Chine : l’architecture sécuritaire mondiale entre rivalité et coopération sino-américaine - Par Abdelghani AOUIFIA

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Le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi s'adressent à la presse avant une réunion au département d'État à Washington, DC, le 26 octobre 2023. Le chef de la diplomatie chinoise a exprimé jeudi l'espoir de relations plus stables avec les Etats-Unis après des mois de turbulences, lors d'un rare voyage à Washington pour préparer une éventuelle visite du président Xi Jinping. (Photo SAUL LOEB / AFP)

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Par Abdelghani AOUIFIA (Correspondant permanent de MAP à Pékin)

Beijing - Plus de 1.800 personnalités internationales du monde de la défense et de la sécurité, dont des ministres de la défense de 19 pays, ont fait le déplacement cette semaine à Beijing pour débattre de la situation sécuritaire dans le monde et essayer de tracer les contours de la future architecture sécuritaire mondiale sur fond de rivalité accrue entre la Chine et les Etats-Unis.

L’ambiance dans la géante salle où se tenait la dixième édition du Forum Xiangshan, la plus grand-messe annuelle de la diplomatie militaire chinoise, était sobre. Elle reflétait l’ampleur des défis qui se posent au monde d’aujourd’hui du fait des incertitudes nourries par la rivalité périlleuse entre les deux superpuissances.

La Chine, qui vient de limoger son ministre de la défense, Li Shangfu, a bien articulé cette situation par la voix de Zhang Youxia, vice-président de la commission militaire centrale du pays, placée sous l’autorité du président Xi Jinping.

Il existe un réel besoin d’améliorer les relations militaires entre la Chine et les Etats-Unis, a dit le responsable chinois.

Les propos rappellent les tensions qui empoisonnent les relations sino-américaines. Des tensions exacerbées par la rupture des contacts réguliers entre les appareils de défense des deux pays depuis que Washington a imposé des sanctions au ministre de la défense chinois congédié.

Le risque d’une confrontation, voire accidentelle, entre Beijing et Washington dans la mer de Chine méridionale ou près de Taiwan, jetait son ombre sur le forum de Beijing.

Il s’agit d’un risque à prendre au sérieux, selon les analystes, qui rappellent le degré de tension atteint l’année dernière dans le sillage de la visite effectuée à Taiwan par l’ancienne présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi.

Un autre incident majeur a été pris en note par les analystes la semaine dernière quand les Philippines, allié des États-Unis, ont accusé les navires des garde-côtes chinois d’être entrés « intentionnellement » en collision avec leurs navires lors d’une mission de ravitaillement. C’était l’incident le plus grave jamais survenu dans les eaux de cette région théâtre de rivalité géostratégique sino-américaine.

En dépit de cette tension, la Chine se dit prête à collaborer avec les Etats-Unis, mais sur la base de certaines conditions.

Lors de son intervention devant le forum de Beijing, le vice-président de la commission militaire centrale chinoise a délibérément, semble-t-il, fait un parallélisme entre le renforcement de « la coopération stratégique » avec la Russie et la promotion du rapprochement avec les Etats-Unis.

« Nous allons approfondir la coopération stratégique et la coordination avec la Russie, et nous sommes disposés à développer les relations militaires avec les Etats-Unis, sur la base du respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération gagnant-gagnant », a dit M. Zhang dans son allocution suivie attentivement par les responsables militaires de plus de 90 pays, dont les Etats-Unis.

La même ligne est adoptée par le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, qui a fait l’éloge de la coordination entre son pays et la Chine, tout en critiquant l’occident conduit par Washington, notamment au sujet de la guerre en Ukraine.

Les analystes présents au forum de Beijing ont noté la présence américaine qui a coïncidé avec la visite effectuée à Washington par le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors de laquelle ce dernier a rencontré le président Joe Biden, en prélude à un sommet attendu le mois prochain entre le chef de la Maison Blanche et le président chinois.

Sur un ton de conciliation, le vice-président de la commission militaire centrale chinoise a indiqué que les forces armées chinoises étaient disposées à se joindre à toutes les parties pour approfondir la confiance mutuelle et la coopération sécuritaire.

Dans un monde marqué à la fois par « le changement » et « le désordre », tous les pays devraient adhérer aux principes de coopération gagnant-gagnant et poursuivre un développement commun, a dit le responsable chinois.

Tout en réaffirmant la position immuable de la Chine à propos de Taiwan, M. Zhang a mis en garde contre « l’unilatéralisme » et la prolifération des conflits, tout en mettant en avant les défis que le monde est appelé à relever dont les crises énergétique et alimentaire et l’instabilité des chaines industrielles mondiales. Cette dernière question se trouve au cœur des différends entre Beijing et Washington.

Dans un contexte mondial aussi complexe, le responsable a fait savoir que son pays continuera de jouer son rôle de « puissance responsable » pour le maintien de la paix et œuvrer en faveur de l’émergence d’une gouvernance sécuritaire mondiale « plus équitable » et plus en phase avec les nouvelles réalités.

Il s’agit, selon les analystes, d’un rôle qui devrait se renforcer au regard de la position de la Chine en tant que puissance militaire et économique.

Selon un classement rendu public en août dernier par le Global Firepower, la Chine est la troisième puissance militaire mondiale après les Etats-Unis et la Russie. Le pays possède la plus grande armée du monde, avec 2 millions de soldats et 510.000 réservistes. La Chine, qui dépense 250,2 milliards de dollars pour sa défense, détient 350 bombes nucléaires, selon la même source.

 

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