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Abou Hafs relance le débat sur l’héritage au péril de sa vie
Depuis son passage sur le plateau de « Confidences de presse » avec Abdellah Tourabi le dimanche 16 avril, Mohamed Abdelouahed Rafiki alias Abou Hafs est dans la ligne de mire des cheikhs salafistes. Son appel à la relecture des textes religieux, notamment par rapport à la question de l’héritage entre la femme et l’homme, a provoqué l’irritation de plusieurs voix salafistes, allant jusqu’à l’accuser de blasphème.
Au Maroc, il y a des lignes rouges, des sujets brûlants que tout le monde évite d’approcher, à l’exemple de la question de l’héritage entre la femme et l’homme. Même si ces dernières années plusieurs associations, y compris le CNDH, ont appelé à une réforme de cette loi, le débat n’a jamais été aussi ardent et frénétique qu’après le passage d’Abou Hafs dans l’émission « Confidences de presse ».
L’ex-membre de la mouvance salifiste a évoqué ouvertement la nécessité d’une nouvelle lecture des textes religieux, notamment celui de l’héritage. Cette déclaration audacieuse a depuis déchaîné une tempête de commentaires et de réactions hostiles dans les milieux salafistes. Certains sont même allés jusqu’à menacer de mort Rafiki et sa famille.
Il suffit de faire un petit tour sur les réseaux sociaux pour réaliser l’ampleur démesurée qu’ont pris les propos d’Abou Hafs. Une véritable levée de boucliers de la part de voix salafistes connues du grand public, qui n’ont pas manqué de réagir à cette polémique pour « défendre l’image de l’Islam ». Mohamed El Fizazi emporté par une colère noire a déclaré sur son compte Facebook que Rafiki « n’a pas seulement retourné sa veste, mais il l’a carrément déchiré ». Hamza Kettani a, lui, excommunié Abou Hafs, expliquant que le verset sur l’héritage n’« est pas sujet à interprétation » tout en le qualifiant de « mécréant ».
En s’aventurant sur ce terrain glissant, Abou Hafs n’a pas uniquement provoqué les foudres des critiques, mais il a également aidé à relancer un débat qui était jusque là élitiste. Il a battu en brèche un grand tabou. Face à cette vague de haine et de colère, Abou Hafs lui dit rester « serein ». Celui-ci a, par ailleurs, été supporté par plusieurs figures publiques qui ont salué sa promotion d’un Islam modéré et éclairé (voir le dossier spécial sur Telquel cette semaine).
Abou Hafs mérite le respect de tous. Pour passer de salafiste, ce courant islamiste prônant une lecture littérale des textes, au modéré qu’il est aujourd’hui, il aura fallu beaucoup de courage intellectuel. D’abord le courage de revisiter toutes ses croyances, de réévaluer ses méthodes et d’en tirer les conclusions nécessaires. Ensuite le courage d’affronter ses anciens camarades d’un courant violent verbalement quand il ne l’est pas physiquement. Pour cela, il faut saluer l’intellectuel honnête qu’il est devenu.