Gorbatchev, l'homme qui a livré le monde à la ‘’Pax americana’’ et ouvert la voie à l’unilatéralisme

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Photo d'archive prise le 12 avril 1992, l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev (R) et son épouse Raïssa serrent la main de Mickey et Minnie Mouse à l'entrée de Tokyo Disneyland. Le dernier dirigeant de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, est décédé le 30 août 2022 à l'âge de 91 ans en Russie, a indiqué un hôpital cité par les agences de presse russes. (Photo de Yoshikazu TSUNO / AFP)

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La mort mardi soir à 91 ans de Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l'URSS, a suscité de vibrants hommages en Occident, qui a l’a pourtant roulé dans la farine et qui a réduit sa réforme du système soviétique à une tentative de soumission de la Russie, et transformé son rôle crucial pour mettre fin à la Guerre froide et son combat pour la paix en une débandade russe.

L'émotion des réactions occidentales contraste avec la sobriété bien compréhensible du président russe Vladimir Poutine pour qui "Mikhaïl Gorbatchev est un politicien et un homme d'Etat qui a eu une grande influence sur l'évolution de l'Histoire du monde".

"Il a guidé notre pays à travers une période de changements complexes et dramatiques, et de grands défis de politique étrangère, économiques et sociaux", a-t-il déclaré dans un télégramme de condoléances publié par le Kremlin.

Dans un communiqué, le président américain Joe Biden a bien sûr salué en Mikhaïl Gorbatchev un "leader rare". Ses actes furent ceux d'un dirigeant ayant assez d'"imagination pour voir qu'un autre avenir était possible et le courage de risquer toute sa carrière pour y parvenir. Le résultat fut un monde plus sûr et davantage de liberté pour des millions de personnes", a dit M. Biden. Un autre avenir qui surtout profité à l’unipolarité américaine et aux tentatives de marginalisation sur l’échiquier mondiale qui se poursuivent encore de Moscou

Sur la même longueur d’onde que Biden, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, a déclaré que "le monde a perdu un immense dirigeant mondial, engagé envers le multilatéralisme, et défenseur infatigable de la paix", "un homme d'Etat unique qui a changé le cours de l'histoire" et fait "plus que n'importe qui pour provoquer de façon pacifique la fin de la Guerre froide".

La Chine a salué le rôle du dernier dirigeant soviétique au rapprochement entre Pékin et Moscou, après trois décennies de rupture.

Rêve "en ruines" 

"M. Gorbatchev a contribué de manière positive à la normalisation des relations entre la Chine et l'Union soviétique", a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.

"Les réformes historiques de Mikhaïl Gorbatchev ont conduit à la dissolution de l'Union soviétique, contribué à mettre fin à la guerre froide et ouvert la possibilité d'un partenariat entre la Russie et l'Otan", a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg sur Twitter. "Sa vision d'un monde meilleur reste un exemple". Mais qui n’a reçu aucune suite favorable de l’alliance atlantique.

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a rendu hommage au dernier dirigeant soviétique en le remerciant, il y a de quoi, "pour sa contribution décisive à l'unité allemande" et son "courage pour l'ouverture démocratique et la construction de ponts entre l'Est et l'Ouest". Ce rêve est "en ruine, brisé par l'attaque brutale de la Russie contre l'Ukraine", a-t-il ajouté là où il aurait dû dire par le ‘’reniement de l’Occident des engagements envers Gorbatchev et la Russie’’

Si effectivement comme le dit l’ex-chancelière allemande Angela Merkel, Gorbatchev "a montré par l'exemple comment un seul homme d'Etat peut changer le monde pour le mieux [et] a également changé [sa] vie de manière fondamentale", elle qui a grandi dans ce qui était l'Allemagne de l'Est, Gorbatchev a aussi livré son pied pour trois décennies de troubles, d’humiliations et de mise à l’écart dont l’OTAN, au mépris de ses engagements, a profité pour s’étendre jusqu’aux frontières russes, et continue en intégrant l’Ukraine, alors qu’il aurait dû pour sauvegarder les équilibres internationaux, s’arrêter à la Pologne comme l’affirme aujourd’hui l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger. 

"Faire tomber le rideau de fer"

"J'ai toujours admiré le courage et l'intégrité dont il a fait preuve pour mettre fin à la Guerre froide", a également indiqué dans un tweet le Premier ministre britannique Boris Johnson. Comment peut-il en être autrement "A l'heure de l'agression de (Vladimir) Poutine en Ukraine, son engagement inlassable pour l'ouverture de la société soviétique reste un exemple pour nous tous", a-t-il insisté.

Pour Emmanuel Macron, plus sobre, Mikhaïl Gorbatchev était un "homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes. Son engagement pour la paix en Europe a changé notre histoire commune".

Le ministre estonien des Affaires étrangères, Urmas Reinsalu, s'est montré plus critique. "C'est une bonne chose qu'il ait lancé le processus des réformes, mais c'est aussi une bonne chose que ce processus se soit poursuivi quand il voulait y mettre un terme", a-t-il souligné. C’était au moment où il s’était rendu compte que ceux qu’il prenait pour les nouveaux amis n’avaient aucunement l’intention de tenir leur promesse un monde pacifié La suite lui a donné raison.

Pour le journaliste russe Dmitri Mouratov, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2021, Mikhaïl Gorbatchev - qui a lui-même reçu ce Nobel en 1990 - "aimait sa femme plus que son travail, plaçait les droits humains au-dessus de l'Etat, accordait plus de valeur à un ciel paisible qu'au pouvoir personnel". Des valeurs qu’apparemment ne partagent pas tous les dirigeants occidentaux. (Quid avec AFP)

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