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Allemagne : Une extrême droite propulsée dans les sondages, mais isolée politiquement
Un salut nazi et une pancarte l’Allemagne d’abord à une manifestation de l’extrême droite germanique
Par Mohammed Rida BRAIM – Bureau de MAP à Berlin
Berlin - À six semaines des élections législatives anticipées en Allemagne, le parti de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) se sent pousser des ailes à la faveur des sondages d’opinion qui continuent de le donner 2e force politique du pays, mais reste toutefois fortement rejeté par les autres formations politiques, qui écartent l’idée d’une alliance avec ce parti de l’extrême droite.
La fragmentation du paysage politique allemand laisse présager d’âpres négociations pour la formation d’un gouvernement de coalition. Aucun parti n’étant en mesure d’atteindre la majorité absolue pour former seul un gouvernement, selon les sondages d’opinion.
L’Autriche, une alerte pour l’Allemagne
La montée en puissance de l’AfD, pourtant isolée politiquement, suscite de vives inquiétudes en Allemagne, pays souvent perçu comme un "îlot de paix" ouvert et tolérant, qui, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, a toujours été à l’abri des extrêmes, au sein d’une Europe où plusieurs pays sont tombés dans les griffes de l’extrême droite, comme l’Italie, les Pays-Bas ou la Hongrie. En Autriche voisine, l’éventualité de l’arrivée au pouvoir d’une coalition dirigée par l’extrême droite est perçue comme une alerte en Allemagne.
Les leaders de partis politiques allemands ne ratent aucune occasion pour marquer leurs positions contre toute alliance avec l’AfD. C’est le cas à titre d’exemple de Friedrich Merz, président de la CDU (Union chrétienne-démocrate) et candidat à la chancellerie, qui a réaffirmé clairement et à plusieurs reprises son opposition catégorique à toute collaboration avec l’AfD. Le chancelier sortant Olaf Scholz du SPD (social-démocrate), confirmé par son parti candidat à sa propre succession, y voit lui "une menace pour la démocratie" en Allemagne, une position partagée également par les Verts.
Si l’AfD, formée il y a à peine 12 ans, se targue d’une 2e position dans les sondages d’opinion avec 20% des intentions de vote, l’Union historique CDU-CSU continue d’occuper la 1re place avec 31%, au moment où le SPD a perdu beaucoup de sa popularité. Il arrive en 3e position dans les sondages avec 15%, talonné de près par les Verts (14%).
La coalition gouvernementale menée par le SPD était formée avec le parti des Verts et les libéraux du FDP. Ce dernier parti, grand perdant de la crise politique actuelle, risque de ne pas atteindre le seuil de 5% des voix pour s’assurer des sièges au Bundestag. Il n’est crédité par les sondages d’opinion que de 4% des intentions de vote à quelques semaines du scrutin.
L’intrusion d’Elon Musk
La coalition gouvernementale a cédé en novembre dernier sous le poids de différends profonds, notamment sur les modalités de la relance économique. L’Allemagne, première puissance européenne, a enregistré en 2024 une deuxième année consécutive de récession, exacerbant les problèmes sociaux, notamment la hausse du coût de la vie, qui a plongé de larges pans de la population dans la précarité.
Ces difficultés socio-économiques, aggravées par la guerre russo-ukrainienne, sont venues grossir les rangs des mécontents dans le pays, que BSW, un parti de l’extrême gauche, nouvellement formé, tente de rallier à sa cause, divisant encore davantage le paysage politique allemand. BSW pointe au seuil des 5% des intentions de vote dans les sondages, nourrissant l’espoir d’une entrée au Bundestag.
Dans ce contexte, la campagne électorale gagne en intensité à l’approche du scrutin anticipé du 23 février. Les différents partis en lice multiplient les congrès et les sorties médiatiques tonitruantes pour convaincre les 59,2 millions d’électeurs allemands sur plusieurs sujets sensibles tels que la question migratoire, les positions géopolitiques du pays ou la relance économique.
À ces trois sujets brûlants, qui focalisent déjà l’attention en Allemagne, vient s’ajouter un élément nouveau : le soutien affiché par le milliardaire américain Elon Musk à l’AfD. Cette prise de position s’est imposée comme un sujet de débat dans une campagne électorale déjà sous tension, suscitant la désapprobation de l’ensemble de la classe politique allemande.