Qui a aidé le Hamas ? - Abdelahad Idrissi Kaitouni

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Ismaïl Haniyeh (tout à gauche) à Gaza, le 27 mars 2017, est assis au côté de Yahya Sinouar, leader du mouvement à Gaza, qui tient sur ses genoux l'enfant d'un combattant du Hamas tué.( AFP/Mahmud Hams)

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Rien ne va plus avec la France ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

Si vous posez cette question à un échantillon de plusieurs milliers ou millions de personnes, vous allez recueillir à 99% la même réponse : l’Iran. Je garde pour moi l’insignifiant privilège d’appartenir au 1% restant.

Et j’aurai l’outrecuidance de dire que si dans cette immense majorité qui incrimine l’Iran, la quasi-totalité fait dans le panurgisme stupide, je n’ai aucun doute à penser que l’extrême minorité de 1% se compose de très nombreuses personnes capables d’étayer avec force argument l’avis contraire.

Pour construire l’argumentaire, posons-nous la question : comment l’Iran aurait-il pu apporter une aide aussi massive au Hamas à la barbe du Shin Beth et du Mossad, les services israéliens réputés pour leur redoutable efficacité, les meilleurs du monde ? En effet, l’opération du 7 octobre était inédite, car massive, impressionnante, mobilisant des moyens considérables en hommes et matériels.

Comment peut-on imaginer un instant que malgré le quasi blocus de Gaza, les Israéliens n’ont jamais pu déceler le passage de milliers de tonnes de matériels suspects nécessaires à la fabrication de dizaines de milliers de fusées et des explosifs qui vont avec, ainsi que bien d’autres armements ?

Impossible de penser à de la négligence, encore moins à la carence des gardes-frontières israéliens. Ils sont très professionnels et bien rompus à cette surveillance depuis de longues années. De plus, des dispositifs électroniques de plus en plus sophistiqués apportent des améliorations constantes à la détection de tout objet suspects. Les moyens informatiques sont là pour recouper le contenu de toutes les cargaisons.
Je ne ferai jamais injure à l’intelligence des Palestiniens, elle est bien capable de craquer les dispositifs de sécurité israéliens de manière ponctuelle et ciblée. Cela a été démontré par le passé. Mais de là à le faire à une échelle aussi massive, il y a une limite qui dépasse l’entendement, du moins mon entendement.

N’allez pas en rajouter en me rappelant que dans l’adversité l’homme se montre extrêmement ingénieux. Il faut admettre, et encore une fois sans chercher à douter du génie palestinien, que la barrière dressée par l’occupant n’a cédé qu’avec la complicité agissante d’Israël, et ce, au plus niveau.

Autre argument qui met à mal la théorie de la complicité iranienne, c’est la composante humaine. Pour mener une opération de l’envergure de celle du 7 octobre, il a fallu mobiliser plusieurs milliers de personnes. D’après des commentaires, post-opération recueillis lors de bulletins d’informations ici et là, l’opération aurait nécessité entre 3 500 et 5 000 combattants selon les commentateurs.

Un tel nombre comporte en lui-même un énorme risque de fuites. Mais apparemment rien n’a filtré. Pourtant, on sait qu’Israël a tissé depuis longtemps un redoutable réseau d’informateurs qui lui permet de suivre les personnes ciblées dans leurs moindres mouvements, ainsi que de recueillir des données compromettantes sur les personnes fichées ou non.

Comme de plus Israël dispose du système d’écoutes téléphoniques, et de dispositifs de surveillance des réseaux internet, les plus élaborés au monde, il est surprenant que pendant tous les mois de préparations de l’offensive, les Israéliens n’aient décelé aucune alerte.

Par ailleurs depuis les trois derniers mois, les principaux responsables du Hamas, accompagnés de leurs familles et de leurs proches ont quitté Gaza pour séjourner durablement dans les pays du Golfe. Bizarre que cette transhumance simultanée n’ait pas alerté les fins limiers israéliens.

On est médusé de voir que le professionnalisme hors nomes des services israéliens s’était subitement évanoui. Là encore, on ne fera pas croire à de la négligence, il n’y a pas eu défaillance non plus, juste une complicité agissante d’Israël pour laisser faire.

Pourquoi Israël a-t-il laissé faire ? Pourquoi en ce moment précis ? Pour ceux qui suivent assidûment le conflit, ils ne seront pas étonnés de retrouver les constantes des méthodes israéliennes pour la réalisation du Grand Israël. Jusque-là, l’expansionnisme de l’état hébreu a été quelque peu freiné par l’hétérogénéité des gouvernements successifs. La présence de certaines sensibilités socialistes ou libérales allait dans le sens d’une stabilisation des frontières, se conformant en cela avec les recommandations de deux états, voulues par la communauté internationale.

Malheureusement, ces sensibilités ont été éjectées et n’apparaissent plus ni dans les gouvernements, ni même dans l’opinion. Aujourd’hui il ne reste plus dans les gouvernements que les tendances de la droite la plus extrême. Les Israéliens ont été appelés de nombreuses fois aux urnes, jusqu’à deux fois par an, et chaque fois, on se retrouvait avec des assemblées encore plus à droite que la précédente.

Aujourd’hui, on peut dire qu’on arrive à un semblant de cohésion doctrinaire du noyau dirigeant Israël, et si les partis continuent à se tirer au flanc, c’est plus pour des questions d’ego. En maître avisé des arcanes politiques, Netanyahu croit avoir trouvé dans l’expansionnisme et l’effacement total ou partiel de la question palestinienne, le moyen d’asseoir la cohésion de son équipe.

Le moment était opportun pour un grand coup : une équipe suprémaciste, soudée dans sa rage d’en découdre avec ce qui subsiste de la Palestine, et un exécutant aux abois, le Hamas, près à toutes les basses œuvres pour espérer continuer à exister et faire partie d’une mirifique solution en fin de parcours. Pour Netanyahu, il allait pouvoir faire coup double : d’abord en attaquant l’Iran, une attaque tant attendue, depuis qu’un certain Obama l’avait fait avorter, et ensuite en liquidant ce qui reste de la Palestine.

L’alliance entre la droite extrême israélienne et le Hamas apparaît, de prime abord invraisemblable, contre-nature ! Mais elle s’inscrit dans la logique cynique qui a permis à Israël de s’étendre et de se renforcer. Les personnages mythiques de l’histoire d’Israël ont agrandi le territoire en demandant toujours vengeance pour la mort de populations civiles. À croire que les victimes innocentes appartiennent aux dispositifs militaires israéliens. C’est avec effrois de constater que c’est la seule leçon que la droite extrême israélienne a tirée de la Shoah.

Depuis Ben Gourion, Golda Meir, en passant Menahem Begin, Ariel Charon, et maintenant B. Netanyahu, le procédé ne changeait que dans la forme et l’ampleur, mais tous étaient intimement convaincus que les victimes des guerres étaient le prix à payer sur l’autel de l’expansion d’Israël. Du coup, le sacrifice de ces vies rendait caduque toute négociation, et éloignait toute idée de partage de la terre.

Dans cette logique, la collusion Israël-Hamas devient évidente. Reste à savoir si l’ampleur de l’opération en cours était ainsi convenue dès le départ. S’agit-il d’un simple dérapage qui a conduit à de très grandes pertes israéliennes, ou c’est de choix délibéré pour donner libre cours à Netanyahu pour procéder à sa guise au nettoyage par le vide de nouveaux espaces ?

Apparemment, c’est la deuxième option qui a été retenue puisque déjà les USA, en auxiliaires serviles d’Israël ont proposé à l’Égypte la mise en place depuis Raffa d’un « corridor humanitaire ». Ce que les Américains n’ont pas révélé publiquement, c’est que ce corridor se transformerait en route suffisamment grande pour faciliter l’évacuation de la totalité de la population de Gaza en vue de son implantation définitive au Sinaï. En somme, la énième vague de réfugiés palestiniens !

Il a fallu que le Président Sissi, offusqué par la proposition, se mette à ruer dans tous les sens, pour que ces sombres desseins soient finalement portés à la connaissance du public. L’acceptation d’une telle offre ne conduira pas seulement à la chute de Sissi, mais conduira à l’implosion immédiate de toute l’Égypte. Est-ce que ce sort voulu pour le pays des Pharaons rentre-t-il aussi dans les objectifs inavoués de l’Occident ?

Pour en revenir aux événements du 7 octobre, on ne peut continuer à occulter la responsabilité directe d’Israël avec la complicité de très larges couches de la population occidentale qui fait du combat contre les Musulmans, l’unique raison de leur passage sur Terre. La collusion avec le Hamas est à ce point avérée que le monde est aujourd’hui tétanisé à l’idée que les dirigeants israéliens aient laissé massacrer leurs propres ressortissants.

L’unique argument pour réfuter cette thèse est de brandir à nouveau la théorie du complot. Depuis le début du conflit en 1948, et à force de l’usage intensif qu’en a fait Israël, l’argument est devenu désuet, et n’a plus d’effet que sur ceux qui sont engagés dans la croisade anti musulmane.

L’immense et légitime émotion provoquée par la brutale et féroce attaque du Hamas, a altéré le jugement du plus grand nombre qui aujourd’hui crie vengeance. Mais ceux qui ont gardé un peu de lucidité, malgré colère et ressentiment, peuvent aider à l’avènement d’une situation où on ne verra plus jamais ça. Pour cela, il faut juste poser en termes dépassionnés les traditionnelles questions : pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

Bouznika le 13 octobre 2023