Libération de Jacob Zuma : L’opposition crie au scandale

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Eviter la surpopulation dans les prisons et tenir compte de la catégorie des crimes commis et de la durée de la peine, ce sont là les principales raisons avancées par le Commissaire national des services correctionnels Makgothi Samuel Thobakgale pour justifier la libération de Zuma.

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Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)

Johannesburg - La libération de l’ancien Président sud-africain Jacob Zuma en vertu d’une remise spéciale de sa peine, avant les élections générales de l’année prochaine, a suscité fureur et soupçons de la part de la classe politique.

Alors que certains experts disent que Zuma , âgé de 81 ans, devrait faire face à la loi, d’autres pensent qu’il ne devrait pas être traité comme un "mouton noir".

Après avoir purgé deux mois de sa peine de 15 mois pour avoir défié une ordonnance de la Cour constitutionnelle de comparaître devant la Commission judiciaire d’enquête sur la capture de l’État, le Département des services correctionnels a décidé que l’ancien président n’avait pas à purger le restant de sa peine de prison.

Étonnamment, Zuma fait partie des 9 488 prisonniers qui devaient bénéficier d’une remise de peine. Le processus de remise spéciale a été lancé le jour-même (le 11 août) de la libération de Zuma. Une décision qui semble être «taillée sur mesure» pour qu’il échappe à la justice, disent certains.

Eviter la surpopulation dans les prisons et tenir compte de la catégorie des crimes commis et de la durée de la peine, ce sont là les principales raisons avancées par le Commissaire national des services correctionnels Makgothi Samuel Thobakgale pour justifier la libération de Zuma. Des exutoires qui sont rejetés par l’opposition qui crie haro.

Et pourtant, la Cour constitutionnelle a rejeté le mois dernier la demande de Zuma d’interjeter appel d’une décision de la Cour suprême d’appel selon laquelle il doit retourner en prison pour terminer sa peine de 15 mois. Il a été libéré sur parole médicale en 2021 par l’ancien chef des services correctionnels Arthur Fraser, dont la décision a été contestée devant le tribunal par le parti Alliance démocratique (DA – opposition), la Fondation Hellen Suzman et d’autres ONG. Cette contestation a été confirmée par les tribunaux, y compris la Cour constitutionnelle.

En réactions, le directeur des études politiques et des relations internationales à l’Université du Nord-Ouest, le Dr Benjamin Rapanyane, a déclaré qu’il était fort probable que le Congrès National Africain (ANC au pouvoir) ait envisagé l’impact potentiel du maintien en prison du chef de la faction de la transformation économique radicale (RET).

En juillet 2021, lorsque Zuma a été arrêté à son domicile de Nkandla et incarcéré au centre correctionnel d’Estcourt, son fief le KwaZulu-Natal et la province de Gauteng, qui comprend Pretoria et Johannesburg, ont éclaté dans une orgie de violence, de pillages et d’incendies criminels, les pires depuis la fin de l’apartheid en 1994. Ce chaos, qualifié par le Président Cyril Ramaphosa de tentative orchestrée de déstabiliser le pays, a entraîné la mort de plus de 350 personnes et coûté à l’économie nationale plus de trois milliards de dollars.

Mais pour les principaux partis de l’opposition et certaines ONG, la décision de donner à l’ancien Président une carte de sortie de prison foule au pied le système judiciaire du pays et, une fois de plus, prouve qu’il n’y a aucune volonté des tenants du pouvoir de mettre Zuma, ou tout autre membre de haut rang de l’ANC, derrière les barreaux, ou de faire systématiquement respecter l’état de droit.

Ils trouvent ainsi embarrassant de voir le ministre de la Justice et des Services correctionnels, Ronald Lamola, essayer, lors d’une conférence de presse, de soutenir la décision d’accorder une remise de peine spéciale à l’ex-président. Certains ont qualifié cette décision de «parodie du système de justice pénale».

C’est le cas du chef du principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), John Steenhuisen, qui a critiqué la décision du Président Cyril Ramaphosa, la qualifiant de "manipulation cynique du système judiciaire et des pouvoirs du gouvernement".

"C’est encore un autre exemple de la façon dont ce gouvernement, et en particulier notre Président, renonce aux principes qui devraient être chers à toute démocratie : l’État de droit et l’égalité devant la loi", déplore-t-il.

Un point de vue que partage le chef du parti «ActionSA», Herman Mashaba, qui a rejeté avec mépris la "solution politique" à la réincarcération de l’ancien président.

"Cette décision se moque du système de justice pénale en Afrique du Sud, en démontrant une fois de plus que le Président Ramaphosa place l’ANC en premier et le pays en second", a-t-il déclaré.

Mashaba a de même dénoncé la décision de libérer 9 488 criminels pour seulement, dit-il, «éviter à Zuma de purger de nouvelles peines de prison».

Idem pour le parti GOOD qui a déclaré que le calendrier du programme de «rémission spéciale» pouvait être remis en question, mais que ce n’était pas le moment de se retourner les uns contre les autres.

«Notre État de droit a été mis à rude épreuve. Notre ancien Président fait toujours face à de graves accusations criminelles pour lesquelles le programme de remise de peine ne devrait pas s’appliquer s’il est reconnu coupable et condamné à une peine d’emprisonnement», soutient-il.

Mais l’ancienne Protectrice publique Thuli Madonsela n’est pas de cet avis. Elle a soutenu la décision d’accorder à Zuma une réduction de peine, en raison de son état de santé.

C’est ce que pense aussi le ministre de la Justice : «Il n’y avait rien de politique dans l’approbation par le Président d’un système de «rémission spéciale» pour les détenus à faible risque.

Nul doute que la libération de l’ex-président sera à nouveau contestée devant les tribunaux, mais il y a peu ou pas de confiance qu’il passera son temps derrière les barreaux. C’est un cas où «tous les citoyens sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres».

La décision tant attendue de savoir s’il retournerait un jour en prison pour les différents chefs d’accusations retenues contre lui allait toujours être une pomme de discorde sérieuse et controversée.