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En Libye, une réfugiée soudanaise brave les idées reçues
Asawar Mustafa, mécanicienne soudanaise, travaille sur une voiture dans la section réservée aux femmes d'un garage à Misrata, ville du nord-ouest de la Libye, le 31 juillet 2024. Mustafa, 22 ans, dont la principale préoccupation était jusqu'à récemment de survivre, après avoir fui la guerre au Soudan avec sa famille et abandonné sa dernière année d'études en pharmacie. (Photo par Mahmud Turkia / AFP)
Clé à molette à la main, Asawar Mustafa inspecte l'huile avant de procéder à la vidange du véhicule d'une habituée d'un garage de la ville libyenne de Misrata qui propose un service unique en son genre, réservé aux femmes et prodigué par une femme.
Dans un secteur traditionnellement réservé aux hommes, cette Soudanaise de 22 ans, réfugiée en Libye après avoir fui la guerre dans son pays, brave les idées reçues d'une société conservatrice, forte du soutien infaillible de son frère Sahabi et du patron libyen du garage.
Au début, "l'expérience était un peu difficile", explique à l'AFP Asawar qui craignait de "se tromper et d'abîmer la voiture des clientes. Mais quand j'ai vu le résultat, j'ai été rassurée et maintenant ça me passionne".
Avec ses quatre soeurs, son frère et leur mère, Asawar a quitté le Soudan en octobre 2023, traversant le désert pour entrer en Libye après un périple de dix jours, "les pires jamais vécus", raconte-t-elle à l'AFP sans fournir de détails.
Ce pays plongé dans le chaos depuis la chute et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, compte entre 1,7 et 2 millions d'étrangers "entrés illégalement" en Libye et vivant souvent dans des conditions déplorables.
De Koufra, à l'extrême-sud, la famille Mustafa est remontée vers la côte pour chercher du travail avant de s'installer à Misrata, grande ville portuaire et commerçante à 200 km à l'est de Tripoli.
Dans le garage, une cloison peinte en bleu sépare la partie hommes de celle réservée aux femmes où Asawar, foulard blanc sur la tête, pantalon et blouse noirs, accueille les conductrices des environs.
Il existe ailleurs en Libye des garages disposant d'une section "pour femmes", mais c'est la première fois que les services y sont assurés par une femme.
"C'est génial de voir des femmes percer dans tous les domaines", se félicite la cliente, Fawzia Manita, 39 ans.
"De plus en plus de femmes conduisent en Libye et ont besoin de se sentir à l'aise dans un endroit où elles ont affaire à des femmes alors que, face à un homme, elles se sentiraient intimidées", dit-elle à l'AFP. Selon la Banque mondiale, la proportion de femmes dans la population active en Libye a atteint 37% en 2022.
Même des réflexions de son entourage comme "ta place est à la maison" et "aux fourneaux", ou "ce n'est pas un métier pour toi", n'ont pas découragé Asawar.
Au contraire, "j'ai choisi de ne pas écouter des commentaires émanant de gens qui ignoraient ma situation", affirme la jeune femme qui a dû abandonner en dernière année ses études de pharmacie pour soutenir sa famille.
"Ne pas hésiter"
Elle se sent confortée du fait que "les femmes qui viennent sont contentes d'avoir à faire à une autre femme". Pour Asawar, tant qu'"une femme est déterminée", aucun métier "n'est le monopole de l'homme" et, si le "désir est là, il ne faut pas hésiter".
Les encouragements de son frère Sahabi, 19 ans, mécanicien dans le même garage "côté hommes", lui ont été précieux. "Je suis là pour elle si elle a besoin d'aide" ou d'être "rassurée", dit-il.
Abdelsalam Shagib, le propriétaire du garage, 32 ans, se montre très satisfait du travail de sa mécanicienne. "Cela ne doit pas rester un métier réservé aux hommes. Les femmes peuvent avoir envie de travailler dans ce domaine", dit-il.
Pour l'instant, il propose de "faire les vidanges et laver les voitures", mais espère "élargir les services (d'Asawar) à la carrosserie, aux plaquettes de freins et à la climatisation".
Des dizaines de milliers de Soudanais ont fui en Libye la guerre dévastatrice qui fait rage dans leur pays depuis avril 2023.
Fin juin, le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU a recensé plus de 40.000 réfugiés soudanais à Koufra, une oasis de 60.000 habitants à environ 1.200 km de Tripoli.
Selon des sources locales, plus de 1.000 Soudanais arrivent quotidiennement au poste-frontière de Koufra, ces dernières semaines.