Colombie: les ''motels de l'amour'', refuge de délégués de l'ONU sur la biodiversité

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La gérante du Motel Deseos (Désirs) dans une chambre du Motel dans le cadre du sommet COP16 à Cali, en Colombie, le 25 octobre 2024. (Photo par JOAQUIN SARMIENTO / AFP)

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Aggrey Rwetsiba, délégué ougandais au sommet de l'ONU sur la biodiversité de Cali, a dans sa chambre un immense miroir au dessus-de son lit. Les hôtels de Cali étant tous complet, c'est dans un "motel de l'amour" habituellement réservé aux rendez-vous galants qu'il a trouvé un point de chute.

Sur les 40 chambres du motel Deseos (désirs), 12 ont été affectées aux participants de la COP16 qui, au dernier moment ont, pour diverses raisons, vu leur réservation non-confirmée ou annulée.

Des voisins de chambrée, issus d'autres délégations, dorment dans un lit circulaire ou dans une chambre avec une barre de pole-dance au milieu de la pièce.

Pas d'armoire dans ces chambres qui se louent pour trois, six ou douze heures au maximum.

M. Rwetsiba a accroché ses costumes pour les deux semaines du forum mondial pour la sauvegarde de la nature - jusqu'au 1er novembre - à la vitre translucide de la douche qui donne directement sur le lit.

Certaines affaires sont pliées dans une boîte par laquelle, pour assurer la discrétion, les clients sont servis à travers une trappe.

"Je ne suis pas sûr de bien comprendre la particularité de ce motel, mais j'ai remarqué certaines choses très particulières comme le miroir au plafond. Je n'avais jamais vu ça", s'exclame l'Ougandais dans un large sourire.

Pas de table de nuit dans cette chambre au mobilier épuré, les tenanciers ont improvisé pour lui une table où il peut poser son ordinateur et le charger à l'unique prise murale.

"Nous avons un peu adapté notre établissement afin de pouvoir accueillir les hôtes de la COP16", indique la directrice du Motel Deseos, Diana Echeverry.

"C'est très bien, très propre", loue M. Rwetsiba, vantant l'hospitalité du personnel. "On peut même sortir par-là", pointe-t-il en montrant la porte donnant accès à une place de parking privée, derrière un portail roulant. Toujours la plus grande discrétion pour les clients de passage pour quelques heures.

"100% d'occupation" 

Diana Echeverry fait fièrement visiter les autres chambres de l'établissement de deux étages, elles réservées à ses clients "habituels".

Les plus luxueuses disposent de jacuzzis, de larges écrans plats pour regarder des films érotiques, de lumières de discothèque, ou de "silla del amor" (chaise de l'amour) pour permettre un plus large éventail de positions amoureuses.

Les prix varient de 65.000 à 100.000 pesos colombiens (14 à 21 euros) pour trois heures.

Pour les délégués à la COP16, le tarif journalier a été fixé à 150.000 pesos (32 euros), petit-déjeuner inclus pris dans des bureaux reconditionnés en salle de restauration.

Les "chaise de l'amour" ou "balançoire du kamasutra" ont été retirées de leurs chambres.

Mme Echeverry a été sollicitée par la municipalité "il y a une semaine à peine" mais se réjouit de l'arrivée de ces clients de longue durée: "Cela permet de faire en sorte que des chambres soient occupées pendant plusieurs journées, tout en laissant des chambres disponibles pour répondre aux demandes de nos clients habituels."

Cali, près de 3 millions d'habitants, a été désignée ville hôte de la COP16 en février, après le désistement à l'été 2023 de la Turquie, frappée par de destructeurs tremblements de terre.

Lors d'une conférence de presse cette semaine, le maire de la deuxième ville de Colombie, Alejandro Eder, avait indiqué que les hôtels étaient "occupés à 100%", et que plus aucune location de type Airbnb, n'était disponible. D'où la sollicitation de dernière minute des "motels de l'amour".

Car si les premières estimations laissaient à penser qu'entre 12.000 et 15.000 personnes participeraient à la COP16, ce sont finalement quelque 23.000 représentants de gouvernements ou d'ONG qui sont réunis à Cali, faisant de cette COP biodiversité la plus suivie de toutes.

Ravi des équipements du Motel Deseos, M. Rwetsiba a passé le mot autour de lui et désormais cinq autres délégués ougandais, dont une femme, dorment à un prix avantageux dans des chambres, selon lui, "plus confortables" que de nombreux hôtels traditionnels. "Nous sommes tous contents!"

Quelque 166 motels aux noms évocateurs sont enregistrés à la Chambre de commerce de Cali: "Aphrodita", "Kama Sutra", "Paraiso Romano", "Cupido" ou encore "Extasis"...

Ces "motels de l'amour" sont monnaie courante dans toute l'Amérique du Sud, prisés par les jeunes couples ou par des plus âgés désirseux de "casser la routine". Et par tous ceux qui veulent rester discrets. (AFP)

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