultés de codification sur certaines thématiques et catégories des Droits Humains.

En pointant du doigt l’inégalité des ressources dont peuvent se prévaloir les acteurs législatifs, l’auteur offre une piste de guidance vers un cadre institutionnel repensé qui concoure à la variabilité et au dynamisme du processus de l’harmonisation de la loi avec les différents instruments internationaux  des droits humains et l’accélération de la mise en œuvre  des dispositions constitutionnelles.

Ce considérable investissement en documentation, études et expertise est un bon préalable au déploiement d’une lecture rationnelle des critères, indices et indicateurs de l’appropriation nationale des Droits Humains.

L'ingéniosité de l’ouvrage, d’autre part, est d’avoir poussé le questionnement sur comment investir dans une démarche qui puisse faire émerger un processus rationnel d’appropriation de l’action législative des Droits humains avec une composante robuste de méthodologies, outils et concepts. 

Une telle composante de consolidation législative des Droits Humains permet au chantier de l’appropriation nationale de prendre en compte les éléments autour de l’indissociabilité des questions de promotion, de défense, de protection des DH et des conditions de l’exercice de l’action législative.  

L’ optique de transformation en articulant acteurs, pratiques, consultation, exercices politique et juridiques réactualise la variabilité de la configuration de ces actions renforcée par de pressions multiples (politiques, sociales, judiciaires, médiatiques, économiques, etc.).

L’ouvrage en participant à la levée des barrières informationnelles participe, de facto, à la levée de certaines barrières capacitaires des élu.e.s. 

L’ouvrage aborde l’intégration de certaines questions des droits Humains dans un cadre méthodologique ‘entonnoir’ éclairé par une perfusion d’expertise. 

Il ouvre la réflexion sur le « métier » de législateur ; dans ce cadre, il offre des pistes pour le  passage d’une approche traditionnelle de changement basée sur l’intuition ‘législative’ vers une approche droits de l’homme s’ouvrant sur un renforcement des capacités et sur des ouverture sur les expertises et consultations des institutions nationales des droits de l’Homme et du Conseil économiques et social. Cette voie permet de défricher le chemin critique du processus d’intégration des Droits humains dans les pratiques et les instruments législatifs.

Dans ce cadre, la consolidation des espaces de circulation de la parole et de l’écoute, au sein du parlement, gardien des droits humains et représentant du peuple, permet de fournir une entrée ascendante dans le processus d’appropriation nationale des droits humains. 

Cette consolidation passe, inévitablement par :

  • sa capacité à refléter fidèlement les diverses composantes de la société : hommes et femmes, jeunes, etc.  issues d’élections libres, 

  •  l’exercice de droits et de libertés : dont celles relative à l’expression de ses membres au nom de leurs électeurs ; la liberté de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations et des idées sans crainte ; l’indépendance nécessaire en  jouissant du privilège ou de l’immunité parlementaire ;

  • sa capacité à connaître le cadre juridique comme la constitution et les obligations de l’Etat relatives aux droits humains, tout en faisant la distinction entre celles qui découlent  du hard et ceux émanant du soft law pour mesurer les exigences et attentes en terme d’harmonisation de la loi avec les différents instruments internationaux  des droits humains et l’accélération de la mise en œuvre  des normes constitutionnelles.

  • sa capacité à connaître le fonctionnement du gouvernement et de l’administration publique dans son ensemble et, bien entendu, la procédure parlementaire 

  • sa capacité à participer au rayonnement  international, entre autre par le dialogue et l’échange entre pairs.

Enfin, cette levée des barrières capacitaires une fois consolidée, permet de fournir une entrée ascendante pour l’élaboration des plans d’action nationaux pour les droits de l’homme, en conformité avec le protocole d’appropriation dressé par la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’homme, tenue en 1993. 

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