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Dans le nord de Gaza, l'errance d'un père pour trouver de l'eau
Un Palestinien porte son enfant enveloppé dans une couverture à l'hôpital Nasser où les blessés et les tués arrivent après le ciblage militaire israélien d'un district du sud-est de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 25 juillet 2024, dans le cadre du conflit en cours entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas. (Photo par Bashar TALEB / AFP)
Dans la famille Chanbari, l'eau est devenue tellement précieuse qu'il ne faut pas en perdre une goutte. Le couple et ses trois enfants occupent un abri de fortune à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza.
Le père de famille, Ahmed Chanbari, explique que "la plupart des puits sont détruits" et il lui faut "quatre heures sous une chaleur écrasante" pour s'approvisionner, en ces temps de guerre qui ont ravagé les infrastructures du territoire palestinien assiégé.
Il part un seau à la main, accompagné par les enfants, marcher au milieu des monticules de déchets et des immeubles détruits par neuf mois de pilonnages et de bombardements.
Les Chanbari se mettent en quête d'un tuyau encore correctement relié à un réseau de distribution d'eau ou bien des rangées de robinets installées par les organisations d'aide internationale qui convoient de l'eau par camions-citernes - une solution d'urgence que ces dernières jugent complexes et coûteuses à mettre en place.
Selon M. Chanbari, la situation s'est empirée après l’attaque particulièrement intense de l'armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jabalia, l'un des plus grands de la bande de Gaza.
De nombreuses canalisations ont été détruites et le réseau de distribution d'eau ne fonctionne presque plus.
"Même si nous trouvions un puits en bon état, il n'y a pas de carburant dans le nord pour [alimenter les pompes] et obtenir de l'eau saine", ajoute-t-il.
"Epuisés"
Les pénuries étaient déjà monnaie courante dans la bande de Gaza avant la guerre d’Israël contre les Palestiniens.
D'après les Nations unies, la majeure partie des eaux souterraines sont polluées par les eaux usées non traitées à cause d'infrastructures défaillantes - certaines ayant été endommagées par de précédentes guerres.
Alors désormais l'eau passe précautionneusement du jerricane aux bassines pour faire la vaisselle et aux brocs pour se laver ou boire.
Les parents se disent "épuisés", et les enfants n'ont pas l'air moins fatigués.
"La plupart de mes enfants ont eu des problèmes rénaux, les yeux jaunis, des démangeaisons et de la toux, et il n'y a aucun traitement disponible dans le nord de Gaza", regrette M. Chanbari.
Le manque d'eau potable a été décrit par de nombreuses ONG et agences onusiennes comme "dramatique".
Déjà en décembre, l'Unicef s'alarmait du fait que 90% des besoins en eau des enfants de la bande de Gaza ne soient pas pourvus.
Les journalistes de l'AFP recueillent depuis des semaines des témoignages de Palestiniens de la bande de Gaza évoquant la "soif qui fait délirer", le "rêve d'une tasse de thé", ou encore l'"humiliation" de ne pas pouvoir se laver.
Non loin de chez les Chanbari, d'immenses flaques d'eaux usées, parfois grandes comme des mares, dévorent les routes.
L'électricité, autre clef -
Selon un expert des infrastructures liées à l'eau de la bande de Gaza, joint par l'AFP, l'immense majorité des sites sont touchés, et tout le système est inopérant.
Il estime que seul un cessez-le-feu changerait la donne, en permettant l'entrée de pièces de rechange ainsi que l'accès aux stations et aux puits.
L'armée israélienne affirmait encore dimanche que des points d'eau étaient accessibles dans ce qu'elle prétend être une "zone humanitaire" à al-Mawasi, dans le sud du territoire, où elle a sommé des centaines de milliers de Gazaouis de se déplacer. Mais les habitants craignent de s'y rendre, les lieux ayant déjà été visés par des bombardements.
Alors qu'Israël a coupé l'électricité dans la bande de Gaza quelques jours après l'attaque du Hamas le 7 octobre, il est question depuis plusieurs semaines d'alimenter à nouveau en électricité, depuis Israël, une station de dessalement et une autre de traitement des eaux, selon des annonces de l'Autorité palestinienne, d'agences des Nations unies, et d'Israël.
Mais la société locale de distribution de l'électricité a expliqué que la ligne était encore trop endommagée pour distribuer à nouveau du courant.
La guerre d’extermination israélienne a fait près de 40.000 tués identifiés, en majorité des civils dont plus de 31.000 sont des enfants et des femmes. (Quid avec AFP)