Le G20 de New Delhi : Lavrov et Lula satisfaits, la ‘’parade’’ de Biden à la ‘’route de la soie’’, Macron effacé

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Le Premier ministre indien Narendra Modi (à droite) et le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva se serrent la main lors d'une réunion bilatérale après la session de clôture du sommet du G20 à New Delhi, le 10 septembre 2023. (Photo by PIB / AFP) /

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Le Premier ministre indien Narendra Modi a conclu dimanche un sommet du G20 qualifié de succès notamment par la Russie et le Brésil, qui accueillera la prochaine édition à Rio de Janeiro.

L'Inde, pays hôte cette année, a réussi à faire adopter une déclaration commune, qui dénonce le recours à la force à des fins de conquête territoriale, mais s'est abstenue de critiquer directement l'invasion de l'Ukraine par Moscou.

Si Kiev avait affirmé dès samedi, par la voix d'un porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, que "le G20 n'a pas de quoi être fier", le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé pour sa part dimanche que "le sommet est sans aucun doute un succès".

"Nous avons été capables de déjouer les tentatives de l'Occident pour « ukrainiser » l'ordre du jour du sommet", s'est félicité lors d'une conférence de presse à New Delhi M. Lavrov, qui emmenait la délégation russe en l'absence du président Vladimir Poutine. "Le texte ne mentionne pas la Russie du tout."

"La présidence indienne a vraiment réussi à unir les participants au G20 qui représentent le Sud global", a ajouté M. Lavrov, suggérant que le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine ont pu faire entendre leur voix.

"Besoin de paix"

D'après un message sur X (anciennement Twitter) du responsable indien Amitabh Kant, un des organisateurs clés du sommet, le texte de compromis sur l'Ukraine dans la déclaration finale a nécessité "plus de 200 heures de négociations non-stop, 300 réunions bilatérales (et) 15 projets" de texte.

M. Kant a souligné le rôle joué par le Brésil, entre autres, dans l'élaboration de ce compromis.

"Nous ne pouvons pas laisser les questions géopolitiques bloquer l'agenda des discussions du G20", a fait valoir le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de la dernière session du sommet qu'il a qualifié de "réussi".

"Nous n'avons aucun intérêt à ce que le G20 soit divisé. Nous avons besoin de paix et de coopération au lieu de conflits", a-t-il ajouté.

M. Modi a transmis symboliquement dimanche à Lula le maillet de la présidence tournante du G20, l'assurant de son "soutien" et se disant certain qu'il saura faire "avancer nos objectifs communs".

Le prochain sommet doit se tenir en novembre 2024 à Rio de Janeiro.

Au cours d'un entretien diffusé samedi soir sur la chaîne télévisée indienne Firstpost, Lula a assuré que M. Poutine recevrait une invitation, assurant qu'il n'y serait pas arrêté, en dépit d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) émis en mars, qui accuse le président russe de crimes de guerre pour la déportation d'enfants ukrainiens.

Le Kremlin dément ces accusations, jugeant "nul" le mandat d'arrêt, mais le Brésil, signataire du Statut de Rome de 1998, le traité international qui a entraîné la création de la CPI en 2002, devrait théoriquement l'arrêter s'il entrait sur son territoire.

"Je peux vous dire que si je suis président du Brésil et s'il vient au Brésil, il n'y a pas de raison qu'il soit arrêté", a assuré Lula.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de son côté appelé dimanche, en fin de sommet, à ne pas "marginaliser" la Russie dans les pourparlers pour relancer l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes via la mer Noire.

Il a par ailleurs eu dimanche une réunion bilatérale avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, scellant la fin d'une décennie de brouille entre les deux pays.

"Insuffisant" sur le climat 

Au-delà de l'Ukraine, les pays du G20 sont aussi divisés sur l'avenir du pétrole.

Alors que l'année 2023 est en voie de devenir la plus chaude jamais connue par l'humanité, la déclaration finale a échoué à appeler à une sortie des énergies fossiles, même si elle soutient pour la première fois l'objectif de tripler les renouvelables d'ici 2030.

"C'est insuffisant", a reconnu le président français Emmanuel Macron, qui a "alerté tout le monde" sur la nécessité de fixer des objectifs plus ambitieux, notamment sur la sortie du pétrole. 

Macron, un G20 en retrait

Emmanuel Macron, dont la rentrée diplomatique est compliquée par le coup d'Etat au Niger, n'a pas trouvé d'embellie internationale au sommet de New Delhi, où les pays émergents ont souvent imposé leurs vues.

Il est resté discret pendant le week-end, comme en retrait, lui qui aime se montrer à la manœuvre dans ces cénacles diplomatiques.

Retenu vendredi soir par l'ouverture de la Coupe du monde de rugby en France, il est arrivé très en retard samedi dans la capitale indienne, alors que la déclaration conjointe était déjà quasiment adoptée.

Sur la guerre en Ukraine aussi, le président de la République a dû prendre acte d'une forme d'impuissance dans une instance, le G20, où la Russie a toujours voix au chapitre et où les pays non alignés gagnent en influence.

Dans cette séquence internationale où il peine à dicter le tempo, le chef de l'Etat est en outre aux prises avec la crise nigérienne, qui confirme la fragilité de la politique française au Sahel.

Comme il avait scandé sa tournée en Océanie fin juillet, et marqué sa rentrée devant les ambassadeurs de France fin août, le Niger s'est invité au G20 sans être à l'ordre du jour.

Le régime militaire issu du coup d'Etat du 26 juillet a accusé samedi Paris de "déployer ses forces" dans plusieurs pays ouest-africains en vue d'une "agression" contre Niamey.

Alors que des observateurs jugent inéluctable un prochain retrait des forces françaises basées au Niger, dont le régime militaire réclame le départ, Emmanuel Macron a refusé de se prononcer clairement. "Si nous redéployons quoi que ce soit, je ne le ferai qu'à la demande du président Bazoum", s'est-il borné à dire, ouvrant la porte à de nouvelles spéculations. 

Face à la Chine, Biden lance un vaste projet ferroviaire et portuaire

Une possible réponse aux nouvelles "routes de la soie" de Pékin? Les Etats-Unis ont poussé, à l'occasion du G20, pour un ambitieux projet de "couloir" logistique reliant l'Inde et l'Europe au Moyen-Orient, avec un rôle de premier plan pour l'Arabie saoudite.

Un accord de principe a été signé samedi, à New Delhi, entre les Etats-Unis, l'Inde, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l'Union européenne, la France, l'Allemagne et l'Italie, selon un communiqué diffusé par la Maison Blanche.

"C'est vraiment important": commentant cette signature, le président américain a parlé d'un accord "historique" lors d'une table ronde rassemblant les dirigeants concernés.

C'est "beaucoup plus que « seulement’ du rail ou un câble", a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, évoquant "un pont vert et numérique entre les continents et les civilisations".

A la fin de la réunion, Joe Biden s'est approché du Premier ministre indien Narendra Modi, hôte du sommet du G20, et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, pour une poignée de main collective.

"Nous voulons lancer une nouvelle ère connectée via un réseau ferroviaire, reliant des ports en Europe, au Moyen-Orient et en Asie", selon un document diffusé par l'administration Biden à propos de la grande annonce de "couloir" entre l'Inde et l'Europe. L'objectif est de créer des "nœuds commerciaux", tout en "encourageant le développement et l'exportation d'énergies propres".

Il s'agira aussi de poser des câbles sous-marins.

De source proche du dossier, le projet prévoit aussi un couloir d'hydrogène qui relierait notamment Dubaï, aux Emirats arabes unis, et Jeddah, en Arabie saoudite, avec le port israélien de Haïfa et ensuite à des ports européens. La France espère que Marseille puisse être la "tête de pont" européenne du chantier, le président Emmanuel Macron vantant "l'expertise" des entreprises françaises en matière de transports et d'énergie.

Le projet doit également "faire progresser l'intégration au Moyen-Orient", y compris entre des "partenaires improbables", a commenté le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, qui a mentionné Israël et la Jordanie parmi les pays concernés.

Joe Biden, soucieux de laisser sa marque diplomatique dans la région, s'efforce de convaincre l'Arabie saoudite et Israël de normaliser leurs relations.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que les États-Unis avaient approché Israël il y a plusieurs mois pour ce projet qui, selon lui, "remodèlera le visage du Proche-Orient".

"L'Etat d'Israël sera une plaque tournante de cette initiative économique", a-t-il réagi samedi soir dans un communiqué. (Quid avec AFP)

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