Algérie : des dirigeants algériens lâchent Bouteflika

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Les dirigeants algériens qui ont tour à tour lâché Abdelaziz Bouteflika sauront vendredi 29 mars, qui s'annonce comme une nouvelle journée test de grandes manifestations, si leur proposition de mise à l'écart du président suffit à apaiser la contestation populaire.

En prônant mardi 26 mars la mise en oeuvre de mécanismes constitutionnels pour écarter M. Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée depuis 15 ans et jusque-là soutien indéfectible du président, a rapidement rallié à sa cause l'essentiel de ceux qui étaient les plus zélés prosélytes du chef de l'Etat.

Le chef d’état major de l’armée algérienne a demandé la destitution du président Bouteflika. Lors d’un discours accordé à la chaîne publique algérienne A3, Gaid Salah a demandé l’application de l’article 102 de la Constitution. Cet article stipule que la destitution du chef de l’Etat en cas d’empêchement de l’exercice de ses fonctions.

Ceux qui, pendant des mois, ont poussé la candidature du président Bouteflika à un 5e mandat, détonateur de la contestation, s'en écartent désormais.

Après le patron de l'armée, c'est le Rassemblement national démocratique (RND), pilier de la majorité, qui a lâché Abdelaziz Bouteflika, par l'intermédiaire de son patron, Ahmed Ouyahia. Encore Premier ministre il y a moins d'un mois, celui-ci a demandé au chef de l'Etat de démissionner.

Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, principale centrale syndicale du pays, qui chantait il y a peu encore les louanges du président, se range désormais derrière la proposition du général Gaïd Salah.

Quant au patron des patrons, Ali Haddad, proche de M. Bouteflika, s'il n'a pas rompu son allégeance, il semble perdre le contrôle du Forum des chefs d'entreprises (FCE), principale organisation patronale devenue un instrument de soutien politique au chef de l'Etat et d'appui au 5e mandat.

Ceux qui "l'ont soutenu dans toutes ses décisions et ont applaudi toutes ses déclarations (...) sont aussi les premiers à le poignarder dans le dos: Bouteflika n'est pas encore complètement tombé qu'ils se précipitent pour accélérer sa chute", note le site indépendant Tout sur l'Algérie (TSA), dénonçant le "système dans toute sa laideur".

Seul le Front de libération nationale (FLN), l'ancien parti unique majoritaire à l'Assemblée, n'a pas encore déserté, mais les dissidences s'y font de plus en plus entendre.

Le départ de M. Bouteflika "est à présent entre les mains du Conseil constitutionnel, seule institution formellement habilitée à enclencher" la procédure proposée par le général Gaïd Salah, permettant de déclarer le chef de l'Etat inapte pour cause de "maladie grave et durable", à moins que celui-ci démissionne, écrit jeudi El Moudjahid.

Reste à savoir si l'éventuelle mise à l'écart du président, très affaibli depuis 2013 par les séquelles d'un AVC, suffira à calmer la contestation, à la veille d'un 6e vendredi consécutif de contestation, et à un mois de l'expiration constitutionnelle de son mandat actuel.

Pour le quotidien arabophone, vendredi s'affichera comme "le véritable thermomètre" et sera "l'occasion de découvrir" si la proposition de mettre à l'écart le chef de l'Etat "a fissuré ou non la mobilisation". La semaine dernière, ils avaient été des centaines de milliers de personnes à descendre dans les rues des villes du pays.

Après le plus haut gradé de l'armée, d'autres fidèles ont continué de lâcher mercredi Abdelaziz Bouteflika, affaibli par la maladie et contesté par la rue, en tête desquels l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia qui a réclamé la démission du président algérien.

Cible depuis le 22 février d'une contestation sans précédent en deux décennies de pouvoir, née de sa candidature à un 5e mandat, M. Bouteflika est toujours en fonctions et son sort n'est pas scellé.

Il peut refuser de démissionner et le Conseil constitutionnel - dont le président est un autre proche du chef de l'Etat - est le seul à pouvoir enclencher la procédure prévue à l'article 102 de la Constitution, permettant d'écarter le président en cas de "maladie grave et durable".

Mais il semble de plus en plus isolé et privé de soutiens, face à une mobilisation populaire qui ne faiblit pas.

En cas de départ, la Constitution charge de l'intérim Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la Nation (chambre haute), 77 ans et membre du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika.

Mercredi, le coup est d'abord venu du RND et de son secrétaire général, Ahmed Ouyahia, un fidèle qui fut trois fois Premier ministre de M. Bouteflika et qui l'était encore il y a quelques semaines.

Dans un communiqué, le RND et M. Ouyahia, qui n'avaient pas ménagé leurs appels à un 5e mandat du chef de l'Etat, "recommandent la démission du président de la République (...) dans le but de faciliter la période de transition".

C'est ensuite le patron de la centrale syndicale UGTA (Union nationale des travailleurs algériens), Abdelmadjid Sidi Saïd, jusqu'ici laudateur acharné de M. Bouteflika, qui a "salué" l'appel du chef d'état-major de l'armée à écarter le président.

Le général Ahmed Gaïd Salah, qui était jusqu'à peu encore un autre soutien indéfectible de M. Bouteflika, avait proposé mardi, pour sortir de la crise, la mise en oeuvre de l'article 102 qui organise également l'intérim en cas de démission du président.

Une proposition également accueillie par le RND qui "rend hommage à Abdelaziz Bouteflika, pour tout ce qu'il a fait pour l'Algérie".

Mercredi, lors d'une nouvelle visite à des unités sur le terrain, le général Gaïd Salah a assuré que l'armée ne s'écarterait "jamais" de ses "missions constitutionnelles".

L'armée "saura, en temps opportun, privilégier l'intérêt de la patrie sur tous les autres intérêts. Et quel intérêt serait au-dessus de celui de la Nation?", a-t-il néanmoins ajouté, manière sibylline d'accentuer la pression sur l'entourage du président Bouteflika.

Car le temps presse. S'il a renoncé à briguer un 5e mandat, M. Bouteflika a aussi reporté sine die la présidentielle, initialement prévue le 18 avril et désormais censée se tenir après une "Conférence nationale" chargée de réformer le pays et d'élaborer une nouvelle Constitution.

Ce faisant, il a prolongé de fait son actuel mandat au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril, pour une durée indéterminée. Une solution rejetée par les manifestants et jugée inconstitutionnelle par les observateurs.

Dans les rues du centre d'Alger, où défilent chaque vendredi des cortèges gigantesques pour demander le départ de M. Bouteflika, de son entourage et du "système", les efforts de mise à l'écart du chef de l'Etat laissent largement circonspects.

Mercredi matin encore, quelques centaines de chercheurs se sont rassemblés sur le parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans la capitale, pour chanter "Y en marre de ce pouvoir".

Le patron de la chaîne télé Echorouk arrêté 

Dans la foulée de ces incidents, le patron du groupe Echorouk, Ali Fodil a été arrêté, ce jeudi 28 mars à Alger. L’information a été rapportée par la chaîne de télévision privée.

« L’arrestation du PDG du groupe Echorouk, par des autorités sécuritaires, intervient au lendemain de ses déclarations sur la corruption qui gangrène les institutions du pays », selon le site d’informations.  

Et d’ajouter que « Ali Fodil a été arrêté devant son domicile familial, dans la commune de Kouba, lorsqu’il se dirigeait vers le groupe », poursuit-on.

Lors d’une émission animée dans la soirée du mardi 26 mars, en présence du porte-parole du RND, Saddik Chihab, Ali Fodil a accusé, les frères du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd notamment, de corruption et « d’avoir permis à de hommes d’affaires d’obtenir des crédits ».