International
Historique aux Etats-Unis: Deux siècles après, une juge noire s’apprête enfin à intégrer la Cour suprême
Ses parent lui voulait un prénom africain, ils lui ont choisi Ketanji Onykia qui signifie « la jolie ».
Washington - La juge Ketanji Brown Jackson s'apprête à faire son entrée à la Cour suprême des Etats-Unis, une première historique pour une femme noire pendant près de deux siècles.
Ketanji Onykia Brown est née le 14 septembre 1970 à Washington. Ses parents, Johnny et Ellery Brown, voulant honorer leurs ancêtres africains, avaient demandé à un volontaire du Corps de la paix servant en Afrique de l’Ouest de leur donner une liste de noms africains. Ils ont choisi celui de Ketanji Onykia qui signifie « la jolie ».
Bien que née dans la capitale, Ketanji Brown a grandi en Floride, son père professeur d’histoire, voulant apprendre le droit dans une université de Miami. C’est en le voyant potasser ses ouvrages juridiques qu’elle a pris goût pour le droit.
A son lycée, elle était une élève particulièrement douée pour l’art oratoire, participant à des concours de débats avec d’autres écoles, et remportant de nombreux prix. Elle était très populaire, et avait été élue « maire » de son lycée.
Une fois ses études secondaires terminées, elle avait choisi d’aller à Harvard, ignorant le conseil de l’un de ses professeurs qui lui avait dit : « En tant que noire, ne visez pas trop haut!".
Non seulement, elle fut admise à la prestigieuse université où elle obtint deux diplômes dont l’un de droit avec la mention cum laude (avec grande louange), mais c’est sur ce campus qu’elle rencontra son futur mari, Patrick Jackson.
«Il fut mon premier amour» a-t-elle déclaré en le présentant lors des audiences de sa confirmation devant la commission judiciaire du sénat.
C’est une tradition pour une personne dont la nomination doit être confirmée par le sénat de présenter sa famille avant que ne commencent les questions des sénateurs.
Ketanji Brown Johnson a salué son mari, un chirurgien blanc, déclarant: «Je ne doute pas un seul instant que sans lui à mes côtés depuis le début de mon incroyable parcours professionnel, rien de tout cela n’aurait été possible».
Et effectivement quelle carrière ! La jeune juriste aura alterné entre le secteur privé en tant qu’avocate et le service public.
Elle a tâté au journalisme, un an au magazine Time, et un peu au théâtre, donnant la réplique à Matt Damon dans une classe d’art dramatique.
Mais c’est bien sûr le droit qui aura occupé la majorité de sa vie professionnelle: En tant que défenseur commis d’office, elle a défendu les démunis qui ne peuvent s'offrir un avocat. Elle a siégé à la commission de la détermination de la peine. Ses membres décidèrent d’alléger les peines sur l’usage de drogues qui pénalisent de façon disproportionnée les noirs.
En 2012, le président Barack Obama l'a nommé juge à la Cour fédérale du district de Washington. Le sénat l’approuve sans problème.
En mars 2021, la Jolie Ketanji Brown Jackson franchissait un échelon supplémentaire, le sénat approuvant par 53 voix contre 44 sa nomination à la Cour d’appel.
Puis, puis le 25 février de cette année, Joe Biden, honorant sa promesse de nommer la première femme noire à la Cour suprême, la choisit pour succéder au juge progressiste Stephen Breyer qui prend sa retraite en juin.
Si elle est confirmée, comme c’est pratiquement certain depuis que les sénateurs républicains Mitt Romney, Susan Collins et Lisa Murkowski, ont annoncé qu'ils se joindront aux 50 démocrates pour approuver sa nomination, (le sénat devrait voter le 8 avril).
L'arrivée de Mme Jackson ne changera rien à la composition idéologique de de la Haute Cour. Les conservateurs y maintiendront leur majorité de six contre trois, la nouvelle venue ne faisant que remplacer un juge de sa famille politique.
Lors de son audition de confirmation de trois jours devant la Commission judiciaire du Sénat, Ketanji Brown Jackson a dû affronter avec calme et dignité le tir nourri de questions en majorité hostiles des 11 sénateurs républicains. Leurs 11 homologues démocrates jouaient le rôle de supporteurs de la candidate.
Mais ses soutiens les plus solides se trouvaient assis derrière elle : son mari, Patrick, dont les chaussettes colorées représentant les présidents Washington, Lincoln et Kennedy ont attiré l’attention des médias, et ses deux filles Leila et Talia.
Leila en 2016 avait adressé une lettre au président Obama pour lui demander de nommer sa mère à la Cour suprême, après la mort du juge conservateur Antonin Scalia. Cela aura pris un peu plus de temps, mais Ketanji Brown Jackson est aujourd’hui prête à écrire son nom dans l’histoire. Une consécration qui ne surprendra pas ses anciens camarades de lycée qui, émerveillés par sa personnalité et ses capacités intellectuelles, savaient qu’elle irait loin. La seule question restante selon eux à l’époque était celle de savoir si elle finirait à la Cour suprême, ou à la Maison Blanche !