Les paradoxes d’un sommet voulu comme celui du ‘’Rassemblement’’

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La Ligue arabe, qui regroupe 22 pays, dont l’essentiel des chefs d’Etat seront absents, s'était réunie pour la dernière fois au sommet en mars 2019 à Tunis

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Alger - Les dirigeants arabes tiennent ce mardi à partir de 17 h GMT en Algérie leur premier sommet en trois ans, sur fond de divisions persistantes sur les conflits qui agitent la région, notamment la Syrie et la Libye, et le rapprochement de certains Etats avec Israël et surtout les ingérences iraniennes et turques dans les affaires des pays arabes.

Encore le Maroc…

Mais déjà c’est sur fond de polémique avec le Maroc que l’Algérie inaugure ‘’son’’ sommet comme si prenant subitement la mesure de l’échec de cette grand-messe, elle cherche, pour ne rien changer, à mettre le fiasco sur le dos du Maroc pour s’éviter la profonde révision de ses choix que lui impose sa situation.

S’exprimant sur la chaine Al-arabiya, le ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, occultant les provocations à l’endroit de la délégation diplomatique et médiatique du Maroc, a encore fait la preuve de son cynisme habituel déclarant : « c’est aux historiens de dire à l’avenir s’il y avait une occasion ratée pour le Maghreb arabe et le monde arabe » et si « la réponse est positive, de dire qui assumerait un tel échec ». Nul besoin de suivre son regard pour saisir un sous-entendu éculé. 

La minorité et la majorité

La Ligue arabe, qui regroupe 22 pays, dont l’essentiel des chefs d’Etat seront absents, s'était réunie pour la dernière fois au sommet en mars 2019 à Tunis, avant la pandémie de Covid-19.

Depuis, plusieurs membres de la Ligue, qui a historiquement placé le soutien à la cause palestinienne et la condamnation d'Israël en tête de son agenda, ont opéré un rapprochement spectaculaire avec l'Etat hébreu.

Les Emirats arabes unis ont ainsi normalisé leurs relations avec Israël en 2020 dans le cadre d'une série d'accords d'Abraham, négociés par Washington. Bahreïn, le Maroc et le Soudan l’ont rejoint par la suite en attendant l’Arabie Saoudite qui entretient publiquement des relations de plus e plus étroites, Sachant que l’Egypte et la Jordanie entretiennent avec Tel-Aviv des relations depuis une longue date..

Ce rapprochement est d'autant plus significatif dans le contexte du sommet que le hôte algérien fait de la cause palestinienne le cheval de bataille de sa surenchère verbale dans le soutien aux Palestiniens. Alger a même parrainé à la mi-octobre un accord de réconciliation entre factions palestiniennes rivales, même si elle savait d’avance les chances de le voir se concrétiser sur le terrain sont quasi-nulles.

Alger qui mène dans la région une politique et une diplomatie militaristes prétexte la coopération sécuritaire maroco-israélienne après la reprise de leurs relations pour monter d’un cran les tensions avec Rabat déjà vives en raison de profonds désaccords sur le Sahara marocain, allant de la fermeture unilatérale du gazoduc Maghreb Europe (GME), à la rupture des relations diplomatiques en août 2021, à l'initiative d'Alger.

L'Algérie tente de déployer une diplomatie offensive depuis la répression du Hirak populaire et l'arrivée au pouvoir du président Abdelmadjid Tebboune fin 2019, après des années d'immobilisme sous son prédécesseur grabataire Abdelaziz Bouteflika. Elle se met dans la position de la minorité qui entend dicter sa volonté à la majorité.

Deux pierres d’achoppement : Téhéran et Ankara

Si le conflit israélo-palestinien et la situation en Syrie, en Libye et au Yémen figurent bel et bien à l'ordre du jour du sommet, les dirigeants arabes et leurs collaborateurs devront se livrer à de véritables acrobaties diplomatiques dans la formulation de la déclaration finale, adoptée à l'unanimité, pour éviter de froisser tel ou tel poids lourd de l'organisation.

Selon des sources à la Ligue arabe, les ministres des Affaires étrangères travaillant sur la déclaration finale tentent notamment de parvenir à un compromis sur la façon d'évoquer les "ingérences" de la Turquie et de l'Iran dans les affaires arabes. De nombreux membres, exigent qu'Ankara et Téhéran soient cités nommément alors que d'autres, s'y opposent.

Pour les observateurs, c'est le paradoxe de ce sommet qui se tient sous le slogant du ‘’rassemblement’’ (Lame achamle) brandi par l’Algérie alors même qu’à ses frontières fermées se trouve un pays de la Ligue, le Maroc, auquel elle a également fermé son espace aérien. Le nombre de points de divergences entre pays arabes sont tels qu’il devient compréhensible que plusieurs pays, notamment du Golfe, ne seront pas représentés par leur chefs d'Etat à un sommet qu’Alger a conçu en fonction de ses seuls intérêts avec l’Iran et la Russie, et comme le signal à destination de son opinion publique, de son ‘’grand retour’’ sur la scène internationale .

L'Algérie, encouragée par Moscou, a cherché en coulisses à mettre à profit le sommet pour réintégrer Damas au sein de la Ligue arabe, dont la Syrie avait été exclue fin 2011 au début de la révolte contre le régime de Bachar al-Assad, pour ne récolter qu’un échec devant finalement renoncer, officiellement, pour sauver la face, à la demande du régime syrien lui-même.