Les sens des déclarations d’Emanuel Macron sur l’Islam

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Le président français Emmanuel Macron lors de son discours sur le « séparatisme islamiste » le 2 octobre 2020

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Les élites islamistes ont réservé aux déclarations d’Emanuel Macron sur l’Islam politique (voir encadré) un accueil virulent et ont été diversement critiques tant on n’a pas compris ce qu’il entendait précisément par ce propos. 

Mais quelle que soit l’importance de la colère à l’encontre des déclarations du président français sur la crise de l’Islam, il est essentiel que la compréhension précède la critique. Celle-ci ne peut, en effet, se construire sur une position ou une orientation politique sans avoir auparavant cerné les sens de la sortie macronienne.

Certains ont vu dans ces déclarations des motivations électorales en direction de l’extrême droite en vue de s’allier son électorat. D’autres ont estimé qu’elles sont de nature à lui aliéner une masse importante des voix des musulmans de France.   

Il est toutefois prématuré d’évaluer les éventuelles pertes et profits de cette position. Mais si son objectif obéit à des considérations électorales, il n’est pas acquis qu’il puisse en tirer grand-chose. Le courant de l’extrême droite dispose de ses propres représentations mieux placées qu’Emanuel Macron pour s’attirer les grâces des islamophobes. En même temps, locution chère à l’hôte de l’Elysée, il n’a, non plus, aucune garantie de bénéficier de la sympathie des milieux réfractaires à l’islamophobie s’il s’était abstenu de proférer semblables déclarations.

Les calculs électoraux paraissent ainsi peu convaincants et il y a probablement d’autres mobiles au positionnement du chef de l’Etat français sur ce terrain. La Tunisie qui lui a servi de prétexte, où la tension entre les islamistes et les laïques obstrue la dynamique politique, est l’une de ces raisons. Il est ainsi possible que son message soit défensif pour répliquer à ses adversaires qui l’accusent d’incapacité dans la gestion des tensions avec la Turquie, un modèle expansif de l’islamisme du point de vue français. Par sa position, il voudrait mettre en exergue la réussite de sa politique d’éjection des islamistes tunisiens du carré et du pouvoir, et signifier sa détermination d’aller jusqu’au bout de son action éradicatrice. 

Si Emmanuel Macron utilise l’exemple tunisien, c’est pour prouver aux Français mais aussi à d’autres la justesse de la politique française à l’encontre des islamistes pour suggérer que ses échecs face à Ankara ne sont que momentanés, et qu’à la fin, la seule qui compte, un pays, en l’occurrence la Turquie, qui une vit une crise partout dans le monde, ne peut vaincre la politique française.

Tel qu’il se présente, le message n’est donc pas destiné uniquement aux Français, mais aux islamistes eux-mêmes, notamment dans les régions que Paris considère comme sa chasse gardée. Tout comme il peut être adressé à des décideurs politiques pour leur signifier que la France, après que l’évolution du dossier libyen ait pris un cours loin des desideratas français, ne peut plus supporter plus d’une expérience islamiste dans la région.  

Ce qui est certain, cependant, c’est que les données disponibles démontrent que l’approche française des islamistes n’est pas au même niveau d’efficacité que l’approche américaine. Là où les Français ont opté pour la confrontation avec la Turquie au Moyen Orient, les Américains ont préféré, sur plusieurs fronts, chercher des arrangements. 

Les Etats Unis d’Amérique ont accepté de négocier avec les Talibans à Doha et leurs think tanks ont produit une accumulation de connaissances sur le traitement des islamistes qui aide les décideurs politiques à distinguer les formations islamistes chacune selon sa pensée et ses projets politiques et aussi selon les contextes et systèmes politiques dans lesquelles elles évoluent. La France, elle, a fait montre d’une faiblesse notoire dans ce domaine en raison de sa thèse monolithique sur l’échec des islamistes et du politiquement correct qui bénéficient d’un intense soutien éditorial et médiatique.

Cette carence de la connaissance marquant l’appréhension des islamistes par la France s’est répercutée sur le traitement politique qu’elle leur réserve et a débouché finalement sur la rupture. Dès lors, Paris n’a plus perçu des islamistes que la crise et ne concevait de solution que leur éloignement total du pouvoir. Si bien qu’il est possible que E. Macron se voit contraint aujourd’hui de se défendre d’une partie de ses échecs avec des tendances islamistes en invoquant ses réussites dans d’autres cas pour réaffirmer aux Français que l’Elysée allait persister dans cette voie parce qu’il planerait sur eux  une menace qui a pour nom l’Islam politique à éliminer en profitant de sa crise là où elle se manifeste. /. 

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