Dans le Bagdad des califes, timides efforts pour dépoussiérer le centre historique

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Bagdad, fondée en 762 après J.-C. par le calife abbasside Abu Jaafar al-Mansur le long du Tigre, a longtemps été un centre névralgique de la société arabe et islamique. Au XXe siècle, elle a prospéré en tant que ville arabe moderne avec des universités de premier plan, une scène culturelle dynamique et d'excellents soins de santé, c’était avant que les Américains ne passe par-là

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Entre une autoroute de Bagdad et des entrepôts, à l'ombre d'une imposante porte en pierre pluricentenaire, un professeur octogénaire raconte à des étudiants irakiens férus d'architecture comment plusieurs califes abbassides ont construit la muraille qui devait les protéger des Mongols.

Dans la capitale irakienne, naguère secouée par des explosions de voitures piégées ou des attentats-suicides sur les marchés, urbanisme et préservation du patrimoine ont longtemps été absents des priorités de l'Etat.

Avec le semblant de normalité dont jouit désormais la métropole de neuf millions d'habitants --deuxième plus peuplée des capitales arabes-- la donne a changé.

Bravant la canicule, une trentaine d'étudiants et de photographes amateurs participent ainsi à une balade urbaine du "club des jeunes architectes".

"Nous voulons montrer au public ce que Bagdad offre en termes d'architecture islamique, sa valeur et son identité", indique à l'AFP un des organisateurs, Abdallah Imad, étudiant de 23 ans à l'Université de Technologie.

Au programme sur les berges du Tigre: un palais abbasside vieux de plus de 800 ans, sa cour intérieure aux façades en briques décorées d'arches et d'arabesques. Mais aussi Bab al-Wastani, "Porte centrale" érigée aux alentours du 12e siècle, sertie de créneaux et flanquée des vestiges d'épaisses murailles.

Sous l'imposant dôme en briques de la Porte, l'assistance se disperse parmi les niches voûtées, smartphones et appareils photos en main. Le professeur Mouwafak al-Taï, 83 ans, vient d'expliquer comment l'enceinte fortifiée du vieux Bagdad a été construite en 130 années.

"Plusieurs califes" s'y sont attelés, dit-il, citant doctement "Al-Mustazhir Billah, Al-Mustarshed Billah, Al-Nasir la-Din Allah".

"Espoir et changement" 

Cela fait à peine un an que le club des jeunes architectes organise conférences et balades urbaines.

"Autrefois l'intérêt était limité, quasi-inexistant. Maintenant ça augmente", confirme Abdallah. Car "la stabilité s'est progressivement installée à Bagdad. Avant il y avait des évènements sécuritaires", explique l'étudiant --allusion pudique à des décennies de conflits.

Fatima al-Moqdad, architecte de 28 ans, confirme l'engouement, "source d'espoir et de changement à venir concernant le patrimoine et sa préservation".

"Quand les jeunes surfent sur le Net, ils voient comment les autres nations s'occupent de leur patrimoine. Ils veulent et ils méritent la même chose", poursuit-elle.

Et d'ajouter: "les gens ont conscience qu'il y a des sites qui valent le détour. Pour faire du tourisme on ne doit pas nécessairement partir à l'étranger".

Dans le centre-ville côté Rusafah --rive Est du fleuve-- immeubles à l'architecture brutaliste des années soixante côtoient façades ouvragées des années 1920, décorées de moulures fleuries et de balcons en fer forgé qui s'affaissent.

Dans l'incessante cacophonie, tuk-tuks, motos, taxis jaunes se disputent le passage avec des porteurs poussant sur des charrettes leurs ballots de marchandises, se frayant laborieusement un chemin parmi les étals de poissons, lunettes de soleil et baskets de contrefaçon ayant envahi la chaussée.

Centre-ville "malade" 

Ici, 2.400 immeubles sont classés, mais environ 15% ont été détruits ou altérés, dit la mairie de Bagdad.

Nombreuses propriétés appartenaient à des familles juives, ou d'autres ressortissants irakiens chassés par les soubresauts de l'Histoire. Les guerres à répétition ont provoqué une fuite des cerveaux et privé le pays de certaines expertises, notamment en restauration architecturale.

Toutefois, en partenariat avec une Association des banques privées, la mairie a mené deux chantiers de restauration: rue Al-Moutanabi, célèbre pour ses bouquinistes, et une rue perpendiculaire, accueillant l'ancien Sérail.

Un lifting, consistant surtout à refaire chaussées, trottoirs, éclairage, et à nettoyer les façades.

Architecte engagé sur la rue du Sérail, Mohammed Alsoufi salue "la valeur esthétique des bâtiments" en briques, datant du 19e siècle ou des années 1920 et 1930.

La mairie reconnaît des défis nombreux: difficulté d'obtenir le feu vert des propriétaires originels quand ils sont partis, manque de financements.

Malgré tout, la prochaine étape concernera la rue Al-Rachid, inaugurée en 1916, malmenée par le temps --jusqu'à devenir "une colonne vertébrale malade, fatiguée" du "centre historique", assène le responsable communication de la mairie de Bagdad, Mohammed Al-Rubaye.

"C'est l'âme du vieux Bagdad, son identité", déplore le responsable. "Sous ce centre se trouve la ville abbasside".

L'artère est envahie par des entrepôts, des boutiques de machines industrielles et d'huiles à moteur. Flirtant avec la gentrification, les autorités veulent reléguer ces activités à la périphérie.

"Nous ne disons pas aux gens de partir. Nous leur disons +restez, mais transformons les entrepôts de grossistes en boutiques, cafés, cinémas, lieux de culture et du patrimoine", plaide M. Rubaye. (AFP)

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