International
Sommes-nous une grande nation ?
Le Marocain aime son pays avec toutes ses imperfections. S’il ne se révolte pas contre les disparités abyssales, c’est que quelque part il considère que ce sont des problèmes maroco-marocains
Oui, au seul regard posé sur notre histoire !
Mais ce n’est pas parce que nous sommes les héritiers d’une grande histoire et de belles et magnifiques traditions que nous sommes une grande nation, du moins dans le sens que communément on donne aujourd’hui à grande nation.
Certes, le Maroc n’a jamais connu une véritable occupation étrangère et le protectorat n’en était pas une. Preuve en est que nous avons réussi à préserver notre identité intacte. D’ailleurs le protectorat a duré moins longtemps que celui exercé par l’ex URSS sur les pays de l’Est européen.
Autres exemples :
Le Maroc a su contourner ce prétendu printemps arabe qui a mis à feu et à sang les pays de la région. Il a su se préserver et il est en passe de dompter l’hydre islamiste. Tout récemment encore sa gestion de la pandémie démontre, s’il en était besoin, que notre pays trouve dans ses reculs historiques les ressources nécessaires pour rebondir. On ne va pas citer toutes les épreuves de l’histoire que le Maroc a su dépasser grâce à son génie propre.
Est-ce que cela fait de nous pour autant une grande nation ? Nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous sommes loin, très loin de peser sur les affaires du monde, à commencer par celles qui nous concernent nous-mêmes en premier. Depuis 46 ans (plus que la durée du protectorat), l’Algérie nous harcèle et entrave notre développement, sans que nous puissions faire autre chose que de nous défendre. La crise avec l’Algérie déborde maintenant au point de rejaillir sur nos relations avec l’Allemagne et l’Espagne, deux pays très importants pour nous.
Pour contenir ces nouveaux fronts, nous devons faire preuve de beaucoup de doigté et surtout de ne pas nous méprendre sur les rapports de forces. Notre intelligence collective doit nous conduire à proportionner nos réactions à nos forces réelles et non à parler de notre prétendue puissance.
Cette méprise sur nos forces réelles vient de retourner la situation en notre défaveur. Alors que nous étions en passe de gagner notre bras de fer contre l’Espagne dans le «Ghaligate», et de gagner la sympathie de l’opinion, il a suffit d’une photo montrant un soldat espagnol sauvant un bébé de la noyade dans le port de Ceuta, pour abîmer durablement notre image, celle d’un pays qui semble fermer les yeux sur les risques encourus par nos jeunes, y compris des bébés. De là à imaginer que cela a été délibéré, il n’y a qu’un pas que tous les médias hostiles ont allègrement franchi. Je passe sur les autres photos de tous ces ados hagards, plus perdus à Ceuta qu’ils ne l’étaient chez eux. Des photos qui ne nous glorifient guère. Quel gâchis !
Le Marocain aime son pays avec toutes ses imperfections. S’il s’accommode par exemple de l’absence de démocratie, s’il ne se révolte pas contre les disparités abyssales, c’est que quelque part il considère que ce sont des problèmes maroco-marocains, du linge sale qui se lave en famille. C’est dire qu’il a foi en un avenir qu’il espère meilleur. Mais dès lors qu’il y a des interférences extérieures, il est plus fébrile au point de se crisper quand son pays doit subir des injustices ourdies par des puissances étrangères. Une attitude qui relève, somme toute, d’un patriotisme sain et loin de toute forme de nationalisme pervers.
Du coup l’amour du Marocain pour son pays devient plus exigent dès que des étrangers sont impliqués. La plus haute des exigences requiert de ce fait une gestion rigoureuse des crises.
Que pensez-vous de la manière dont est gérée la crise qui nous oppose actuellement à l’Espagne ?
Bouznika le 21 mai 2021