Battir, site palestinien classé à l'UNESCO, menacé par la colonisation israélienne

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Des enfants palestiniens jouent dans une fontaine de l'époque romaine à Battir, un village classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en Cisjordanie occupée au sud de Jérusalem, le 8 juillet 2024. De jeunes colons israéliens construisent un nouvel avant-poste illégal dans la zone protégée par l'UNESCO. Ce qui inquiète les habitants de Battir, c'est la future colonie de Heletz, qui fait partie des cinq colonies « au plus profond du territoire palestinien ».  (Photo de Zain JAAFAR / AFP)

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Par Louis BAUDOIN-LAARMAN (AFP)

Du haut de sa colline, Ghassan Olayan voit très bien les "ennuis" arriver : Israël vient de donner son feu vert à l'implantation d'une colonie sur les terres avoisinant son village palestinien de Battir, connu pour ses terrasses agricoles classées au patrimoine de l'Unesco.

Le natif du village, promoteur intarissable de ce site antique au sud de Jérusalem, a vu dès décembre des colons israéliens monter un avant-poste sur la colline qui fait face au village, elle comprend également dans ce site classé de Cisjordanie occupée.

Olayan Olayan, né dans le village de Battir en 1941, surplombe une vallée dans laquelle un nouveau poste de colons israéliens est en train d'être construit, comme le montre cette photo prise à Battir, un village classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en Cisjordanie occupée au sud de Jérusalem, le 8 juillet 2024. De jeunes colons israéliens construisent un nouveau poste de colons illégal dans la zone protégée par l'UNESCO. (Photo de Zain JAAFAR / AFP)

"Ils veulent couper Battir de Bethléem", seulement cinq kilomètres plus à l'est, se désole M. Olayan, 61 ans, tout en montrant les terrasses soutenues par des murets de pierre sèche qui échelonnent des collines en escalier verdoyantes, ayant offert à la vallée agricole d'être classée au patrimoine mondial de l'humanité en 2014.

En cet après-midi de juillet, quelques jours après la légalisation de cinq avant-postes de colonies annoncée le 28 juin par le ministre des Finances israélien Bezalel Smotrich (colon d'extrême droite partisan de l'annexion de la Cisjordanie occupée), des Les enfants jouent dans une fontaine antique qui régule l'irrigation vers les parcelles de tomates, d'aubergines ou encore d'oliviers.

Sur une colline toute proche, des colons, marteaux et perceuses en main, ont déjà construit des habitations en préfabriqué et une bergerie.

Si toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie sont jugées illégales au regard du droit international par l'ONU, les avant-postes sont également installées en violation de la loi israélienne car établie sans autorisation des autorités.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967. Environ 490.000 Israéliens vivent dans ces colonies, au milieu de trois millions de Palestiniens.

"Empêcher un Etat palestinien" 

Ce n'est pas la première fois que M. Olayan voit des colons tenter de s'implanter sur les terres du village. Jusqu'ici, Battir a toujours pu s'en remettre à la justice israélienne.

Mais cette fois, je crains-il, la colonie de Heletz, fraîchement avalisée par Israël, représente une menace sérieuse, au moment où la colonisation s'accélère à bas bruit pendant que les regards sont tournés vers Gaza.

"Une procédure judiciaire est en cours", pour mettre un terme à l'avant-poste déjà présent, explique M. Olayan. "Mais ils disent qu'il ya des dossiers plus urgents avec la guerre. Sauf qu'après l'urgence, on aura aussi à se battre contre les (futurs) colons ici. Battir est un village paisible, la colonie ne fera qu' apporter des ennuis", s'inquiète-t-il.

Son cousin Olayan Olayan, né en 1941, soit sept ans avant la création de l'État d'Israël, se souvient encore de la première tentative de colonisateur Battir.

"J'ai travaillé la terre et l'ai plantée, jusqu'à ce que les arbres donnent des fruits", raconte le Palestinien de 84 ans, keffieh autour de la tête. De sa canne, il pointe les collines alentours. "Et soudain, les colons sont arrivés et ont voulu s'approprier la terre."

Si une colonie venait à s'installer sur ce site, cela "isolerait Battir et à bien des égards créerait de la tension entre les voisins", juge Yonatan Mizrachi, de l'ONG israélienne anti-colonisation Peace Now.

La légalisation de cinq colonies "montre que le plan (du gouvernement israélien) est d'empêcher un Etat palestinien" de coexister avec Israël et de compromettre la solution à Etats deux prônée par l'essentiel de la communauté internationale, estime-t-il .

Un parti du gouvernement de Benjamin Netanyahu ne s'en cache pas, d'ailleurs.

"Ma terre, mon âme" 

"Nous continuons à développer les colonies pour assurer la sécurité d'Israël et empêcher la création d'un Etat palestinien", a par exemple écrit sur X (ex-Twitter) après l'annonce du 27 juin le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, par ailleurs colon et chef du parti d'extrême droite Force juive.

Pour l'heure, l'UNESCO confirme avoir des "signaux de constructions illégales" dans le périmètre du site classé qui ont été "portés à l'attention des Etats membres". Ces derniers "ont réitéré leur tristesse à ce sujet", souligne l'agence onusienne, qui s'en était déjà alarmée en 2023.

Interrogée sur les mesures qu'elle pourrait prendre pour éviter une poussée de fièvre en cas d'installation d'une colonie, l'armée israélienne n'a pas répondu à l'AFP.

La famille Olayan, elle, craint que la situation ne se tende sérieusement, dans cette vallée et ce village à la tradition collective, à l'instar de son de son système d'irrigation alimenté par des sources souterraines et qui répartit l'eau équitablement entre chaque parcelle.

Quoi qu'il arrive, Olayan Olayan n'est pas prêt à quitter son village. "Ma terre, c'est mon sang, mon âme, tout", résumé-t-il. "Je ne peux pas arrêter de me rendre sur ma terre, à moins qu'un colon ne me tue."