Affaire Khashoggi: un verdict décrié à Paris pas à Washington

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Le verdict exonérant de proches conseillers du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi a été largement décrié comme une parodie de justice essentiellement en Europe et à Qatar, à la différence de Washington qui considère que le verdict est un pas important.

Cinq personnes ont été condamnées à mort et trois autres à des peines de prison totalisant 24 ans pour l'assassinat du chroniqueur du Washington Post en octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul.

Critique du régime saoudien après en avoir été proche, le journaliste a été étranglé et son corps découpé en morceaux par une équipe de 15 hommes venus de Ryad, selon les responsables turcs. Ses restes n'ont jamais été retrouvés.

Le verdict communiqué lundi marque une volonté de Ryad de tourner la page de l'une de ses pires crises diplomatiques, qui a terni l'image du prince héritier, soupçonné d'avoir commandité le meurtre, et mis sous les projecteurs le bilan du royaume en matière de droits humains.

Contrastant ces condamnations, un haut responsable américain a déclaré lundi que les verdicts rendus par Ryad constituaient "un pas important pour faire payer tous ceux qui sont responsables de ce crime terrible".

"Nous avons encouragé l'Arabie saoudite à engager un processus judiciaire juste et transparent et nous continuerons à le faire", a-t-il ajouté, se contentant de demander encore "plus de transparence" à ce proche allié de l'administration de Donald Trump.

L'Union européenne a elle réaffirmé mardi la nécessité de poursuivre "tous les responsables".

Après avoir donné plusieurs versions, les autorités de Ryad avaient admis que ce meurtre avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls et sans ordre de hauts dirigeants.

 "Audiences secrètes" 

Le ministère turc des Affaires étrangères a de son côté estimé que le verdict était "loin de répondre aux attentes de notre pays et de la communauté internationale".

"Le tribunal saoudien a rendu un verdict scandaleux après des mois d'audiences secrètes", a renchéri sur Twitter le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun.

Agnès Callamard, rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions sommaires, a affirmé que le meurtre était "une exécution extrajudiciaire" dont l'Arabie saoudite était "responsable".

Auteure d'un rapport accablant sur les liens du prince héritier avec ce crime, l'experte française a poursuivi: "les hommes de main sont coupables, condamnés à mort. Les têtes pensantes sont non seulement libres, mais n'ont presque pas été touchées par l'enquête et le tribunal. C'est l'antithèse de la Justice. C'est un parodie".

Le tribunal de Ryad n'a ainsi retenu aucune accusation contre Saoud al-Qahtani, un proche conseiller du prince héritier. L'ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, a été acquitté.

Ces deux hommes étaient pourtant considérés comme les principaux suspects. Des responsables turcs ont, à plusieurs reprises, affirmé que l'ordre de tuer le journaliste avait été donné par le cercle rapproché du prince ben Salmane.

"Un procès à huis clos dans une monarchie absolue sans procédure régulière n'est ni juste ni transparent", a commenté Tamara Cofman Wittes, du Brookings Institution.

En Arabie saoudite, l'acquittement de M. Qahtani a été salué par des personnalités saoudiennes sur les réseaux sociaux.

A l'inverse, aux Etats-Unis, le verdict a été critiqué par certains élus. "Toute amélioration sérieuse de nos relations bilatérales exige justice et responsabilité", a dit le sénateur Angus King.

"Entre le secret qui a entouré la procédure et le fait qu'on ne semble pas tenir compte du rôle que le principal assistant du prince héritier, Saoud Al-Qahtani, a joué dans le meurtre (...) le verdict ne semble pas répondre à ces critères", a-t-il ajouté.

Des sources proches du dossier ont indiqué que beaucoup des accusés avaient affirmé avoir exécuté les ordres du général Assiri, le décrivant comme le "chef de file" de l'opération.

Les condamnés peuvent faire appel.

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