Face au ''patriarcat'' de l'Eglise, les femmes élèvent leur voix

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Le pape François touche le ventre d’une femme, sur la place Saint-Pierre au Vatican, à la fin de son audience générale hebdomadaire, le 11 octobre 2023. (Photo de Tiziana FABI / AFP)

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"Ordonnez des femmes prêtres!": à quelques pas du Vatican, des militantes vêtues de violet font entendre leur voix contre le "patriarcat" et le "cléricalisme", en plein Synode sur l'avenir de l'Eglise catholique.

Parmi les sujets brûlants sur la table de cette réunion mondiale à huis clos figure la place des femmes dans l'Eglise, un dossier qui cristallise les espoirs des groupes féministes et l'inquiétude des plus conservateurs.

Pendant les travaux, une vingtaine de membres du Catholic Women's Council (CWC), rassemblant des associations de plusieurs pays, se sont retrouvées à Rome pour des temps mêlant échanges, projections et liturgies.

Originaires d'Europe, des Etats-Unis, d'Afrique du Sud, d'Australie, de Colombie ou d'Inde, toutes partagent "la même frustration": voir les femmes exclues des processus de décision et cantonnées à des rôles consultatifs au sein d'un système "patriarcal et machiste".

Pourtant, parmi les 1,3 milliard de fidèles dans le monde, "la majorité des personnes qui soutiennent la vie paroissiale et transmettent la foi dans les familles sont des femmes. C'est paradoxal et injuste de ne pas leur donner leur place légitime", fait valoir auprès de l'AFP Carmen Chaumet, membre du Comité de la Jupe.

Créée en 2008, cette association française milite pour davantage de parité, alors que le rôle de diacre - qui peut célébrer baptêmes, mariages et funérailles mais pas les messes - reste exclusivement réservé aux hommes.

"Si vous allez au Vatican, ou à une messe, vous voyez des centaines de prêtres habillés de la même manière, mais aucune femme. On a l'impression que les hommes sont les propriétaires de Dieu... Cela n'a aucun sens", se désole Teresa Casillas Fiori, Madrilène de 57 ans membre de l'association "La révolte des femmes dans l'Eglise".

"Changer de logiciel" 

Le Synode sur l'avenir de l'Eglise, qui se tient jusqu'au 29 octobre, marque pourtant un tournant historique: pour la première fois, 54 femmes, religieuses et laïques - sur 365 membres, soit environ 15% - disposent du même droit de vote que les évêques sur les propositions qui seront soumises au pape, lequel aura le dernier mot sur d'éventuelles réformes.

Une "révolution" pour les observateurs. "Un premier pas", tempèrent les associations, qui souhaitent "changer de logiciel en terme de structure de pouvoirs et de réflexion".

Adeline Fermanian, co-présidente du Comité de la Jupe, reconnait toutefois des "ouvertures" dans le discours du pape François sur la délicate question de l'ordination des femmes, qui reste verrouillée.

Depuis son élection en 2013, François, chantre d'une Eglise plus accueillante y compris avec les divorcés et la communauté LGBT+, a insisté sur les responsabilités des femmes, en officialisant leur place dans la liturgie et en multipliant les nominations de femmes à des postes clés au sein de la Curie, l'administration centrale du Vatican.

Mais certaines y voient des réformes "cosmétiques" qui cachent une perception biaisée de la femme.

On constate "un vocabulaire de survalorisation des vocations particulières des femmes", regrette Adeline Fermanian.

"C'est une question de représentation. Les seules vocations qu'on nous donne c'est celle d'être mère, épouse, religieuse. À chaque fois on met l'accent sur la figure maternelle comme la Vierge par exemple. C'est une perspective très patriarcale", déplore Carmen Chaumet.

"Urgence" et "lassitude" 

Une réalité "frustrante" pour Cathy Corbitt, Australienne membre du conseil d'administration du CWC.

Car "tout comme les hommes, nous avons de nombreuses facettes de notre personnalité, de nombreux dons", insiste-t-elle.

Soixante ans après le Concile Vatican II, considéré comme une adaptation majeure de l'Eglise au monde moderne, beaucoup exigent désormais "du concret".

"Il y a une forme d'urgence et de lassitude" face à la lenteur d'adaptation de l'Eglise, appuie Carmen Chaumet. "En attendant, il y a des victimes collatérales, de la frustration, des catholiques qui partent car ils ne se sentent plus accueillis."

Ce Synode, dont la deuxième session aura lieu en octobre 2024, finira-t-il par faire bouger les lignes? Les conservateurs ont "peur de suivre la route de l'Eglise anglicane", qui autorise depuis 1992 l'ordination des femmes, relève un participant, sous couvert de l'anonymat.

Et "on ne doit pas oublier que l'Eglise est mondiale", rappelle un haut prélat. "Il y a des attentes (chez les femmes) en Europe", où l'Eglise est en déclin, "beaucoup moins en Asie et en Afrique". (AFP)

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