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5 OCTOBRE, ELECTION DE LA CHAMBRE DES CONSEILLERS : LA TENTATION HEGEMONIQUE - Par Mustapha SEHIMI
Le Chef de gouvernement désigné, Aziz Akhannouch recevant le secrétaire général du parti de l’Istiqlal (PI) Nizar Baraka au siège du RNI à Rabat le 13 septembre 2021
Ce mardi 5 octobre, auront lieu les élections des 120 membres de la Chambre des conseillers. Il faut le dire tout net : ce scrutin ne mobilise pas les grandes foules. La crise sanitaire n'y est pour rien, à la différence des élections du 8 septembre dernier marquées par un triple scrutin, communal, régional et parlementaire relatif à la Chambre des représentants.
C’est que l'on a affaire à un scrutin indirect, les élus étant désignés par des collèges électoraux. Ainsi les trois cinquièmes,
soit 72 conseillers, sont pourvus par les membres des collectivités territoriales dans le cadre des douze régions (24 par les conseillers régionaux et 48 par les conseillers communaux, provinciaux et préfectoraux). Les deux cinquièmes restants sont attribués à des collèges électoraux représentant les catégories professionnelles : 20 pour l'ensemble des élus régionaux des quatre chambres professionnelles (agriculture, commerce/ industriel services, artisanat, pêches maritimes); 20 autres sièges pour les membres d'un collège électoral élus à l'échelon national par les représentants des salariés; enfin 8 sièges pour les membres d'un collège électoral désignés par l'ensemble des membres des organisations professionnelles composant la CGEM.
Contrôle et interpellation du gouvernement
Dans le détail, il faut préciser que 678 nouveaux conseillers régionaux vont élire les 24 conseillers de leur collège ; que 33358 élus - dont 31.993 conseillers communaux et 1365 conseillers préfectoraux - vont pourvoir 48 sièges de conseillers ; que 2230 représentants des chambres professionnelles vont élire leurs 20 conseillers à l'échelon régional; et que le collège représenté par la CGEM avec 560 électeurs élus va voter pour les 8 sièges restant.
Dans la Constitution de 2011, est consacré le principe de la prééminence de la Chambre des représentants dont l'aspect le plus important est l’investiture du gouvernement. Pour autant, la Chambre des conseillers s'est vue octroyer des prérogatives lui permettant de jouer un rôle important en matière de législation, de contrôle de l'action du gouvernement, de diplomatie parlementaire et d'évaluation des politiques publiques. Les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des conseillers (art.78). De plus, aux termes de l'article 67 de la loi suprême, la Chambre des conseillers peut interpeller le gouvernement avec une motion signée au moins par le cinquième au moins de ses membres. De même, le tiers de ses membres peuvent demander la création d'une commission parlementaire d'enquête. Il faut rappeler qu'une commission d'enquête parlementaire sur les caisses des retraites a été créée par la Chambre des conseillers sortante. Avec les nouvelles conditions fixées, l'interpellation du gouvernement par une motion offre la possibilité à l'opposition ce droit pour peu qu'elle réunisse 24 signatures sur les 120 composant cette institution. Cette même faculté est ouverte à 40 membres pour mettre sur pied une commission d'enquête.
Quelle pratique institutionnelle ?
Cela dit, comment se présente le scrutin du 5 octobre ? Pas d'incertitude : les trois premiers partis du scrutin du 8 septembre vont se retrouver en tête. Leurs résultats respectifs lors des scrutins communaux et régionaux ne peuvent que l'attester. Dans les conseils communaux et d'arrondissement, voici les chiffres: RNI, 9995; PAM, 6210 ; PI, 5600. Suivent l'USFP (2415), le MP (2253), l'UC (1626), le PPS (1532), le PJD (777),... Dans les conseils régionaux, l'on retrouve pratiquement le même classement : RNI (196), PI (144), PAM (143), USFP ( 48), MP (47), UC (30), PPS (29), PJD (18), ... Sur ces bases-là, certaines simulations du côté des partis donnent une majorité confortable à la nouvelle configuration groupant le RNI, le PAM et le PI, au-delà de 80 sièges dans le total des 120 de la Chambre des conseillers.
Comment, dans ces conditions, va être la pratique institutionnelle ? C'est un cas de figure inédit puisque le Chef du gouvernement aura une majorité dans chacune des deux Chambres. Il est question d'ailleurs que le PI préside la Chambre des représentants tandis que le PAM se verrait à la tête de la Chambre des conseillers. Une telle équation permettrait-elle de donner plus d'homogénéité et d'efficacité à l'action de l'exécutif ? Référence est faite à une meilleure coordination du travail parlementaire, à son travail parlementaire, à moins de lenteur dans l'examen et la délibération des projets de textes législatifs. Ce serait là une expression optimale du parlementarisme rationalisé. Mais en même temps, ce fait majoritaire n'échappe pas à une certaine tentation hégémonique. Ainsi l'opposition pourra-t-elle exercer sa fonction de manière satisfaisante ? Une majorité triomphante arrivera-t-elle à éviter la rigidité et l'obésité et à imprimer dès le début une ferme volonté réformatrice ? Ce n'est pas le moindre challenge pesant sur elle et le gouvernement qu'elle va soutenir.