Émeutes anti-immigration : Le Royaume-Uni à l’épreuve des fake news

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Tout a commencé avec la publication sur les réseaux sociaux immédiatement après l’attaque d’une fausse identité de l’assaillant, présenté comme un demandeur d’asile de confession musulmane

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Par Abdelghani AOUIFIA (MAP - Londres)

Londres - De violentes émeutes secouent le Royaume-Uni depuis l’attaque au couteau ayant couté la vie à trois fillettes la semaine dernière dans la ville de Southport, dans le nord de l’Angleterre, et du florilège de fake news qui s’en est ensuivi sur les réseaux sociaux.

L’incident aurait semblé « ordinaire ou presque » dans un pays où les attaques au couteau ont été banalisées à force de récurrence. Or, les manipulateurs des plateformes sociales ont donné à cette affaire une tout autre dimension.

Tout a commencé avec la publication sur les réseaux sociaux immédiatement après l’attaque d’une fausse identité de l’assaillant, présenté comme un demandeur d’asile de confession musulmane.

« La bonne recette pour enflammer la situation » dans un Royaume-Uni qui subit des pressions concernant sa politique d’immigration et d’asile dans une conjoncture de crise économique, indiquent les analystes, qui ont profondément examiné l’impact des fake news sur la paix et la stabilité des pays.

Ce n’est qu’après l’explosion de la situation que la véritable identité de l’assaillant a été révélée. Le suspect est en réalité un adolescent de 17 ans né à Cardiff, au Pays de Galles, d’une famille d’origine rwandaise. Actuellement placé en détention en attendant sa comparution devant la justice en octobre prochain, il n’a aucun lien avec la religion musulmane.


Depuis, le pays s’est embrasé. Plus de 400 personnes ont été interpelées dans ces manifestations, les plus violentes au Royaume-Uni depuis près de 13 ans.

Des villes comme Liverpool, Hull, Leeds, Sunderland ou encore Bristol ont connu des scènes de violence, de pillage et d’attaques contre les forces de l’ordre. La violence s’est propagée en Irlande du Nord, où la ville de Belfast a vécu au rythme de violences dans la nuit du lundi à mardi. Un homme a été grièvement blessé après une agression considérée par la police de la ville comme motivée par la haine.

La vague de violence a suscité la colère des politiciens du pays toutes tendances confondues. Le gouvernement s’est montré ferme dans sa réaction. Le Premier ministre travailliste, Keir Starmer, a convoqué lundi une réunion du comité COBRA, un dispositif de coordination qui intervient en cas de catastrophe ou d’attaque.

Plusieurs mesures ont été décidées lors de la réunion pour mettre fin aux émeutes, dont la mise en place d’« une armée » de plus de 6.000 policiers spécialisés.

Mais la vraie bataille doit être menée sur le front des réseaux sociaux, soulignent les médias et les observateurs.

En effet, le locataire du 10 Downing Street fait l’objet de pression pour renforcer le contrôle des entreprises opérant dans le secteur de la technologie de l’information. Lesquelles pressions se sont intensifiées après la publication d’informations faisant état d’implication de pays étrangers dans la diffusion de fake news au Royaume-Uni.

Ian Acheson, spécialiste au think-tank « Counter Extremism Project », indique que les actuelles émeutes montrent l’urgence de mettre en place un contrôle plus étroit sur les réseaux sociaux.

« Il est temps que les catalyseurs de l’extrémisme et de la violence rendent des comptes », souligne-t-il, en référence notamment aux influenceurs d’extrême droite soupçonnés d’attiser les tensions dans le pays.

Vu l’ampleur des fake news propagées dans le pays depuis la semaine dernière, les experts britanniques appellent à des efforts concertés pour s’attaquer aux opérations de désinformation sur le web dès leurs premières prémices.

Selon eux, la campagne du fake news est devenue « une fabrique » pour les groupes d’extrême droite visant à exploiter la fragilité de la nation après l’attaque au couteau de Southport.

« Les émeutes qui secouent le pays sont la traduction dans les faits du discours d’extrême droite auquel nous assistons depuis des mois », résume Andrew Fox, analyste en sécurité au groupe de réflexion Henry Jackson Society.