Sénégal: les députés adoptent sans débat le budget de l'Etat - Par Mustapha Sehimi

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Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko (à droite) attend de prononcer son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, à Dakar, le 27 décembre 2024.. (Photo SEYLLOU / AFP)

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Les députés sénégalais ont adopté samedi sans débat le budget de l'Etat et procédé à l'élection des membres de la haute Cour de justice, chargée de juger les plus hautes autorités de l'Etat. Le budget n'a pas été discuté; le Premier ministre Ousmane Sonko ayant engagé la responsabilité du gouvernement pour qu'il soit adopté avant la fin de l'année 2024.

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Auparavant, lundi dernier, M. Sokonko, avait présenté la Déclaration de politique générale de son cabinet pour la nouvelle législative, devant l'Assemblée nationale du Sénégal. Durant près de deux heures. 

Les grandes lignes mises en exergue concernent la gouvernance nationale, la souveraineté (économique, éducative, sécuritaire...), l'équité sociale et la transparence. Il a fait référence à la vision du Président Bassirou Faye: celle "d'un Sénégal souverain, avec l'exigence de défendre en tout premier lieu les intérêts du Sénégal de ne plus jamais se laisser dicter notre conduite dans la gestion des affaires publiques et la défense des citoyens sénégalais". Il a développé longuement une trajectoire macroéconomique prometteuse, ce qui pose la question de sa faisabilité. La rationalisation accrue des charges de fonctionnement de l'État pourrait-elle être mise en œuvre ? La réforme fiscale sera à l'ordre du jour, de même que celle du code des douanes. Un appel à des efforts considérables a té lancé en direction des Sénégalais pour concrétiser un développement endogène et inclusif. Il y aura lieu également de soutenir la croissance par des mécanismes innovants pour mobiliser les ressources appropriées.

Opérer une rupture

L'ambition qui porte ce programme est 1'"impératif d'opérer une rupture en profonde et d'une portée jamais vue dans notre pays depuis notre accession à l'indépendance". La mise en place d’une fiscalité "efficace et équitable" est l'une des priorités. Elle doit fonder une refonte de l'action publique et la promotion d'une croissance endogène, alors que le Sénégal est resté selon lui" enfermé dans le modèle économique colonial". Il s'agira de "faire moins payer tous les Sénégalais", mais de "faire payer à tous les Sénégalais". Il a annoncé aussi que le Sénégal allait " se retirer de toutes les conventions internationales impliquant un paradis fiscal". Il a également fait part d'une "rationalisation des subventions à l'énergie pour qu'elles bénéficient essentiellement aux ménages pauvres". Un ciblage des bénéficiaires est prévu. La préservation du pouvoir d'achat des citoyens sera une des préoccupations des politiques publiques. Une réponse" à la demande sociale " pour "une meilleure qualité de vie. 

Sur le plan militaire, il a mis l'accent sur la décision du Président Faye de fermer les bases militaires de l'armée française " ainsi que sur l'application " du principe de réciprocité pour la délivrance de visa aux ressortissants de certains pays qui l'exigent de nos ressortissants". Il a encore promis la promotion du "multilinguisme" et ce via " la généralisation de l'enseignement en anglais à l'école élémentaire et l'utilisation des langues nationales dans le système d'éducation et de formation" alors que l'enseignement public est dispensé en français. 

Réformes sociales 

Dans un contexte d'éducation en crise, des réformes ambitieuses sont prévues pour améliorer les résultats du système éducatif et universitaire : "Nos enfants doivent être les piliers d'un Sénégal de demain, compétitif et autonome". Face aux défis économiques, il a plaidé pour une restructuration des entreprises publiques en difficulté et une gouvernance financière rigoureuse ainsi que pour la transparence promette un "engagement ferme envers la vérité et la responsabilité publique". Il est vrai qu'il doit faire face à une situation économique décrite par lui-même de "catastrophique" - un déficit budgétaire de 10,4 % du PIB et une dette publique de 76,3 % du PIB. L'ambition est de hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d'Afrique en s'appuyant notamment sur les ressources gazières du pays.

Sur la fin de la dépendance aux accords désavantageux, il a précisé la non-reconduction des accords de pêche avec 1' Union européenne: " Notre priorité est de protéger nos ressources halieutiques et de soutenir notre pêche artisanale". Enfin, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a annoncé l'abrogation de la récente loi d'amnistie votée le 6 mars 2024 sous l'ancien président Macky Sall, dans la précédente législature, afin que "toute la lumière soit faite et que les responsabilités soient établies, quel que soit leur bord". Référence est faite à la répression des années 2020- 2024…

Au plan constitutionnel, aucune disposition ne peut obliger le chef de l'exécutif à s'exposer à un vote de confiance de l'Assemblée nationale. L'article 55 prévoit en effet que la Déclaration de politique générale est "suivie d'un débat qui peut, à la demande du Premier ministre donner lieu à un vote de confiance. En cas de vote de confiance, celle-ci est accordée à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale". Cette institution comprend 165 membres. Le Pastef (parti de Ousmane Sonko) il y a une majorité confortable de 130 sièges après les élections législatives du 17 novembre 2024. La coalition Takku Wallu Sénégal (de l'ex- président Macky Sall) n'a obtenu, elle, que 16 sièges, une dizaine de petites formations décrochant les 19 sièges restants.