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L'explosion des bipeurs, un coup dur porté au système de communication du Hezbollah
Photo prise le 18 septembre 2024 dans la banlieue sud de Beyrouth montre les restes de téléavertisseurs explosés dans un lieu non divulgué. l. (Photo par AFP)
Les explosions simultanées de centaines de bipeurs utilisés par le Hezbollah à travers le Liban est un coup dur porté au système de communication de la puissante formation pro-iranienne qui pourrait affaiblir ses capacités de guerre contre Israël.
Cette attaque inédite s'ajoute à d'autres qui ont visé le Hezbollah ces derniers mois, notamment des opérations ciblées contre des commandants ou responsables du groupe, comme Fouad Chokr, un chef militaire tué dans une frappe israélienne le 30 juillet près de Beyrouth.
Les responsables de l'attaque meurtrière aux bipeurs contre les membres du mouvement pro-iranien Hezbollah au Liban mardi, "devront rendre des comptes", a réclamé mercredi le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk.
"Le ciblage simultané de milliers de personnes, qu’il s’agisse de civils ou de membres de groupes armés, sans savoir qui était en possession des engins ciblés, où ils se trouvaient et dans quel environnement ils se trouvaient au moment de l’attaque, constitue une violation du droit international des droits de l’homme et, dans la mesure où il est applicable, du droit international humanitaire", a souligné M. Türk dans un communiqué.
Les bipeurs sont un système de radiomessagerie utilisé par des membres du mouvement islamiste, combattants, personnel de santé ou cadres administratifs, pour éviter d'avoir recours aux téléphones mobiles, le réseau libanais étant infiltré par Israël, selon une source de sécurité.
Au moins 12 personnes ont été tuées et quelque 2.800 blessées dans les explosions simultanées mardi de ces appareils dans les bastions de la puissante formation politique et militaire.
Les explosions se sont produites dans la banlieue sud de Beyrouth, qui abrite la direction du parti et ses principales institutions, dans le sud du pays où ses combattants ont ouvert un front avec Israël depuis près d'un an, et dans l'est du pays où seraient entreposées ses armes les plus puissantes.
Une source proche du Hezbollah souligne qu'il s'agit "du plus gros coup jamais porté à la formation" par Israël.
Réseau fixe parallèle
Depuis le début de la guerre d’extermination des Palestiniens par l'armée israélienne, le 7 octobre 2023, le Hezbollah lance des attaques contre Israël depuis le sud du Liban, sans conséquence notables toutefois, pour soutenir son allié palestinien.
Dès les premières semaines, la formation islamiste avait demandé à ses combattants de ne plus avoir recours aux téléphones portables pour éviter que l'armée israélienne, qui mène régulièrement des frappes ciblées au Liban, puisse les localiser.
Les bipeurs, dont un certain nombre provenait d'une cargaison d'un nouveau modèle importé, servent "à appeler les combattants au front, demander à des cadres administratifs ou des personnels de santé de rejoindre leur poste, mais également avertir du survol d'un drone israélien", explique la source de sécurité qui a demandé à ne pas être identifiée.
Hicham Jaber, un général libanais à la retraite tempère cependant l'importance de l'attaque de mardi et assure que le Hezbollah "possède d'autres moyens de communications secrets".
Il explique que le parti a construit depuis de longues années "un réseau intérieur de télécommunications", parallèle au réseau officiel libanais de téléphone fixe, "qu'il emploie pour ses communications entre les régions et avec ses chefs".
Mais une source de sécurité qui a requis l'anonymat indique que le mouvement "soupçonne qu'une partie de ce réseau, dans le sud du pays, a pu être infiltrée par Israël".
"Il s'agit clairement d'une faille technologique et sécuritaire" pour le Hezbollah, estime l'analyste Amal Saad, experte de la formation. "Son commandement et son contrôle en seront affectés et il devra certainement trouver de nouveaux moyens d'éviter de telles failles."
Heiko Wimmen, responsable du Liban, de la Syrie et de l'Irak à l'International Crisis Group, estime lui aussi que le mouvement "devra maintenant évaluer son système de communication (...) et trouver des solutions de remplacement".
Bilan humain élevé
Outre l'impact sur son système de télécommunication, le bilan humain est très élevé pour le Hezbollah, qui a déjà perdu plus de 400 combattants depuis le début des violences avec Israël le 8 octobre dernier.
"Nous parlons probablement de centaines de personnes qui (...) ne seront pas en mesure de remplir les rôles qu'elles occupent au sein du parti. Bien sûr, c'est très perturbant", affirme M. Wimmen.
Le général Jaber, lui, tempère cette analyse: "On parle de près de 3.000 blessés alors que le parti a 50.000 combattants".
Il ajoute qu'aucun haut responsable politique du parti n'utilisait ces bipeurs et qu'ils ont été épargnés par les explosions.
Mais le fils d'un député du Hezbollah, Ali Ammar, a été tué, alors que le fils d'un autre député, Hassan Fadlallah, ainsi que le fils du chef de l'appareil sécuritaire du Hezbollah, Wafic Safa, ont été blessés.
D'après la source de sécurité, un important responsable des opérations militaires dans le sud a été blessé et le Hezbollah est encore sans nouvelles de certains combattants de la ligne de front dont les bipeurs ont explosé.
Pour les analystes, ces pertes devraient se répercuter sur la direction des opérations contre Israël.
"Dans toute guerre, une communication sûre est vitale. Si l'ennemi parvient à pénétrer vos communications, vous êtes en grande difficulté", explique Heiko Wimmen.
"Il est évident que cela aura un impact sur la capacité du Hezbollah à mener la guerre (...) et sur ses calculs militaires", estime pour sa part Amal Saad. (Quid avec AFP)