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Journée de l'écrivaine maghrébine : écriture féminine et ses perspectives
Tunis - Ce n'est pas par hasard si la Journée de l'écrivaine maghrébine est célébrée le 9 mars de chaque année au lendemain de la Journée internationale de la femme, car l'ultime objectif est d'attirer l'attention sur la réalité de la production littéraire des femmes au Maghreb et ses perspectives.
Il va sans dire que l'écriture des femmes maghrébines a des caractéristique littéraires et artistiques qui ne peuvent être niées, d'autant plus que cette production a souvent été associée au désir d'émancipation de soi et à une quête permanente des voies pour surmonter les obstacles sociétaux et culturels entravant son développement.
Dans ce sens, il n'est pas possible d'évoquer la journée de l'écrivaine maghrébine sans rappeler la réunion organisée à Rabat en mars 2016, sous le signe "Session de feue Fatima Mernissi", à l'occasion de la Journée nationale de l'écrivaine marocaine, et qui a été marquée par la participation de plus de 120 écrivaines et journalistes marocaines, algériennes, tunisiennes, mauritaniennes et libyennes.
La déclaration finale sanctionnant cette rencontre maghrébine et ses recommandations ont constitué l'une des étapes importantes ayant abouti à la proclamation du 9 mars journée de l'écrivaine maghrébine, l'objectif étant de mettre en évidence les points communs entre ces professionnelles de la plume dans la région, faire entendre leur voix et valoriser leur production dans toutes ses manifestations et formes.
Cette rencontre a été l'occasion pour élire la présidente de la Ligue des écrivaines du Maroc Aziza Yahdih comme présidente de la ligue des écrivaines maghrébines.
Pour nombre d'observateurs, la place de choix occupée par la femme maghrébine dans le monde de l'écriture n'est pas le fait du hasard ou du vide, mais le fruit de facteurs ayant permis de stimuler la relation de la femme avec l'écriture et la pousser à enrichir la scène culturelle maghrébine.
Parmi ces facteurs figurent le développement qu'ont connu les sociétés maghrébines et leur ouverture sur les préoccupations de la femme en tant qu'acteur influent dans la société, la politique et l'imaginaire. Cette ouverture a été confortée par les conventions internationales qui défendent les femmes et leur droit à la liberté d'expression.
S'ajoutent à ces facteurs une ouverture de l'espace maghrébin sur toutes les composantes de la société et le saut qu'a connu la liberté d'expression.
Cette ouverture s'est reflétée également dans la production des femmes maghrébines, qui ont opté pour des nouvelles formes d'expression littéraire à travers de multiples formes textuelles, allant de la biographie à l'écriture romanesque et poétique, ayant permis l'émergence d'un nombre important d'écrivaines dans la région maghrébine.
Que ce soit en termes d'accumulation quantitative ou qualitative, la littérature féminine maghrébine a franchi une voie importante qui a commencé à trouver une résonance respectable dans le critique arabe, dont l'étude du chercheur tunisien Ben Jomaa Bouchoucha "Le roman féminin maghrébin" (2003), "Bibliographie des créatrices maghrébines" (2006) de Zhor Karam et Mohamed Yahya Qassimi, "Identité et différence dans le roman féministe dans le Maghreb" (2008) de Said Ben Bouza et "Narration du corps et de séduction de la langue: Lecture dans la dynamique de la narration féminine et l'expérience de la signification" (2011) de Lakhdar Ben Sayeh.
Il est devenu aujourd'hui, plus que jamais, plus facile pour le disciple de la créativité romancière maghrébine d’entrevoir les aspects importants de la transformation de ce champ, avec en particulier une présence féminine remarquable et des créations féminines qui visent l'épanouissement personnel. Tout cela a été à l’origine d’une créativité qui a été lentement réalisée depuis le milieu du siècle dernier, puis à un rythme plus rapide au cours des deux dernières décennies.
L'expérience de Malika El-Fassi, Khnnata Bennouna, Amina Al-Louh, Fatima Al-Raoui, Zainab Fahmy, Malika Al-Asimi et Leila Abou Zaid et bien d'autres, a constitué bel et bien le fondement de la forme créative traduisant l'écriture féminine au Maroc et de l'imagination féminine dans le système des genres littéraires narratifs et poétiques.
Force est de constater que quelques années après l'indépendance de la Tunisie, une forme de créativité féminine tunisienne était devenue évidente, notamment avec Aaroussia Naluti, Amal Mokhtar, Masouda Bou Bakr, Zubaida Bachir, Laila Mami, Nafleh Dahab, Fatima Selim, Hayat Ben Cheikh, Hind Azzouz, Naima Al-Said, Najia Thamer et bien d'autres qui étaient présentes sur la scène créative.
En Algérie, des plumes féminines ont émergé du lot et ont pu se distinguer. Il s’agit surtout de Asia Jabbar, Malika Mokadam, Ahlam Mostaghanemi, Fadila Al-Farouq, Yasmina Saleh et bien d'autres.
S’agissant de la Libye, la première à avoir écrit un roman est bien Mardia Naass, à travers son œuvre "L'enveloppe bleue", avant l'apparition d’autres noms tels que Charifa Al-Qiyadi et Fawzia Chalabi.
Il va sans dire que parler de "littérature maghrébine" ne présuppose pas l'unité ou la symétrie entre les textes écrits à travers les pays du Maghreb, car il existe plusieurs facteurs qui influent sur chacun des pays maghrébin, ce qui exige de prendre en compte la diversité dans la littérature produite, bien que la proximité géographique, historique et linguistique puisse aider à déceler les caractéristiques de similitude.
Force également est de constater que le terme littérature féminine a suscité un large débat dans la vie culturelle maghrébine, étant donné le foisonnement de publications féminines sous diverses formes d'écriture, ainsi que les prix et les séminaires portant sur les écrits des femmes. A la question somme tout à fait légitime de savoir s'il existe réellement une littérature féminine, certains n’hésitent pas à répondre que la créativité est par essence humaine.
Néanmoins, un examen plus approfondi de cette littérature recommande de ne pas omettre l'influence de la langue du colonisateur qui a été intégrée aux programmes d'enseignement et aux moyens de communication quotidienne dans les pays du Maghreb, ce qui a conduit à un produit littéraire se caractérisant par une sorte de dualité en raison de la réalité de la double langue à l'époque coloniale et au-delà, bien que la littérature maghrébine écrite en arabe s'est développée par rapport à celle écrite en langues étrangères, notamment en ce qui concerne le roman.