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Les malédictions du Soudan : L’or et l’or noir - Par Dr Samir Belahsen
Depuis son indépendance en 1956, l’histoire du Soudan se résume à une succession tumultueuse de conflits internes, de coups d'État, et d’instabilité politique persistante en plus d’une scission.
Le Soudan, vaste pays d'Afrique de l'Est, connait depuis le 15 Avril 2023, un conflit armé entre l'armée au pouvoir dans le pays et les forces paramilitaires.
La guerre entre les deux camps se déroule principalement dans Khartoum autour des sites à haute valeur symbolique comme le palais présidentiel et le ministère de la défense mais aussi dans le Darfour.
C’est une complexe chaîne d'événements, de tensions, d’interventions étrangères, de crises et de luttes politiques qui ont conduit à la situation actuelle
Depuis son indépendance en 1956, le Soudan a connu une histoire politique tumultueuse, caractérisée par des conflits internes, des coups d'État, une scission, des guerres civiles et une instabilité politique persistante.
Le premier gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ismail al-Azhari, a été remplacé en 1958 par un gouvernement militaire dirigé par le général Ibrahim Abboud, qui a suspendu la constitution et gouverné par décret.
En 1964, des manifestations de masse ont éclaté dans le pays, exigeant le retour à un gouvernement civil. Les manifestations ont conduit à la chute d'Abboud et à la formation d'un gouvernement civil dirigé par Sirr Al-Khatim Al-Khalifa.
En 1969, un coup d'État militaire dirigé par le général Jaafar al-Nimeiri a renversé le gouvernement civil. Al-Nimeiri a gouverné le pays pendant les trois décennies suivantes, instituant un régime autoritaire et instable qui a été marqué par des violences politiques et des guerres civiles.
Pendant son règne, la guerre civile entre le Nord et le Sud du Soudan a éclaté, opposant le gouvernement central arabo-musulman au Sud chrétien et animiste soutenu par tous ceux qui s’intéressaient à ses réserves pétrolières.
Le Soudan du Sud produit aujourd’hui environ 175 000 barils de pétrole par jour mais à l’époque c’était plus prometteur…
En fait c’était une malédiction : la guerre a duré de 1983 à 2005 et aurait entraîné la mort de plus de deux millions de personnes.
En 1989, al-Nimeiri a été renversé par un coup d'État militaire dirigé par le général Omar al-Bachir, qui a ensuite dirigé le pays pendant les 30 années suivantes. Al-Bachir a instauré un régime islamiste autoritaire.
En 2011, le Sud-Soudan a voté pour son indépendance et est devenu un État indépendant. Cependant, la situation politique au Soudan n'a pas changé significativement après cette séparation. Le régime d'al-Bachir a continué à gouverner le pays jusqu'en 2019, date à laquelle il a été renversé par un coup d'État militaire qui a fait suite à une révolte populaire. L’armée et la milice d’intervention rapide d’El Bachir se sont déclarées pro-révolution et pour la démocratie.
Elles ont dirigé un gouvernement de transition civil-militaire censé préparer des élections démocratiques.
La résurgence de la violence parait due à l’échec du dialogue entre les deux généraux qui la manipulent : Mohamed Hamdan Dagalo, chef des Forces de soutien rapide (RSF) dit Hemedti, et Abdel Fettah al Burhan, chef de l'armée et président du pays.
Mais il y a un élément clé : le Soudan possède l'une des plus grandes réserves d'or du continent, en 2022 il aurait réalisé des exportations de près de 2,5 milliards de dollars, correspondant à la vente de 42 tonnes d'or.
La plupart des mines sont sous le contrôle de Hemedti et de la milice RSF.
C’est la principale source de revenus du Soudan depuis la création de la République du Sud-Soudan en 2011.
L’or qui paraissait comme une aubaine, s’est avéré une malédiction pour deux raisons.
La première est due aux appétits des différentes parties - personnes, familles et tribus, mais aussi de forces étrangères -, que le métal jaune aiguise.
La deuxième est d’ordre environnemental. L'utilisation massive du cyanure et du mercure conduirait prochainement à une catastrophe écologique et sanitaire.
Certains affirment qu’Al Burham aurait tenté d'utiliser les négociations sur la réforme du secteur de la sécurité dans le cadre des négociations sur la transition politique pour contrôler la RSF, et surtout ses mines, à des conditions que Hemedti n'aurait pas acceptées.
Le doigt ainsi pris dans l’engrenage, la siprale de la violence semble engagée pour longtemps et il faut juste espérer que si l’or noir a causé la première scission du Soudan, la ruée vers l’or jaune n’en cause pas une seconde.