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Un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage, une première femme noire aux portes de la Cour suprême des Etats-Unis
Photo d'archive prise le 28 avril 2021- Ketanji Brown Jackson, candidate au poste de juge itinérant pour le district de Columbia, témoigne lors de son audition de confirmation devant la commission judiciaire du Sénat à Washington, DC. Le président Joe Biden devrait choisir Ketanji Brown Jackson comme première femme noire de l'histoire des États-Unis à siéger à la plus haute juridiction du pays, ont rapporté les médias le 25 février 2022. (Photo par KEVIN LAMARQUE / POOL / AFP)
Un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage aux USA, près de 60 après ‘’I Have a dream’’ de Martin Luther King et 13 après l’élection du premier président noir, une juge afro-américaine va peut-être pour la première fois faire son entrée à la Cour suprême des Etats Unis d’Amérique. Non sans susciter la controverse.
Ketanji Brown Jackson, nommée vendredi par Joe Biden, admet avoir "une expérience de la vie un peu différente" de ses collègues, et pas uniquement parce qu'elle est noire.
Si elle est confirmée par le Sénat, cette brillante juriste de 51 ans deviendra la première magistrate afro-américaine au sein de la haute institution, où n'ont siégé jusqu'ici que deux hommes noirs.
Mais elle sera aussi l'une des rares à avoir une expérience professionnelle et intime du système pénal.
Alors que la plupart des juges de ce niveau se sont distingués comme procureurs, Ketanji Brown Jackson a travaillé du côté des accusés: pendant deux ans, elle a été avocate dans les services de l'aide juridictionnelle à Washington, où elle a défendu des prévenus sans ressources.
Elle a ensuite raconté avoir été "frappée" par leur méconnaissance du droit et avoir, une fois devenue juge, pris "grand soin" d'expliquer ses décisions aux condamnés.
Plus personnel encore: un de ses oncles a écopé en 1989 d'une peine de prison à vie dans le cadre d'une loi très répressive qui imposait automatiquement la réclusion à perpétuité après trois infractions aux lois sur les stupéfiants.
Même si elle n'était pas proche de lui, "cette expérience familiale l'a sensibilisée à l'impact de la loi sur la vie des gens", a raconté au Washington Post un ami, sous couvert d'anonymat.
Ketanji Brown Jackson a, elle, eu une enfance très stable dans une famille d'enseignants installée en Floride. Son père avait ensuite repris des études de droit et est devenu juriste dans un conseil d'école, tandis que sa mère se hissait au rang de directrice.
Championne de concours d'éloquence dès le lycée, elle brille et rejoint la prestigieuse université Harvard, dont elle sort diplômée avec mention.
Dans les années qui suivent, elle alterne les expériences dans le privé et le public.
Elle travaille notamment comme assistante du juge progressiste de la Cour suprême Stephen Breyer, qu'elle est désormais appelée à remplacer.
Elle exerce dans des cabinets d'avocats mais aussi à la Commission des peines, une agence indépendante chargée d'harmoniser la politique pénale aux Etats-Unis.
"Pas des rois"
En 2013, le président démocrate Barack Obama la nomme juge fédérale à Washington.
Mariée à un chirurgien, avec qui elle a deux filles, Mme Brown Jackson a un lien familial par alliance avec le président républicain de la Chambre des représentants de l'époque, Paul Ryan, qui la présente avec des louanges sur son "intelligence, sa personnalité et son intégrité".
Elle est confirmée sans difficulté.
Au cours des huit ans qui suivent, elle rend des dizaines de décisions. Elle désavoue notamment Donald Trump, qui essaie d'empêcher le Congrès de convoquer un de ses conseillers, en écrivant: "le principal enseignement des 250 ans d'Histoire américaine, c'est que les présidents ne sont pas des rois".
Dès son arrivée à la Maison Blanche, Joe Biden la nomme au sein de l'influente Cour d'appel fédérale de Washington, considérée comme un tremplin pour la Cour suprême.
Malgré les profondes divisions politiques au Sénat, elle est confirmée avec le soutien de tous les démocrates et de trois républicains.
Interrogée par un élu lors du processus de confirmation, elle jure de mettre à l'écart "ses opinions personnelles et toute autre considération inappropriée", dont sa couleur de peau, dans son examen des dossiers.
Mais "j'ai peut-être une expérience de la vie différente de celle de mes collègues", reconnaît-elle sobrement. "Et j'espère que cela peut avoir un intérêt."