International
Miss Algérie, le cri de cœur et le coup de gueule de Yassmina Chellali
Khadija Benhamou est une jeune et belle algérienne. Si belle qu’elle vient d’être élue Miss Algérie. Ses origines, Adrar, son teint miel bronzé, ses cheveux noir d’ébène bouclés, son sourire, j’allais dire flagrant, ravissent les sens. Mais le goût du splendide, n’est pas le sens le mieux partagé. Et le propre de la bêtise est de ne rien voir en dehors de sa laideur. Ou plutôt de voir à l’envers. Elle a la peau foncée, elle est du sud du pays, du sang berbère coule dans ses veines, elle ne peut être belle. C’est le cogito de l’ignorance. Qui révolte la styliste algérienne Yasmina Chellali. Cri de cœur et coup de gueule. Khadija Benhamou, une fierté algérienne, hurle-t-elle. (NK)
Comment garder le silence devant cette déferlante de racisme sur les réseaux sociaux contre la nouvelle miss nationale, incarnation de la beauté saharienne et de la diversité algérienne ? Face à ces critiques dévastatrices, la presse mondiale s’indigne et se scandalise. L’image internationale de notre pays en prend un coup.
La styliste, la femme que je suis tout simplement, s’encolère et s’insurge contre ces attaques injustifiables. Les défilés de haute couture, dans les grandes capitales, déclinent des vénus de toutes les couleurs. Chaque culture participe au concert planétaire avec ses singularités locales.Il est définitivement révolu le temps où les canons de la beauté se fardaient uniquement de blancheur. Il faut preuve d’une perfide ignorance pour oublier que la société algérienne est, depuis toujours et pour toujours, africaine, berbère, touareg,arabe, et que son cœur adrarien palpite de son authentique ancestralité.
Réveille-toi Tin Hinan, nos contemporaines oublient leurs magnifiques origines ! Elles ont honte de leur algérianité. Elles s’européanisent, elles s’occidentalisent, elles s’internalisent. Elles entretiennent et pérennisent inconsciemment le mythe colonial de la beauté blanche. Elles usent et abusent des chimies cancérigènes pour s’éclaircir la peau. Elles se botoxisent pour effacer leurs particularités ethniques. Que savent ces femmes, fascinées par les artifices de la modernité, de l’histoire réelle, de la géographie réelle, la beauté réelle, dépouillée des fadeurs superficielles ?
La nouvelle miss est née dans la villed’Adrar, carrefour de civilisations si anciennes que leurs vestiges remontent à la préhistoire, plaque tournante des caravanes et des transhumances sahéliennes, centre de rayonnement scientifique et théologique. L’Adrar ne signifie-t-il pas « montagne » en amazighe ? Une montagne génératrice d’une culture multimillénaire, de sublimités héréditaires, de merveilles vestimentaires, de parures extraordinaires. Et des beautés brunes lovées dans leurs gandouras fascinantes et leurs écharpes tourbillonnantes.
Cette beauté intrinsèque du sud, je la vois déesse majestueuse, drapée d’une melhfa bleue touareg, coiffée de chèches multicolores, parée d’une croix d’Agadez et de bijoux argent, visage d’étain dans sa sérénité magnétique, regard pur et lointain dans son infinité désertique. Voici ma vision, je la sais envoûtante. Des femmes intelligentes, par bonheur, s’activent et se solidarisent. Khadija Benhamou est une fierté algérienne.
Yasmina Chellali.
Styliste.