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Cinéma, mon amour de Driss Chouika - LUIS BUNUEL, L’UN DES CINÉASTES LES PLUS ORIGINAUX, ICONOCLASTE ET SUBVERSIF
L’œuvre, le comportement intellectuel et les convictions artistiques de Buñuel en ont fait le cinéaste le plus incisif, provoquant, subversif et iconoclaste dans l’histoire du cinéma, qui a exprimé sans équivoque une critique acerbe de l’hypocrisie de la bourgeoisie et du dogme religieux
« Buñuel est le peintre des contrastes violents, de l’ombre et de la lumière, de la nuit et du jour, du rêve et de la lucidité. Entre ces extrêmes, il cherche la plus grande tension. Il filme les fantasmes avec la caméra la plus terre-à-terre. Il est matérialiste quand il parle de Dieu, exalté, révolté quand il parle de la société des hommes ». Jean Collet.
Né en 1900 dans l’Aragon, en Espagne, Luis Buñuel rejoint Madrid pour suivre des études de philosophie et se lie avec Salvador Dali, Federico Garcia Lorca et le groupe Dadaïste, avant de se rendre à Paris où, après avoir fondé un ciné-club et suivi des études de comédien, il commence sa carrière de cinéaste comme assistant-réalisateur de Jean Epstein. Puis, après avoir réalisé deux films, le court métrage “Un chien andalou“ et son premier long métrage “L’age d’or“, considérés comme le fondement du surréalisme dans le cinéma, il émigre aux Etats-Unis, “L'âge d’or“ ayant été interdit après avoir fait scandale et suscité des réactions violentes de la droite française. Mais ses convictions marxistes et anticléricales, non appréciées par les américains, le poussent à émigrer au Mexique où il finit par s’installer définitivement.
Ayant justifié le principe conducteur de son cinéma par le souci de chercher à "détruire la représentation conventionnelle de la nature, ébranler l'optimisme bourgeois et obliger le spectateur à douter de la pérennité de l'ordre existant", Buñuel a fini par s’éloigner du surréalisme pur et dur de ses débuts pour diversifier ses préoccupations cinématographique et construire une oeuvre originale et bien particulière. C’est l’un des rares cinéastes à avoir composé une oeuvre inclassable et insaisissable, ayant visité quasiment tous les genres cinématographiques, du surréalisme au néo-réalisme, de l’expérimental à la comédie musicale en passant par le film romantique, historique et fantastique, une oeuvre échappant à toute classification idéologique ou politique, marquée par un fort caractère iconoclaste et subversif, dénonçant essentiellement l’hypocrisie de la bourgeoisie et son esprit figé. Cette thématique centrale dans ses films se retrouve exposée le plus explicitement dans ses films “L’ange exterminateur“, “Belle de jour“ et surtout “Le charme discret de la bourgeoisie“.
Son talent exceptionnel ayant été reconnu dès ses premiers films par les critiques et les cinéphiles à travers le monde, plusieurs de ses créations ont récolté un ensemble des plus prestigieux prix et récompenses, et principalement le prix de la meilleur réalisation au Festival de Cannes en 1951 pour “Los olvidados“, la Palme d’Or au 14ème Festival de Cannes en 1961 pour “Viridiana“, le Grand Prix du Jury de la 26ème Mostra de Venise en 1965 pour “Simon du désert“, le Lion d’Or de la 28ème mostra de Venise en 1967 pour “Belle de jour“ et l’Oscar du meilleur film étranger en 1973 pour „“Le charme discret de la bourgeoisie“, ainsi qu’une grande quantité de prix dans plusieurs festivals internationaux de renom.
UN CINÉASTE PROVOQUANT, SUBVERSIF ET ICONOCLASTE
L’œuvre, le comportement intellectuel et les convictions artistiques de Buñuel en ont fait le cinéaste le plus incisif, provoquant, subversif et iconoclaste dans l’histoire du cinéma, qui a exprimé sans équivoque une critique acerbe de l’hypocrisie de la bourgeoisie et du dogme religieux. Ses films dénotent clairement une attitude philosophique mettant en valeur la liberté individuelle, la légitimité du rêve et du désir. Il confirme expressément que « Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions, de l'instinct ».
Les caractéristiques thématiques, esthétiques et stylistiques de ses films, dépassant les formes du récit logique classique et faisant éclater ses définitions spatio-temporelles, ont été plus explicites depuis son étroite collaboration avec le scénariste Jean-Claude Carrière. Leur collaboration, qui a duré une vingtaine d’années jusqu’à ce que Buñuel ait mis fin à sa carrière de réalisateur en 1976, a donné une série de films se démarquant par un style unique en son genre, mêlant surréalisme et réalisme, bien riche en paraboles, fétichisme et iconoclastie, et explorant intelligemment toute la panoplie des émotions, sentiments, rêves, désirs, hallucinations et fantasmes humains.
En général, la filmographie de Luis Buñuel se démarque par un goût prononcé pour les situations étranges, avec un humour corrosif et une critique incisive des comportements bourgeois. Sa critique n’a ménagé ni la religion, et le clergé catholique en particulier, ni l’érotisme, ni la dépendance de la femme, ni le fétichisme de l’homme, ni l’hypocrisie bourgeoise. Le tout étant enveloppé dans un style sarcastique et satirique percutant. Il explicite lui-même ses choix esthétiques et thématiques en précisant que « La liberté est un fantôme. Cela je l’ai pensé sérieusement et je le crois depuis toujours. C’est un fantôme de brume. L’homme le poursuit, croit l’attraper, et il ne lui reste qu’un peu de brouillard dans les mains ».
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE LUIS BUNUEL (LM)
« L’âge d’or » (1930) ; « Terre sans pain » (1933) ; « Le grand Casino » (1947) ; « Le grand noceur » (1949) ; « Los olvidados » (1950) ; « Susana la perverse » (1951) ; « Une femme sans amour » (1952) ; « La montée au ciel » (1952) ; « Tourments » (1953) ; « Les aventures de Robinson Crusoé » (1954) ; « Les hauts de Hurlevent » (1955) ; « La vie criminelle d’Archibald de la Cruz » (1955) ; « Cela s’appelle l’aurore » (2016) ; « Nazarin » (1959) ; « La jeune fille » (1960) ; « Viridiana » (1961) ; « L’Ange exterminateur » (1962) ; « Le journal d’une femme de chambre » (1964) ; « Simon du désert » (1965) ; « Belle de jour » (1967) ; « La voie lactée » (1969) ; « Tristana » (1970) ; « Le charme discret de la bourgeoisie » (1972) ; « Le fantôme de la liberté » (1974) ; « Cet obscur objet du désir » (1977).