économie
Déclaration préliminaire de Lahlimi concernant l’emploi
Le Haut Commissaire au Plan a fait, mercredi dernier, une déclaration préliminaire à la presse au sujet de l’emploi et de la valeur ajoutée dans certaines activités économiques, dont voici le texte intégral
Mesdames, Messieurs
Le 5 Février 2018, lorsque nous avions publié les résultats préliminaires de la situation du marché du travail dans notre pays pour l'année 2017, nous avions annoncé notre décision d'organiser une rencontre entre le 5 et le 9 Mars 2018, pour présenter la panoplie de réformes introduites dans l’Enquête Nationale sur l’Emploi pour éclairer, davantage, par de nouvelles données sur le marché du travail, les décideurs publics, aux échelles nationale et régionale, et contribuer, ainsi, à une politique plus efficiente de l’emploi dans notre pays.
Nous nous sommes, alors, si vous vous en souvenez, exprimés ainsi : « L’ensemble des résultats concernant l’année 2017, dont une partie est en cours d’exploitation, seront présentés, lors d’une rencontre, qui sera organisée par le Haut Commissariat au Plan entre le 5 et 9 Mars 2018 ».
Avec quelques jours de retard, nous sommes au rendez-vous et nous vous remercions, Mesdames et Messieurs, de votre présence parmi nous à cette rencontre, comme vous l’avez toujours aimablement fait, en réponse à nos invitations.
En fait, malgré ce retard, nous n'allons présenter qu'une partie des réformes et de la masse de données qu’elles permettront, dorénavant, à l’Enquête Nationale sur l'Emploi, de fournir périodiquement. Ces réformes ont, en effet, demandé un long et difficile travail, dans un contexte où les cadres du Haut Commissariat au Plan étaient engagés dans divers travaux, à caractère national ou international.
La statistique constitue une discipline sérieuse et exigeante. Elle demande, comme vous le savez, de l'expertise, mais aussi de la vigilance sur le respect des normes internationales, qui connaissent, elles-mêmes, un processus constant d'enrichissement qu’il faut suivre et auquel nous nous attelons, autant que possible, à contribuer. Comme vous vous en doutez, cela implique beaucoup de préparations et une présence assidue, d’autant plus contraignantes, que nous travaillons dans un contexte d'exiguïté chronique des ressources humaines et matérielles requises à cet effet.
Nous mesurons, cependant, d’autant plus le niveau de responsabilité qui nous incombe dans ce domaine, que nous sommes conscients qu'une information exhaustive sur le marché du travail ne peut avoir d’autres sources alternatives crédibles, dans l’état actuel des normes et des pratiques internationales d'une part, et du niveau de développement, dans notre pays, des institutions sociales compétentes, d'autre part, que l’Enquête Nationale sur l’Emploi et ceux, au regard de l’importance de l’échantillon et de la durée que couvre sa réalisation, ainsi qu’au regard des outils conceptuels et méthodologiques de collecte, d'exploitation et d'analyse de ses résultats.
La réelle considération, dont jouit le Haut Commissariat au Plan, au double niveau national et international, trouve sans doute une large partie de sa justification mais aussi, il faut le dire, une des conditions de sa pérennité, précisément dans notre souci permanent d'assortir notre indépendance institutionnelle de l’exigence d’une conformité de tous nos travaux aux normes internationales, celles édictées par la Commission Statistique des Nations Unies où notre participation dynamique est reconnue par tous, ou celles exigées par notre adhésion à la Norme Spéciale de Diffusion de Données (NSDD), grâce à laquelle nous figurons sur le site du FMI ou encore celles sur lesquelles se fondent les multiples partenariats entre le Haut Commissariat au Plan et les organisations régionales et internationales, en particulier l’Union Européenne et la Banque mondiale.
C’est dans ces conditions que la conformité de nos travaux aux normes internationales ne se limite pas à l’Enquête Nationale sur l’Emploi, mais s'étend à tous les domaines des études et enquêtes économiques, sociales et démographiques que nous réalisons et, bien entendu, à la Comptabilité Nationale dont la rigueur constitue un impératif de souveraineté nationale, en ceci qu'elle représente, aux yeux du monde, l'image de référence de l'économie nationale dont elle décline les structures dans toutes les dimensions de la production, de l’investissement, de la consommation, des échanges, des revenus et de l’épargne, de la répartition des richesses etc.
Dans ce domaine, il n’y a guère non plus d’autres méthodes crédibles de mesure de ces agrégats économiques que celles fixées et adaptées en permanence aux évolutions des réalités économiques par le "Système de Comptabilité Nationale des Nations Unies", et auxquelles souscrivent tous les Etats membres de la communauté internationale, y compris notre pays. La crédibilité des comptes nationaux à travers le Monde et dans toutes les évaluations effectuées par les organisations compétentes régionales et internationales, est jugée à l'aune de leur conformité aux dispositions de ce système. Ce n’est donc pas fortuit que le FMI dépêche, chaque année, au HCP, deux missions d'experts, pour examiner les travaux de la Comptabilité Nationale et s’informer sur nos prévisions économiques basées, comme vous le savez, sur des tableaux de synthèse issus de cette dernière.
La Comptabilité Nationale a des règles précises aussi bien pour classer les entreprises par activité selon la source principale de leur valeur ajoutée et les activités elles-mêmes par branche et secteur économique selon les dispositions universelles de la nomenclature des activités des Nations Unies telle qu’elle a été adoptée officiellement par le Maroc. De même, la définition et la mesure de la valeur ajoutée produite par une entreprise ou une branche d’activité obéissent, dans la Comptabilité Nationale, à une approche conceptuelle et un mode de calcul rigoureux qui ne sont pas ceux des comptes financiers d’entreprises, ni ceux que donnent directement les enquêtes économiques que nous réalisons nous-mêmes ou que réalisent les différents départements ministériels ou autres institutions dans tel ou tel secteur d’activité.
Les sources des données traitées par la Comptabilité Nationale sont, en effet, multiples. Elles comprennent, entre autres, les enquêtes de structure économique réalisées par le Haut Commissariat au Plan et qui constituent la référence de base ou encore celles à caractère annuel ou trimestriel prises en charge par la même institution ou par d’autres départements ministériels, comme l’agriculture ou l’industrie, ou occasionnellement par d’autres départements, sans omettre les données fournies par des producteurs d’information économique, publics ou privés, tels que l’Office des Changes, la CNSS, l’OCP, l’ONCF et d’autres.
La Comptabilité Nationale, destinataire de ces données, procède, après les opérations nécessaires de cohérence, à la détermination de la valeur ajoutée des activités concernées et à leur classement dans les branches ou les secteurs économiques qui leur correspondent dans la nomenclature nationale. A titre d’exemple, une entreprise ou un groupe d’entreprises ne peuvent être considérés comme industriels que si la plus grande part de leur valeur ajoutée globale est produite par une activité industrielle. Elles peuvent, cependant, avoir d’autres activités à caractère minier, commercial ou de service et, dans ce cas, les parties correspondantes de leur valeur ajoutée devraient être respectivement classées dans les secteurs des mines, du commerce ou des services.
C’est pour toutes ces considérations qu’aucun expert national ou international ne peut comprendre que chaque institution à vocation officielle classe, à son gré, les entreprises relevant de son domaine d’attribution selon une nomenclature qui lui est propre et calcule leur valeur ajoutée sur la base des données fournies par leurs états financiers et comptables. C'est afin d'éviter d’éventuels dysfonctionnements de cette nature, que toutes les enquêtes économiques prises en charge par nos partenaires institutionnels nationaux sont soumises à un accord préalable avec la Comptabilité Nationale autant sur leur approche méthodologique que sur le contenu et la taille de leur échantillon, les modalités de leur réalisation et la présentation de leurs données.
C’est également pour ces raisons, que serait considérée comme inadmissible, voire potentiellement attentatoire à l'intérêt national, toute décision unilatérale prise par une source institutionnelle de s’abstenir de produire ou de fournir à la Comptabilité Nationale, en totalité ou en partie et selon les normes convenues, les résultats d'enquêtes dont elle a la charge.
Mesdames, Messieurs,
Il m'a été donné d’apprendre par les propos relatés par des médias qu’une institution officielle s’inscrit dans une démarche qui risquerait de consacrer de telles pratiques. Je n’aborderais pas, si vous le permettez, aujourd’hui, cette question pour ne pas nuire, au plan de la communication, à la richesse de l’Enquête Nationale sur l’Emploi, objet de notre rencontre. Je vous promets, cependant, de le faire au cours d’une journée « portes ouvertes » qui sera organisée, dans quelques jours, par notre institution, pour apporter, avec le plus grand souci possible de transparence et de franchise, tous les éclaircissements que vous souhaiterez avoir.
Je dois, cependant, vous dire, que j’ai, néanmoins, considéré opportun de donner d’abord à notre réaction à ces déclarations, un caractère institutionnel en portant à la connaissance de Monsieur le Chef du Gouvernement, au cours d’une audience qu’il a bien voulu m’accorder hier, nos appréhensions au sujet des déclarations officielles concernées et les risques auxquels sont exposés, dans le court terme, les comptes nationaux et régionaux selon les normes consacrées par la pratique nationale et internationale.
Permettez-moi à la fin de cette allocution de la couronner par une déférente référence à deux extraits du message que Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu Le Protège, a adressé, le 20 octobre 2010, aux participants à la rencontre scientifique organisée à l'occasion de la célébration de la Journée Mondiale de la Statistique.
Le premier extrait stipule :
«………La statistique est considérée comme un outil méthodologique incontournable pour évaluer les politiques publiques et les ajustements à y apporter le cas échéant. Mieux encore, au vu des tâches qu’elle accomplit aujourd’hui, la statistique s’apparente à un véritable service public auquel la globalisation de l’économie et des valeurs a conféré une portée internationale. C’est pourquoi il est nécessaire d’en cerner les concepts avec rigueur, de veiller à la transparence de ses méthodes et de s’assurer de la plus large diffusion possible des résultats issus des travaux statistiques. Il est également indispensable de s’attacher au respect des normes et des pratiques consacrées par les organisations régionales et internationales compétentes. »
Le second extrait appelle, ainsi, à l’ordre tous ceux qui veulent bien en tenir compte :
« …….Nous invitons toutes les administrations, les entreprises, les organismes professionnels et les structures de la société civile, tous secteurs confondus, à intensifier la coordination et la collaboration avec les organismes officiels de statistique et à institutionnaliser ces efforts. Il est également impératif de faciliter la mise à la disposition de la statistique institutionnelle, de l’ensemble des données financières, économiques et sociales détenues par les différentes sources publiques et privées. »
Espérons que l’imminente teneur de ces instructions royales nous rappellera que, au-delà des exigences scientifiques et éthiques, l’objectivité des normes dans nos travaux dans toute évaluation participe d’une exigence supérieure, celle du devoir national.