D'Istanbul à Rome, un parfum de normalisation flotte sur l'Europe

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Réouverture du Colisée à Rome, des boutiques du Grand Bazar d'Istanbul ou encore du marché de Camden à Londres: un parfum de normalisation flottait sur l'Europe lundi, mais l'OMS a averti que le coronavirus restait un "virus tueur" et ne perdait pas en virulence après les propos polémiques d'un célèbre médecin italien.

Si les précautions sanitaires d'usage et les strictes restrictions imposées aux voyages ont empêché l'afflux de grandes foules, de hauts lieux touristiques ont recommencé à accueillir le public sur le Vieux Continent tandis que l'Amérique latine se débat toujours avec une épidémie galopante. 

"Nous profitons de l'absence des touristes étrangers pour venir nous balader", se réjouit Pierluigi, un Romain venu visiter pour la première fois le Colisée avec son épouse.

Site touristique le plus fréquenté de la péninsule, où ont déjà été rouvertes la basilique Saint-Pierre de Rome, Pompei ou encore la tour de Pise, l'imposant amphithéâtre de la Rome antique a accueilli près de 300 personnes qui avaient effectué une réservation en ligne, loin des 20.000 touristes quotidiens habituels. 

En Espagne, où pour la première fois depuis trois mois le virus n'a pas fait de morts en 24 heures, c'est l'emblématique musée Guggenheim qui a rouvert ses portes, et à Istanbul le Grand Bazar, inaccessible au public depuis le 23 mars, une fermeture d'une durée inédite en près de six siècles d'existence.

"La vie continue et on attend les clients", affirme Yasar Sabuncu, un des quelque 30.000 commerçants du vaste marché couvert, après avoir rouvert son échoppe aux rayons garnis de souvenirs et de maroquineries.

 "Le marché se réveille" 

Malgré un récent rebond du nombre de nouveaux cas quotidiens, Moscou a autorisé ses commerces non alimentaires à rouvrir et ses habitants à sortir faire des courses, vêtus de masques et de gants, et à se balader jusqu'à trois fois par semaine selon un système de créneaux. 

En Royaume-Uni, pays le plus endeuillé d'Europe mais où le nombre de morts en 24 heures a été le moins élevé lundi depuis le début du confinement le 23 mars, c'était au tour du très touristique marché de Camden à Londres de rouvrir prudemment ses portes.  

Signes de cet arrêt brutal, des dizaines de chauffages extérieurs, incongrus par cette chaleur, peuplent encore ses ruelles, désormais rejoints par les distributeurs de gel hydroalcoolique. "On dirait que le marché est en train de se réveiller", s'étonne John Jellesmark, un habitant du quartier.

Certaines écoles fermées depuis la mi-mars ont également rouvert.

En dépit des craintes d'une seconde vague, de nombreux autres pays européens ont allégé les restrictions sanitaires.

Les équipes engagées en Championnat d'Espagne de football ont repris l'entraînement collectif, dernière étape avant la reprise de la Liga prévue le 11 juin, tandis que la Finlande a rouvert ses restaurants et cafés, et la Norvège tous ses bars.

Au Pays-Bas, c'était notamment au tour du Musée Van Gogh et du Rijksmuseum d'Amsterdam. En revanche, les "coffee shops" ne peuvent servir que du cannabis "à emporter" aux amateurs. 

Les Français, eux, attendent avec impatience la réouverture des cafés et restaurants mardi, ainsi que la levée de l'interdiction de se déplacer à plus de 100 km de chez eux.

Quant aux Tchèques, ils pourront voyager dans la plupart des pays européens sans être soumis à un test Covid-19 au retour à partir du 15 juin.

Polémique en Italie

En Italie, qui a connu lundi la plus faible hausse quotidienne de nouveaux cas depuis le 26 février, un célèbre médecin et urgentiste a lui assuré que le coronavirus avait disparu du pays et qu'il était temps d'arrêter de "terroriser" inutilement les Italiens.

"Les prélèvements effectués au cours des dix derniers jours ont montré une charge virale absolument infinitésimale en termes quantitatifs par rapport à ceux effectués il y a un mois ou deux mois", a assuré dimanche le Dr Alberto Zangrillo, directeur de l'hôpital San Raffaele de Milan (Nord).

Ces propos ont provoqué une levée de boucliers des autorités et d'autres spécialistes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle assuré que rien ne permettait d'affirmer que le nouveau coronavirus était devenu moins pathogène.

Le nouveau coronavirus "reste un virus tueur" et "des milliers de personnes continuent de mourir chaque jour", a tenu à déclarer Michael Ryan, chef du programme d'intervention d'urgence à l'OMS.

Dans le monde, la pandémie a fait plus de 373.000 victimes pour plus de 6,2 millions de cas, selon un décompte réalisé lundi à 19H00 GMT par l'AFP à partir de sources officielles. Un bilan sans doute largement sous-évalué.

Premier ministre infecté 

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a annoncé avoir été infecté par le nouveau coronavirus avec sa famille, alors que l'épidémie s'aggrave dans ce petit pays du Caucase dont les hôpitaux sont surchargés.

L'Iran a aussi fait état d'un pic inédit depuis deux mois, avec près de 3.000 nouvelles contaminations en 24 heures. 

"Les gens semblent penser que le coronavirus est terminé" mais il est "loin de l'être", a averti le ministre de la Santé, Saïd Namaki. "Nous avons imploré les gens de ne pas organiser de mariages ou des funérailles mais ils n'ont pas écouté".

Selon une étude de la Banque mondiale, le nombre de familles pauvres pourrait doubler cette année en Cisjordanie en raison de la pandémie.

Sur le continent africain, écoles et/ou universités ont rouvert au Cameroun et en Tanzanie bien que l'épidémie y progresse toujours. Au Pakistan, le Premier ministre Imran Khan a annoncé lundi la levée complète du confinement entamé fin mars, alors qu'une étude publique montre que le nombre de malades du nouveau coronavirus pourrait être sans commune mesure avec les chiffres officiels.

Le tableau reste sombre également en Amérique latine, devenue l'épicentre de la pandémie qui y a officiellement contaminé plus d'un million de personnes. Au Chili, de nouveaux records étaient atteints, avec un total de plus de 100.000 cas.  

Au Brésil, de loin le pays le plus touché de la région avec plus de 500.000 cas et près de 30.000 morts, l'épidémie s'accompagne d'une montée des tensions politiques sur la façon d'y faire face.

Des affrontements ont éclaté dimanche soir à Sao Paulo entre partisans et adversaires du président Jair Bolsonaro qui minimise la gravité de l'épidémie. 

Aux Etats-Unis, où le bilan de l'épidémie est le plus élevé au monde (104.658 morts comptabilisés), la crise sanitaire est aggravée par de profonds clivages politiques et, depuis une semaine, par une flambée de colère après la mort d'un homme noir pendant son interpellation par un policier blanc à Minneapolis, dans le Minnesota.