Marco Rubio, secrétaire d’Etat de Trump, que d’eau a coulé sous les ponts - Par Hatim Bettioui

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Malgré les qualificatifs péjoratifs dont Rubio avait affabulés Trump, tels que "escroc" et "la personne la plus vulgaire ayant jamais aspiré à la présidence"

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Ainsi va le monde. En 2016, le sénateur républicain dur d'origine cubaine, Marco Rubio, avait rivalisé avec Donald Trump pour obtenir l'investiture du Parti républicain à la présidence des États-Unis. 

Cependant, Trump, élu à nouveau président en 2024, l'a nommé secrétaire d’Etat (Affaires étrangères), malgré les qualificatifs péjoratifs dont Rubio avait affabulés le candidat Trump, tels que "escroc" et "la personne la plus vulgaire ayant jamais aspiré à la présidence". Comme quoi en politique il n’y a ni amitié ni hostilité éternelles et apparemment beaucoup d’eau a coulé sous les ponts dans la relation entre les deux hommes.

Marco Rubio sera le 17e ministre des Affaires étrangères depuis Henry Kissinger, qui occupa ce poste sous les présidences de Richard Nixon et Gerald Ford (1973-1977), et sera le premier Latino à occuper cette fonction. 

Un secrétaire d’Etat bavard

Kissinger a marqué la politique mondiale de son intelligence et de sa prudence diplomatique. On raconte que, lors de ses négociations avec la Chine dans les années 1970, il parlait beaucoup et de manière complexe. Le traducteur chinois remarqua l'irritation du leader chinois Mao Zedong face à la longueur de ses propos., et résuma alors un long propos de Kissinger en une phrase très courte, ce qui fit sourire Mao qui dit : « Enfin, vous avez résumé! ». Quand Kissinger apprit l'anecdote, il éclata de rire et dit : « Je suis heureux d'avoir été clair malgré la concision ! »

Cyrus Vance (1977-1980), secrétaire d’Etat sous Jimmy Carter, était connu pour son travail acharné et ses heures de labeur interminables. Ses subordonnés le surnommaient « Cyrus sans fin ». Il fut brièvement remplacé par Edmund Muskie (1980-1981).

Sous la présidence de Ronald Reagan, c’est un général, Alexander Haig, qui fut nommé à ce poste prestigieux et stratégique (1981-1982). Il parlait et agissait selon un style militaire rigide, même dans les situations diplomatiques qui nécessitaient tact et souplesse. Lors d’une réunion avec le président Reagan, Haig présentait une stratégie militaire complexe, ce à qui fait dire à Reagan : « Alex, nous sommes ici pour parler de politique étrangère, pas pour planifier l'invasion de Mars ! »

Haig ne resta pas longtemps au ministère des Affaires étrangères et démissionna rapidement. Il fut remplacé par George Shultz (1982-1989), qui joua un rôle clé dans la guerre froide et les négociations avec l'Union soviétique. Shultz était aussi connu pour son sens de l'humour dans la gestion des crises. Il est dit qu’au cours d’une réunion épuisante sur une crise politique, l’un de ses assistants suggéra de faire une pause, et Shultz surprit tout le monde en disant : « Nous devons prendre une pause, non pas parce que nous avons résolu le problème, mais parce que j’ai besoin d’un café. »

Renard ou seulement astucieux ?

Le président George H. W. Bush nomma James Baker (1989-1992) pour mener la diplomatie américaine à la fin de la guerre froide et lors de la première guerre du Golfe. Un journaliste le qualifia de « d’astucieux diplomate », et Baker répondit : « Astucieux ? Je considérerai cela comme un compliment tant que je ne serai pas qualifié de renard ! »

Lors de la dernière année du mandat de Bush père (1992-1993), Lawrence Eagleburger lui succéda. Eagleburger était un homme corpulent et, lorsqu’un de ses assistants lui conseilla de suivre un régime alimentaire plus sain, il répliqua : « La diplomatie nécessite un poids lourd, et je l'offre gratuitement ! »

Sous Bill Clinton, Warren Christopher (1993-1997) fut nommé ministre des Affaires étrangères. Il était surnommé « l’homme le plus calme de Washington », car il levait rarement la voix ou montrait des émotions fortes. Ce calme suscitait des commentaires sarcastiques, et on disait que les réunions qu’il dirigeait pouvaient être « un moyen efficace de traiter l’insomnie ».

Les broches de Madeleine Albright

Lors du second mandat de Clinton, Madeleine Albright (1997-2001) fut choisie pour devenir la première femme secrétaire d’Etat de l’histoire des États-Unis. Albright était connue pour porter des broches symbolisant des messages diplomatiques indirects. Lorsqu’elle était en colère ou voulait transmettre un message ferme, elle portait des broches représentant des serpents ou des animaux sauvages.

Sous George W. Bush, Colin Powell (2001-2005), le premier Afro-Américain à occuper ce poste, devint ministre des Affaires étrangères. Powell était un grand amateur de café noir. Un jour, un journaliste lui demanda quel était le secret de son énergie malgré un emploi du temps chargé, il répondit : « Le café est le secrétaire d’Etat parallèle, il me garde éveillé pendant que je gère les crises ! »

Ensuite, Condoleezza Rice (2005-2009) prit le relais et joua un rôle central dans la guerre contre le terrorisme. De nombreuses anecdotes circulaient à son sujet, notamment qu’elle répondait toujours aux questions récurrentes sur son célibat en plaisantant : « La politique est mon premier et dernier mariage », un commentaire qui reflétait son engagement envers son travail.

Hillary Clinton la globe trotter 

Lorsque Barack Obama arriva à la Maison-Blanche, Hillary Clinton (2009-2013) fut nommée ministre des Affaires étrangères. Elle se concentra sur le renforcement du soft power et de la diplomatie numérique. Elle devint l'une des ministres des Affaires étrangères les plus voyageuses de l'histoire, visitant 112 pays et parcourant plus d’un million de kilomètres aériens, au point que l’on l'appela « la ministre voyageuse ».

Lors du second mandat d’Obama, John Kerry (2013-2017) la remplaça, et joua un rôle clé dans les négociations de l’accord nucléaire iranien et de l’Accord de Paris sur le climat.

Avec l’élection de Donald Trump, Rex Tillerson fut nommé ministre des Affaires étrangères, mais il ne resta pas longtemps en poste (2017-2018), des rapports de presse faisant état de ses conflits fréquents avec le président. Il fut remplacé par Mike Pompeo (2018-2021), qui se concentra sur la confrontation avec la Chine et l’Iran, tout en apportant un soutien sans faille à Israël.

Sous Joe Biden (2021-2024), Antony Blinken fut nommé ministre des Affaires étrangères et resta en fonction jusqu’à la fin du mandat présidentiel. Lors d’une occasion, il se présenta en disant : « Je suis Blinken… sans clignotement (blink), mais avec beaucoup de diplomatie ! ». Il semble que Blinken ait parfaitement réussi à se décrire lui-même.

Du très prochain secrétaire d’Etat, Rubio, nombreux sont ceux qui s'attendent à ce qu’il emplisse le monde de bruits, car il pousse depuis longtemps à adopter une politique américaine plus ferme vis-à-vis de l'Iran, de la Chine et du Venezuela. Mais les désirs sont une chose, et les contraintes du poste et les défis de la réalité en sont une autre, ce qui pourrait indiscutablement brider son enthousiasme.

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