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TRUMP : UNE NOUVELLE POLITIQUE FISCALE INTERNATIONALE - Par Mustapha SEHIMI
Le président américain Donald Trump signe ‘’executives orders (décrets) pendant la parade inaugurale à l'intérieur de Capital One Arena, à Washington, DC, le 20 janvier 2025. (Photo par ANGELA WEISS / AFP)
Au premier jour de son mandat, le lundi 20 janvier courant, le Président Trump a signé deux " Executive Orders" remettant en cause toute forme de soutien des États-Unis aux travaux menés par l'OCDE visant la mise en place d'une imposition minimale des entreprises multinationales. Quels objectifs sont poursuivis ? Et quels sont les effets potentiels de cette nouvelle politique fiscale ?
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Ironie de l'histoire : c'est la première administration Trump (2017-2021) qui a en effet inventé le principe d'une imposition minimale des multinationales. En 2017, le taux de l'impôt sur les sociétés américaines a été réduit de 35% à 21% ; en même temps, un dispositif d'imposition minimale est introduit pour lutter contre la sous- imposition des grands groupes. Cette initiative va conduire, dès 2018, 1'OCDE à engager une concertation multilatérale sur les règles " Globe " ("Global Anti-Base Erosion Rules"). Cela sera finalisé en 2021 par un modèle de règles approuvé par quelque 140 États, dont le Maroc. Il n'est pas juridiquement contraignant et il a vocation à être transposé par voie législative interne dans ces États. Dans un premier temps, Washington a d'abord soutenu cette initiative, estimant qu'il était de son intérêt que tous les groupes - et pas seulement les groupes américains -soient soumis à un impôt minimal.
Impôt minimal
Il faut expliquer le principe de base des règles GloBE. Il est simple : lorsqu'une société mère est établie dans un État A et dispose d'une ou plusieurs filiales dans un État B où elles sont soumises à un taux effectif d'imposition inférieur à 15 %, il appartient à la société mère dans l'État A de payer la différence entre le taux réel et le minimum de 15 %. Ce principe repose sur un postulat : dans l'État de la société mère, les règles GloBE ont été correctement transposées. Si ce postulat n'est pas respecté, le dispositif GloBE comporte un filet de sécurité, à savoir que le supplément doit être payé par une autre société du groupe, où qu'elle soit établie.
Ainsi, si la société mère dispose d'une autre filiale dans un Etat C, c'est sur celle-ci que retombera la charge fiscale, même si cette autre filiale supporte déjà un impôt supérieur à 15 %. Il vaut de noter que bien avant l'élection présidentielle de novembre 2024, les autorités avaient fait ce constat : la conjonction de la règle de base et du filet de sécurité est fortement préjudiciable aux groupes américains. Il existe bien un dispositif d'imposition minimal aux États Unis qui comporte de grandes différences techniques avec les règles GloBE. C'est dire que le droit américain ne respecte donc pas à la lettre les règles GloBE. En l'état, ce mécanisme est remis en cause par les Américains. Ils plaident, depuis des années d'ailleurs, pour que leur législation interne, complétée depuis 2017, soit reconnue comme conforme aux règles GloBE. Sans succès : ni l'OCDE ni 1'UE - qui a transformé les règles GloBE en directive - n'ont reconnu que les règles américaines étaient suffisamment comparables aux règles GloBE pour éviter le déclenchement du filet de sécurité. Les États-Unis ne comptent pas réformer leur système d'imposition des multinationales pour "coller" au modèle OCDE. Ils paraissent décidés à n'en rien faire. C'est donc l'approche conflictuelle qui prévaut.
Une mesure politique
Le retrait des États-Unis du " Global Tax Deal" est une mesure politique. Les États-Unis ne sont juridiquement tenus à aucun engagement. Les règles GloBE ne sont pas inscrites dans une convention multilatérale et le retrait de Washington n'équivaut donc pas à la dénonciation d'un engagement international ayant force contraignante. Cela dit, les deux " Exécutive Orders" du Président Trump prévoient plusieurs mesures. La première c'est que les autorités américaines vont procéder sous soixante jours à une analyse des législations fiscales des États étrangers. Il s'agit d'étudier si elles sont contraires aux conventions fiscales avec les États-Unis ; de voir également si elles ne sont pas "extraterritoriales" ou de nature à affecter " de façon disproportionnée" les sociétés américaines. Sur la base de ce diagnostic seront décidées des propositions de mesures de rétorsion. La seconde a trait, elle, à l'ordre donné aux autorités américaines de prendre des dispositions appropriées d'ordre fiscal. Quelle peut être alors la réaction possible pour les États ? N'adopter que la règle de base du dispositif " GloBE", mais pas le filet de sécurité ? Un choix qui présente de grands enjeux stratégiques et économiques. En tout état de cause, l'ensemble du "package" GloBE n'est pas gérable ni tenable. Et l'OCDE n'a pas d'autre choix que d'assouplir sa position. A son corps défendant...