PJD : l’unité des rangs à l’épreuve

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Entre Saad Dine El Otmani et Abdalilah Benkirane, depuis toujours concurrents, pendant un temps complémentaires, le torchon brûle.

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Le PJD a subi, sous le mandat de Saad Dine El Otmani, de sérieux défis politiques et organisationnels. Au Bout de chacun pointait l’éventualité d’une division interne, mais le parti s’en est à chaque fois sorti en préservant son unité organisationnelle.

La [candidature] à un troisième mandat de Abdalilah Benkirane a constitué un défi dangereux surmonté par le recours au mécanisme démocratique interne et le vote. Sans pour autant les divergences internes soient tranchées, parce qu’au fond l’éventualité de ce troisième mandat n’était que l’écho d’une différence d’appréciation politique au sein du parti, et une mise en garde contre toute atteinte à l’autonomie de la décision partisane.

Au congrès du parti, la fissure a failli s’exacerber davantage et le parti était sur le point d’emprunter deux voies lors des échéances organisationnelles : la première pilotée par le gouvernement et la seconde, celle de l’opposition, conduite par le parti. Face au péril, Saad Dine El Otmani a menacé, immédiatement avant le vote, que si le congrès venait à lui refuser sa confiance, il en tirerait les conclusions qui s’imposent. Autrement dit qu’il interpréterait sa non-élection au poste de secrétaire général comme le refus officiel de le voir assumer la responsabilité du Chef du Gouvernement.

Mustapha Ramid a reconnu le rôle décisif joué par Benkirane était pour sortir de cette divergence les rangs unis et que sans lui l’impensable se serait produit.

Avec le débat de la loi-cadre de l’enseignement, la divergence a pris une autre dimension en se transposant au niveau de la direction. Le hiatus, suite à la sortie de Abdalilah Benkirane appelant les députés à voter contre la francisation de l’enseignement, est passé d’un différend entre un groupe parlementaire et la direction du parti à une fracture qui traverse le secrétariat général (la direction précédente Vs la direction actuelle).

A cette étape, on n’a pas eu recours au mécanisme démocratique à travers le retour au Conseil national. Ici, le Secrétariat général a utilisé son autorité sur le groupe parlementaire, en actionnant le moteur de la discipline organisationnelle.

La question de la normalisation avec Israël par la suite, a insufflé aux dissensions internes une ampleur sans précédent, à cause de l’impuissance de la direction à gérer l’événement, et de la faiblesse de la communication politique.

Mais encore une fois, A. Benkirane va tenir son rang et voler à la rescousse de S. El Otmani, démontrant ainsi sa capacité à convaincre, en avançant la nécessité de comprendre la position de l’Etat et l’impérieuse nécessité pour gouvernement d’y souscrire, tout en préservant au parti le droit de maintenir sa position constante vis-à-vis de la normalisation.

La tempête s’est calmée un temps pour reprendre de plus belle avec la déclaration du membre du secrétariat général, Aziz Rabbah assénant sa disposition à se rendre en Israël si l’agenda de l’Etat l’exigeait. S’en est suivie une tempête qui a placé le parti dans l’ornière de la contradiction avec sa propre doctrine.

La sortie de A. Benkirane contre A. Rabbah, jumelée à la réaffirmation de de la position du parti au sujet de la normalisation, a ramené le calme une nouvelle fois et retiré plus ou moins cette question de la sphère de la controverse qui menace l’unité du parti.

Ainsi apparait-il qu’au cours des différents défis qui ont menacé l’unité organisationnelle du parti, on a eu recours à de multiples procédés pour transcender les divergences. Toutefois, la crise qui s’ouvre aujourd’hui avec le projet de loi sur la légalisation du cannabis ne sera pas comme les précédentes secousses. Non pas uniquement à cause de son objet, ses risques et son caractère antinomique avec la position antérieure du parti adoptée à ce sujet en 2016, mais aussi du fait qu’elle renseigne sur la méthodologie de la gestion décisionnelle au sein du PJD, de moins en moins conforme aux règles de la démocratie interne.

Dans cette affaire, le Secrétaire général Saad Dine El Otmani a associé dans un premier temps le Secrétariat général à la discussion du projet de loi. Mais lorsqu’il lui est apparu que la légalisation du chanvre indien rencontrait une opposition frontale de la direction à l’exception de trois membres, il l’a écartée du débat pour la mettre devant le fait accompli de son adoption en conseil du gouvernement.  Mais la démission du Président du conseil national, Driss El Azami et la menace de A. Benkiarne de geler son adhésion au parti a contraint le chef de file du PJD à revenir vers le secrétariat général. 

La démission de Driss El Azami réprouve sévèrement la méthode de gestion et récuse la démarche d’El Otmani de mettre le parti devant le fait accompli, en soustrayant les décisions aux instances du parti, ce qui dénote un changement de méthodologie et un affaiblissement de l’autonomie de décision du PJD. 

Le chef du gouvernement avait déjà recouru à la même démarche à l’origine des dissensions au sein du parti lorsqu’il avait, sans impliquer les instances du parti, associé l’USFP au gouvernement. Et de la même manière qu’il a refusé d’associer le Conseil national du parti à l’examen du projet de la loi-cadre de l’enseignement, il a tenté cette fois-ci encore d’exclure les instances de la décision de la légalisation du cannabis. 

Mais si à chaque fois la cohésion du parti a prévalu, il en va autrement aujourd’hui, et sa tentative de contourner le parti dans le débat du projet de loi sur l’usage cannabis à des fins médicales et industrielles par le biais du conseil du gouvernement est pour le moins que l’on puisse dire est un échec. 

El Otmani est aujourd’hui dans une position délicate et se trouve devant deux contraintes : l’impératif d’accompagner l’adoption de la loi sur le cannabis et la pression interne du parti qui lui est hostile. Cette pression prend deux formes : la première exige de faire prévaloir la démocratie interne pour trancher ces questions à travers leur présentation devant les instances du parti, ce qu’El Otmani tente d’éviter, et la seconde porte sur ce que pourrait être l’image du parti et ses valeurs si jamais cette loi venait à être adoptée sous son mandat.

Les alternatives qui s’offrent à El Otmani sont ainsi très réduites. La plus appropriée serait de demander le report de la présentation du projet de loi et de son examen en Conseil de gouvernement jusqu’à ce que la situation soit plus claire au sein de son parti. A défaut, il court le risque de plus en plus sérieux d’une scission. 

 

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