La grande « fitna »

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couv-fitna La destruction de nombre de soci?t?s arabes et musulmanes se poursuit. Outre la Palestine, les drames ne cessent de s?accumuler?: Irak, Syrie, Libye, Y?men, Afghanistan, Soudan, Somalie J?emprunte ce titre, dans son esprit, ? Hichem Dja?t qui a ?crit, en 1989, ??La Grande Discorde. Religion et politique dans l?Islam des origines??. Il y d?crit cinq ann?es, de la seconde moiti? du califat de ?Uthm?n ? l?assassinat de ?Ali, de crise de la Umma islamique et de guerres civiles qui ont abouti aux schismes qui ont marqu? ? jamais le monde musulman. Le Levant est l?espace qui a connu le plus de bouleversements. Ainsi, et beaucoup plus tard, la d?couverte du p?trole dans la r?gion a men? ? des manipulations territoriales qui ont d?truit les anciens ?quilibres tribaux, sans que les entit?s ?tatiques cr??es dans le sillage de l?accord Sykes-Picot de 1916, n?aient acquis une immunisation contre l?instabilit? et la fragilit?. L?histoire de l?Irak, de la Syrie et du Liban, pour ne citer que ces cas, le montre assez bien. Par ailleurs, l?abrogation du Califat par l?Assembl?e turque en 1924 a cr?? une nouvelle situation ? laquelle les congr?s islamiques de 1926 et de 1931 n?on pu rem?dier?: ils n?ont pas permis le r?tablissement de l?institution califale. La mise en place de l?Organisation de la Conf?rence Islamique en 1969, ? la suite de l?incendie de la Mosqu?e Al-Aqsa, est fort ?loign?e du mod?le califal. C?est cette instabilit? cong?nitale, aggrav?e r?cemment par l?intervention am?ricaine en Irak, par les la guerre civile en Syrie et le renforcement du r?seau terroriste jihadiste Daich/Al-Qa?da, qui a recr?? les conditions d?une nouvelle Fitna. Celle-ci intervient ? un moment o? le ??printemps arabe?? a ?branl? les fondements de nombre de pouvoirs dans la r?gion et o? les activit?s du r?seau jihadiste d?bordent de plus en plus sur le reste du monde et cr?ent une v?ritable psychose. N?anmoins mon propos est beaucoup plus modeste que celui de Hichem Dja?t?: il pose des questions d?actualit? br?lante auxquelles il n?y a pas de r?ponses ?videntes. Un constat s?impose aujourd?hui?: celui de l?acc?l?ration de la destruction de nombre de soci?t?s arabes et musulmanes. Si le cas de la Palestine demeure une blessure dans la conscience des Arabes, voire du monde, et un probl?me douloureux toujours e de plus en plus d?actualit??; les drames ne cessent de s?accumuler ailleurs?: l?Irak, la Syrie, la Libye, le Y?men?; sans oublier l?Afghanistan, le Soudan, la Somalie. L?Afrique subsaharienne a sa part ? travers les actions men?es par AQMI (Al-Qa?da dans le Maghreb islamique) dans le Sahel?; Boko Haram s?vit au Nig?ria et dans les pays voisins. Le plus souvent certaines situations sont imput?es ? des immixtions ?trang?res. C?est vrai dans beaucoup de cas?: soif de territoires et exclusivisme isra?liens, ravitaillement des puissances industrielles en p?trole, comp?titions strat?giques entre superpuissances, etc. Ceci a ?t? cependant possible parce que les pays en cause et leurs dirigeants ont, d?une mani?re ou d?une autre, pr?t? le flanc. Mais le p?ril est d?sormais dans la maison arabo-musulmane?: le terrorisme et l?expansionnisme de l?intol?rance sous forme de structures proto-?tatiques. Bien que l?on puisse s?interroger sur la viabilit? de ces aventures, le processus de destruction-remembrement de certaines soci?t?s arabes est r?el et il est en train de d?chirer le corps de nombre de ces soci?t?s. Il fonde sa l?gitimit? sur l?islam. Le probl?me c?est que n?importe qui peut s?improviser en unique d?tenteur de la foi et de l?orthodoxie islamiques. Il est vrai que l?intol?rance des pr?tendants jihadistes et la terreur qu?ils exercent au nom de l?islam les distinguent des croyants qui cherchent uniquement le salut de l??me. Mais le monde cultive un rejet qui englobe les bons et les autres. Eu ?gard ? la multiplication des foyers de Daich et aux multiples all?geances des membres des autres groupes extr?mistes ? ce nouvel ??organisme??, il faut croire que cette dynamique est inscrite dans le sens d?une propagation rapide, si des solutions ne sont pas adopt?es. Mais lesquelles et par qui peuvent-elles ?tre pens?es et mises en ?uvre?? Les interventions ?trang?res?? Elles ont plut?t pr?cipit? les pays secourus dans le chaos, sous pr?texte de d?mocratiser ou de reconstruire les structures ?tatiques d?faillantes. Les cas de l?Irak et de la Libye sont tristement ?loquents. Mais ils sont loin d??tre les seuls. Des mouvements internes?? Le sursaut des soci?t?s arabes lors de ce qui est convenu d?appeler le ??printemps arabe?? s?est transform? pour certains pays et peuples en cauchemar qui tend ? se prolonger sous diff?rents et interminables ?pilogues. On peut ?tre enclin ? penser que cette nouvelle fitna n?est que le r?sultat des convulsions qui accompagnent les transitions vers d?autres mod?les de soci?t?s. Mais lesquelles?? Est-ce que le monde occidental qui subit certains d?bordements de ces convulsions va se laisser faire et laisser le temps aux changements de se r?aliser sans immixtion ?trang?re?? La r?ponse est non. D?j?, apr?s les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le terrorisme islamiste et la d?faillance de certains Etats comme l?Afghanistan ont ?t? point?s du doigt par les pays occidentaux et ont pouss? ceux-ci ? d?clencher une guerre totale contre le terrorisme d?Al-Qa?da. Mais cette guerre a d?truit la soci?t? afghane sans ?radiquer le terrorisme. Ce qui se passe aujourd?hui est plus grave et est susceptible de toucher beaucoup plus de soci?t?s arabes. Car la d?stabilisation rampante du monde arabe est de nature ? provoquer des r?actions de plus grande envergure sous le motif d?une atteinte du plus haut degr? ? la paix et ? la s?curit? internationales. Certains pays occidentaux consid?rent qu?ils sont d?ores et d?j? en guerre contre la menace terroriste islamiste. Mais jusqu?? quand ces pays vont continuer ? faire la distinction entre islam et islamisme?? D?j?, dans les soci?t?s occidentales touch?es par des attentats ou dont les ressortissants ont ?t? ex?cut?s par Daich, l?amalgame est fait et les musulmans qui y vivent sont oblig?s de raser les murs. Si une analyse rapide va dans le sens de l?imputation de ce qui se passe ? Daich, ? Al-Qa?da, aux Chebab, aux Talibans, etc.?; on ne peut s?emp?cher de conclure que, en r?alit?, ce sont plus les cons?quences que les causes premi?res du drame que vivent les soci?t?s arabes, voire le monde musulman. On peut alors s?interroger sur l?origine de la mal?diction qui enserre cette partie du monde. La fragilit? cong?nitale des structures ?tatiques, la marginalisation des populations, la nature de la gouvernance et sa d?faillance, la proximit? du politique avec la religion et la manipulation de celle-ci tout au long de l?histoire du monde musulman, la d?pendance tout azimut ? l??gard des grandes puissances et leur jeu visant essentiellement ? maintenir leurs privil?ges ?conomiques, strat?giques et autres? sont des donn?es structurelles li?s aux probl?mes auxquels la plupart des soci?t?s arabo-musulmanes sont aujourd?hui confront?es. Mais cela n??puise ?videmment pas la question. Il est vrai qu?il existe de nos jours un fort regain de religiosit? dans le monde musulman. C?est tout ? fait l?gitime. Le probl?me vient du fait qu?il existe aussi une mosa?que prot?iforme des lectures du Coran et de la Sunna. Qui d?cide alors de l?orthodoxie de ces lectures?? L?encadrement de la pratique religieuse par les pouvoirs nationaux est certes n?cessaire pour ne pas laisser les extr?mistes seuls sur le terrain. Mais cela cr?e inexorablement une surench?re propagandiste contre laquelle les pouvoirs locaux ne sont pas forc?ment bien arm?s. Mais, dans tous les cas de figure, la prise en main des questions religieuses doit ?tre accompagn?e par un train de r?formes pour d?velopper la d?mocratie, la juste r?partition des richesses nationales, l?instruction et l??ducation civique afin de permettre aux populations de se prot?ger contre les marchands de religion. Par ailleurs, une coop?ration interislamique devrait mener ? une vision concert?e afin de d?fendre un tant soit peu l?islam contre le danger de l?intol?rance. Mais, ? long terme, peut-on vraiment envisager la cohabitation pacifique du monde musulman avec le reste de la plan?te sans une formule suis generis de s?paration entre la religion et la politique. Un processus semblable, qualifi? en Occident de la?cit?, semble ne pas enthousiasmer le monde musulman. Celui-ci n?est pas appel? ? le reproduire, m?me s?il le pouvait. Pour m?moire, beaucoup d?intellectuels arabes ont essay? de d?montrer que la la?cit? n?est pas l?ath?isme?!