Délestages électriques en Afrique du Sud, le bout du tunnel n’est pas pour demain

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La crise a été exacerbée par la mise en place par la compagnie publique d’électricité en détresse «Eskom» d’un délestage électrique drastique de niveau 6, replongeant tout le pays dans le noir.

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Par Hamid AQERROUT  (MAP – Bureau de Johannesburg)

Johannesburg - En Afrique du Sud, les coupures et les pannes de courant devenues quotidiennes affectent sérieusement non seulement les citoyens et les entreprises, mais aussi le Parlement panafricain (PAP).

Quand l'ouverture officielle de la Session ordinaire de la cinquième législature du PAP a été retardée, le 28 juin à Johannesburg, de trois heures à cause des délestages électriques, cela donne toute la mesure de la gravité de la situation.

Les députés, venus des différents pays africains pour assister à ce conclave panafricain, ont été désagréablement surpris et choqués par ce qu’ils ont constaté de visu : L’hémicycle replonge dans le noir des heures durant pendant que les députés, les représentants des médias et autres invités ont été assis dans leurs fauteuils en se mordant amèrement les doigts.

Le comble est que personne ne sache réellement ce qui se passe, car personne n’est venu expliquer les causes de ce retard énorme et inacceptable qui, de surcroit, jette le discrédit sur les organisateurs et l’institution législative.

Et quand, finalement, la lumière était de retour, l’assistance n’avait même pas droit à des excuses. Pauvre Afrique du Sud, pourtant considérée comme la première puissance économique et industrielle du continent !

A vrai dire, cet incident au demeurant regrettable révèle l’ampleur de la crise d’électricité dans le pays. Les délestages électriques quotidiens ont même acquis une place de choix dans le langage courant des Sud-africains et ont tendance à devenir la norme. Ils dépeignent une image troublante de la façon dans le secteur névralgique de l’énergie est géré depuis des décennies déjà.

Force est de constater que ces derniers temps, cette crise a été exacerbée par la mise en place par la compagnie publique d’électricité en détresse «Eskom» d’un délestage électrique drastique de niveau 6, replongeant tout le pays dans le noir.

Les coupures de courant de l'étape 6 verraient ainsi les Sud-africains contraints de subir quatre épisodes de pannes de courant par jour, ce qui équivaut à un total d'au moins six heures sans électricité quotidiennement. Il s'agit des coupures les plus sévères depuis décembre 2019, sachant que sur une échelle de huit niveaux de délestages, l’Afrique du Sud a désormais atteint le sixième stade critique.

Ces coupures de courant, conséquence de mauvais choix politiques, de la corruption et d’une mauvaise gestion de la compagnie publique, augurent d’un hiver encore plus froid pour les Sud-africains. Depuis 2005, le pays peine à alimenter son réseau électrique avec suffisamment d'électricité pour la consommation des ménages et des entreprises, en raison de centrales électriques vieillissantes.

Pire encore, Eskom qui fournit 95 pc de l'électricité consommée en Afrique du Sud a subi des pannes allant jusqu'à 16 000 MW sur un total de 45 000 MW, aggravées par des températures glaciales de l'hiver.

En plus de la gêne que cette situation cause pour les citoyens, elle est à l'origine de la paralysie de plusieurs secteurs d’activités dans le pays, occasionnant, à cause de l'obscurité qui engloutit des quartiers entiers, meurtres, viols, vols et d'autres délits commis par des criminels de tous bords.

En effet, en cas de panne de courant, tout devient différent et il faut pouvoir pallier à tout ce qui fait défaut : de la lumière, mais aussi du chauffage, un moyen de conserver les aliments, de cuisiner, de voir la télé et de travailler sur son ordinateur, surtout en ces temps de pandémies où les gens préfèrent travailler à distance.

Dans ces circonstances difficiles, l’Afrique du Sud, qui tire 80% de son électricité du charbon, l’une des énergies les plus polluantes, doit nécessairement réduire le fardeau de la compagnie publique d’électricité en détresse, qui a soumis le pays à des pannes répétitives d'électricité pendant plus d'une décennie. Après des années de mauvaise gestion et de corruption, Eskom se trouve incapable de produire suffisamment d'énergie pour le pays, où se multiplient les manifestations contre la dégradation des services publics.

Pourtant, le pays avait obtenu, lors de la COP26 en novembre dernier à Glasgow, 7,7 milliards d'euros de prêts et subventions pour financer une transition énergétique. Néanmoins, la dette d'Eskom, qui s'élève à environ 26 milliards de dollars, freine considérablement ce processus.

C’est dire que la crise d’électricité a atteint des niveaux catastrophiques au point que plusieurs voix se sont élevées au sein du Parlement et de la société civile exigeant une action urgente de la part du gouvernement. Dans la foulée de cet élan dénonciateur, les partis de l'opposition ont appelé le Président Cyril Ramaphosa à s'adresser à la Nation pour annoncer les mesures envisagées afin de remédier à cette «situation effroyable».

La gravité de l’heure a contraint le gouvernement sud-africain à autoriser les producteurs d'énergie privés à développer leur propre électricité. Il a, dans ce sillage, décidé de modifier la loi sur la régulation de l'électricité pour permettre aux producteurs privés de développer jusqu'à 100 MW de puissance sans avoir besoin d'une licence du régulateur national d’énergie (Nersa).

Résoudre le sérieux problème des délestages se doit ainsi d’être l’objectif le plus important du pays pour relancer la croissance économique, car aucune économie ne peut vraiment croître de manière substantielle sans sécurité énergétique. La capacité de l’Afrique du Sud à faire face à la crise énergétique, rapidement et de manière globale, déterminera ainsi le rythme de sa reprise économique.